vendredi 5 août 2016

(18) SERMON DE WESLEY LA RÉFORME DES MŒURS

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com 

Sermon 52 :           LA RÉFORME DES MŒURS

Psaume 94,16
1763

Qui se lèvera pour moi contre les méchants ?  (Psaume 94 : 16)

                    Sermon prêché devant les membres de la Société pour la réforme des mœurs, le dimanche 30 janvier 1763. Cette société exista pendant plusieurs années et fit un bien incalculable. Mais elle a été complètement ruinée par un arrêt de la Cour royale, qui la frappa d'une amende de sept mille cinq cents francs. Ma conviction est que les témoins, le jury et tous ceux qui furent impliqués dans ce procès inique, auront à rendre un compte bien sérieux devant Dieu. (Note de J. Wesley.)

                    On a vu dans tous les temps des hommes « qui ne craignaient point Dieu, et qui n'avaient aucun égard pour personne (Luc 18 : 2) », s'associer et se liguer pour mieux accomplir leurs œuvres de ténèbres. En agissant ainsi, ils se sont montrés « prudents dans leur génération (Luc 16 : 8) ; » car ces associations ont contribué à l'extension du règne de leur père qui était le diable, plus que tous les autres moyens qu'ils auraient pu employer.

                     Mais, d'un autre côté, ceux qui craignent Dieu et veulent le bonheur de leurs semblables, ont aussi dans tous les siècles compris la nécessité de s'unir pour lutter ensemble contre ces œuvres de ténèbres, pour répandre la connaissance de Dieu leur Sauveur, et pour propager son royaume sur la terre. A la vérité, c'est Dieu lui-même qui leur a enseigné à faire cela. Depuis que la terre est habituée, il a prescrit à ses enfants de s'associer pour le servir, et par son Esprit il les a réunis en un seul corps. Et s'il les a ainsi groupés ensemble, c'est « pour détruire les œuvres du diable (1Jean 3 : 8) », d'abord en ceux qui sont ainsi associés, et puis, par eux, en tous ceux qui les entourent.

                    Tel fut le but primitif de l'Eglise de Christ. C'est une société d'hommes qui s'unissent, premièrement en vue de travailler chacun d'eux à son propre salut. Ensuite, pour s’entraider dans ce saint travail du salut, de leurs âmes ; et enfin, autant qu'ils le pourront, pour sauver tous les hommes du malheur présent et à venir, pour renverser le règne de Satan et établir celui de Jésus-Christ. Telles doivent être aussi la grande préoccupation et la continuelle occupation de tous les membres de l'Eglise chrétienne, sans quoi ils ne méritent pas de porter ce titre, attendu qu'ils ne sont pas des membres vivants de Jésus-Christ.

                    Cela devrait donc être l'objet constant des pensées et des efforts de tous ceux qui, dans ce pays, constituent par leur union ce qu'on appelle l'Église anglicane. Ils sont associés en vue de résister au diable et à toutes ses œuvres, de faire la guerre à la chair et au monde, ces alliés permanents et fidèles de Satan. Mais en est-il effectivement ainsi ? Tous ceux qui se nomment membres de l'Église d'Angleterre sont-ils engagés de tout cœur dans la lutte contre les œuvres du diable, dans le combat contre le monde et la chair ? Hélas ! nous n'osons l'affirmer. Il serait, plutôt vrai de dire qu'une grande partie de ces personnes (et je crains que ce ne soit la majorité), forme elle-même ce qu'on appelle le monde, c'est-à-dire ce peuple qui ne connaît point Dieu d'une manière salutaire ; qu'au lieu de faire mourir la chair avec ses passions et ses convoitises, ils les satisfont et accomplissent eux-mêmes ces œuvres du diable qu'ils étaient tout spécialement appelés à détruire.

                    Il est donc encore nécessaire, même dans ce pays chrétien (comme on nomme par complaisance la Grande-Bretagne), même dans cette Église chrétienne (s'il est permis de désigner ainsi la masse de nos compatriotes), qu'il se trouve des hommes qui se lèvent contre les méchants et se liguent contre les ouvriers d'iniquité. Aujourd'hui plus que jamais, il est urgent que « ceux qui craignent l’Éternel parlent l'un à l'autre (Malachie 3 : 16) » sur ce sujet, pour essayer de lever l'étendard contre l'iniquité qui inonde le pays. Oui certes, il y a lieu, pour tous ceux qui servent Dieu, de se liguer contre les œuvres du diable, de prendre le parti du Seigneur en unissant leurs cœurs, leurs projets et leurs efforts, pour contenir, autant que cela dépend d'eux, ces « torrents des méchants (Psaume 18 : 5)  ».

                    C'est, dans ce but que, vers la fin du siècle dernier (Le dix-septième), quelques personnes s'associèrent à Londres et bientôt reçurent la qualification de Société pour la réforme des mœurs. Pendant près de quarante années, cette société fit un bien incroyable. Mais, les fondateurs étant morts, ceux qui les remplacèrent se laissèrent décourager et abandonnèrent la tâche. C'est pourquoi cette société disparut, il y a quelques années, et, rien d'analogue n'existait plus dans notre pays.

                    C'est une association du même genre qui s'est constituée récemment. Je me propose aujourd'hui d'indiquer : premièrement, la nature de cette entreprise, et ce qu'ont déjà fait les membres de la Société ; en second lieu, l'excellence de cette œuvre, en mentionnant les diverses objections qu'on a dirigées contre elle ; en troisième lieu, ce que doivent être les hommes qui s'en occupent ; et, enfin, dans quel esprit et de quelle manière ils doivent travailler à l'accomplissement de leur dessein. Je terminerai par des exhortations s'appliquant aux membres de la Société et, en général, à tous ceux qui craignent Dieu.

I

Je veux, d'abord, indiquer la nature de l'entreprise et ce qui a déjà été fait.

                    Ce fut un dimanche, au mois d'août 1757, que, dans une petite réunion dont le but était la prière et un entretien. religieux, on vint à parler de la profanation publique et scandaleuse du saint jour qui avait lieu dans cette ville, du fait de gens qui vendaient et achetaient, tenaient boutique ouverte, s'enivraient dans les brasseries, ou débitaient leurs denrées comme les autres jours de la semaine, debout ou assis dans les rues, le long des routes et par les champs, surtout à Moorfields qui, d'un bout à l'autre, en était plein chaque dimanche. On se demanda ce qu'il y aurait à faire pour arrêter ces désordres ; et il fut convenu que six des personnes présentes se rendraient, le lundi matin, chez Sir John Fielding pour le consulter. Cela fut fait : il approuva cette idée, et indiqua comment il fallait. s'y prendre pour la réaliser.

                    On commença par adresser des pétitions à Son Excellence le lord-maire, et, au conseil des aldermen, aux juges qui siègent à Hick's-Hall, et à ceux de Westminster. De ces divers corps de magistrats on reçut des encouragements chaleureux.

                     Il parut convenable ensuite de porter ce projet à la connaissance de divers personnages de distinction, et du clergé tout entier, y compris les pasteurs de diverses dénominations se rattachant aux Eglises et congrégations des cités de Londres et de Westminster aussi bien que des environs. On eut la satisfaction de rencontrer chez eux tous une adhésion et une approbation cordiales.

                     Après cela, la Société fit imprimer et répandre, à ses frais, plusieurs milliers d'exemplaires d'un ouvrage renfermant des instructions adressées aux constables (Sergents de ville) et aux autres agents municipaux, pour leur expliquer et leur enjoindre leurs devoirs respectifs. De plus, pour éviter, autant que possible, d'avoir à recourir aux tribunaux pour assurer l'exécution des lois, la Société fit imprimer et répandre dans tous les quartiers de la capitale des invitations à ne plus profaner le jour du repos, ainsi que des extraits des Actes du Parlement se rapportant à cette question, et enfin, des avertissements à ceux qui se mettraient en contravention.

                       Après avoir pris ces précautions et ouvert ainsi la voie, après avoir fois sur fois envoyé des avertissements dont nul compte n'était tenu, la Société, au commencement de l'année 1755, se décida à porter plainte auprès des magistrats contre les individus qui violaient publiquement le jour du Seigneur. Le premier fruit de cette mesure fut d'obtenir que les rues et la campagne fussent. délivrées de la présence de ces gens qui, ne respectant ni Dieu, ni le roi, y vendaient habituellement leurs denrées du matin au soir. On rencontra plus de difficultés dans la réalisation de la seconde partie du programme, qui était d'empêcher la population de se livrer aux excès de boisson le dimanche et de passer dans les brasseries le temps qu'on eût dû consacrer au culte divin. En poursuivant ce but, les membres de la Société se virent exposés à beaucoup d'opprobres, d'outrages et d'insultes de tout genre. Ils avaient à lutter non seulement contre les buveurs, mais aussi contre les cabaretiers qui les recevaient, et contre des gens riches et honorés, les uns propriétaires de ces brasseries, les autres fournisseurs des boissons qu'on y consommait, contre tous ceux enfin qui retiraient quelque profit de ces transgressions. Parmi ces derniers, il y avait des hommes qui non seulement étaient riches, mais exerçaient des fonctions publiques, de telle sorte que, dans plus d'un cas, ce fut précisément devant eux que comparurent les délinquants. Le mauvais accueil que ces hommes firent à ceux qui portaient plainte, encourageai la lie de la population à suivre leur exemple, et à traiter les membres de la Société comme des gens indignes de vivre. On ne se gêna plus, non seulement pour les injurier de la façon la plus grossière, non seulement pour leur jeter de la boue, des pierres on tout autre projectile qu'on avait sous la main, mais encore et plusieurs fois pour les battre cruellement et les traîner sur le pavé et dans les ruisseaux des rues. Si on ne les tua pas, ce ne fut pas faute de l'avoir voulu, mais parce que les méchants furent contenus, par un frein.

                    Dieu soutint les membres de la Société en question, et ils entreprirent encore d'empêcher les boulangers de consacrer une si grande portion du dimanche au travail de leur métier. Beaucoup de ceux-ci se conduisirent plus honorablement que les cabaretiers. Au lieu d'en vouloir à ceux qui faisaient ces démarches et de considérer leurs efforts comme des provocations, plusieurs qui avaient été entraînés, par le courant des exigences de la clientèle, à agir contrairement aux inspirations de leur conscience, remercièrent les membres de la Société pour leur intervention qu'ils considéraient comme un acte de bienveillance.

                    En expulsant des rues, de la banlieue et des brasseries ceux qui profanaient le jour du repos, les membres de la Société rencontrèrent une autre catégorie de malfaiteurs non moins nuisibles que les autres, les joueurs de toutes sortes. Il s'en trouvait parmi eux qui appartenaient à l'espèce la plus vile, celle qu'on appelle des grecs, gens qui se font une profession d'attirer les jeunes gens sans expérience et de les dépouiller de tout leur argent en trichant au jeu : parfois après les avoir ruinés, ils les initient à leurs mystères d'iniquité. Les agents de la Société ont déniché plusieurs de ces industriels, et en ont réduit quelques-uns à gagner leur pain à la sueur de leur front et par le travail de leurs mains.

                   Le nombre des membres et les ressources de la Société avaient augmenté ; ils en profitèrent pour élargir leur programme, et, non contents de réprimer les jurons blasphématoires, ils entreprirent de débarrasser nos rues de ce qui est à la fois un fléau public et un scandale pour le nom chrétien : je veux parler des femmes publiques. Plusieurs d'entre elles furent arrêtées au milieu de leur carrière de dissipation et de vice. Pour couper le mal à fa racine, on s'attacha à découvrir les maisons où ces femmes étaient reçues et, à la suite de poursuites légales, on les fît fermer absolument. Quelques-unes de ces pauvres créatures déchues, déjà arrivées au degré le plus bas de l'infamie, ont depuis reconnu que c'était la grâce de Dieu qui avait dirigé cette intervention, et elles ont renoncé au péché par une repentante qui n'a point été passagère. Un certain nombre ont été mises en service ; d'autres ont été reçues dans l'hospice de la Madeleine.

                       Que l'on me permette une petite digression. Qui pourrait assez admirer la sagesse de la Providence qui ajuste les temps et les moments de façon à faire correspondre les uns avec les autres certains événements ? Par exemple, dans ce cas où beaucoup de ces infortunées, se voyant tout à coup arrêtées dans leur carrière coupable, éprouvèrent le désir de changer de vie et se firent peut-être cette question lamentable : « Que ferai-je pour vivre si je renonce à l'existence que je mène actuellement ? Car je ne sais pas travailler, et je n'ai pas d'amis pour me recevoir ! » Mais ce fut précisément pour ce moment que Dieu avait préparé l'ouverture de cet hospice de la Madeleine. Là, ces femmes qui n'ont pas de gagne-pain, qui n'ont point d'amis pour les recueillir, sont reçues de la façon la plus charitable. On pourvoit à leurs besoins et même très convenablement ; on leur fournit « tout ce qui regarde la vie et la piété (2 Pierre 1 : 3) ».

Revenons à notre sujet.
Le nombre des individus poursuivis, d'août 1757 à août 1762, s'éleva à 9596.
Voici ceux qui l'ont été depuis et à ce jour :
Pour jeux non autorisés ou pour jurons blasphématoires : 40
Pour profanation du dimanche : 400
Prostituées et teneurs de maisons de débauche : 550
Pour avoir mis en vente des gravures obscènes : 2
Total : 10588

                    Quand il s'agit d'admettre de nouveaux membres, la Société pour la réforme des mœurs ne s'inquiète pas de savoir à quelle secte ou à quel parti ils appartiennent. L'essentiel est que les renseignements qu'on reçoit prouvent qu'on a affaire à des hommes de bien. D'ailleurs, des égoïstes ou des gens intéressés dans les questions d'argent ne resteraient pas longtemps membres de la Société, non seulement parce qu'ils n'y gagneraient rien, mais aussi parce qu'ils auraient bientôt à débourser, attendu qu'en devenant membre on devient, souscripteur. On a répandu le bruit que c'étaient tous des disciples de Whitefield. Mais c'est une erreur. Une vingtaine seulement des souscripteurs réguliers de la Société sont liés avec M. Whitefield ; une cinquantaine avec M. Wesley ; une vingtaine sont membres de l'Eglise nationale et n'ont aucun rapport avec l'un ou l'autre, et, enfin, soixante et dix environ sont des dissidents, ce qui donne un total de cent soixante membres. Il est vrai qu'il y a, en outre, beaucoup de personnes qui aident l'œuvre par des dons non réguliers.

II

                    Tels sont les efforts déjà accomplis en vue de l'œuvre dont nous nous entretenons. Mais je veux, en second lieu, en démontrer le caractère excellent, et cela malgré les objections que l'on a fait entendre à l'encontre. L'excellence de cette œuvre résulte des considérations suivantes. D'abord, que cette guerre ouverte déclarée à toutes les impiétés et les iniquités qui, semblables à un déluge, inondent notre pays, est bien un des plus nobles témoignages qu'on puisse rendre à Jésus-Christ en face de ses ennemis. C'est là glorifier Dieu et montrer au genre humain que, même en nos jours mauvais, il se trouve des âmes, peu nombreuses, hélas ! qui conservent fidèlement leur foi et leur piété devant Dieu. Peut-on imaginer un but plus excellent que celui-là : rendre à Dieu l'honneur dû à son nom, adhérer non par des paroles, mais par des souffrances endurées et par des périls encourus, à cette déclaration : « Quoi qu'il en soit, il y a du fruit (ou : une récompense) pour le juste ; quoi qu'il en soit, il y a un Dieu qui juge sur la terre (Psaume 58 : 12) ? »

                  N'est-ce pas une entreprise bien excellente que celle qui tend à empêcher, autant que possible, que le glorieux nom du Seigneur soit profané, que l'autorité des lois divines soit foulée aux pieds, que notre sainte religion soit déshonorée par la conduite coupable et scandaleuse de gens qui portent, encore le nom de chrétiens ? Oui, chercher à refouler le courant des vices, à contenir « les torrents des méchants Ps 18 : 5 » , supprimer en quelque mesure tout ce qui peut souiller le beau nom que nous portons, ce sont là des pensées nobles entre toutes celles qu'une âme humaine peut concevoir.

                    Mais si cette entreprise tend manifestement à ce résultat : « Gloire à Dieu dans les plus hauts cieux (Luc 2 : 14) » , elle ne contribuera pas moins à réaliser cette autre parole : « Paix sur la terre ! (Luc 2 : 14) » Car puisque tout péché a pour effet direct de détruire notre paix avec Dieu que nos transgressions provoquent, mais aussi de bannir toute paix de notre âme et d'armer chaque homme contre son frère, il se trouvera que toute œuvre qui empêche ou fait disparaître le péché favorise, dans une mesure correspondante, l'établissement de la paix, soit dans notre propre cœur, soit entre Dieu et nous, soit entre nous et nos semblables. Voilà quels sont les fruits que porte cette œuvre dès à présent et dans ce monde-ci. Mais pourquoi nous laisserions-nous arrêter dans nos réflexions par les étroites limites du temps et de l'espace ? Franchissons-les et entrons dans le domaine de l'éternité. Quels fruits de cette œuvre y constaterons-nous ? Voici la réponse d'un apôtre : « Frères, si quelqu'un d'entre vous s'écarte de la vérité, et que quelqu'un le redresse (le ramène, le convertisse, non pas à telle ou telle opinion, mais à Dieu) ; qu'il sache que celui qui aura ramené un pécheur de son égarement, sauvera une âme de la mort, et couvrira une multitude de péchés (Jaacques 5 : 19,20).

                     Mais ce n'est pas seulement au bonheur des individus que cette œuvre contribue, tant de ceux qui peuvent entraîner les autres à la transgression que de ceux qui peuvent s'y laisser entraîner et y succomber ; elle a aussi en vue la prospérité de la communauté tout entière à laquelle nous appartenons. C'est ici, en effet, une vérité reconnue : « La justice élève une nation (Proverbe 14 : 34) ; » mais celle-ci n'est pas moins certaine : « Le péché est la honte des nations (Proverbe 14 : 34)  ». Oui, le péché attire sur elles la malédiction de Dieu. En soutenant les intérêts de ta justice, de la piété, on soutient les intérêts de la nation. Et dans la mesure où l'on peut contenir le péché et le vice, on éloigne d'elle une honte et une malédiction. Tous ceux donc qui participent à cette œuvre sont les bienfaiteurs de leurs semblables, et les meilleurs soutiens de leur roi et de leur patrie. Et il n'y a pas lieu de douter que, dans la proportion où cette entreprise réussira, Dieu accordera au pays, la prospérité, et accomplira ainsi fidèlement sa parole : « J'honorerai ceux qui m'honorent » (1 Samuel 2 : 30)

                     Mais voici une critique qu'on a adressée à cette Société : « Vos intentions sont excellentes ; mais ce sont là des choses qui ne vous pas. N'y a-t-il pas des personnes dont c'est l'affaire spéciale de constater ces délits et de faire châtier les délinquants ? N'y a-t-il pas des constables et d'autres agents municipaux qui ont prêté serment de veiller à cela ? » C'est vrai. Les constables et les représentants de paroisse sont tout particulièrement obligés, par le serment solennel qu'ils ont prêté, de porter plainte contre tous ceux qui violent le jour du repos et contre tous ceux qui commettent des actes scandaleux. Mais s'ils ne font pas leur devoir, si, malgré leur serment, ils ne se mettent point en peine de ces choses, il convient alors que tous ceux qui craignent Dieu, qui aiment leurs semblables et veulent servir leur roi et leur pays, s'appliquent à cette tâche tout comme sil n'y avait pas d'agents désignés pour cela ; car, s'ils n'agissent pas, c'est absolument comme s'ils n'existaient pas.

                      Autre critique : « Ce n'est là qu'un prétexte ; Le but réel de ces gens est de se faire payer comme dénonciateurs ». On a affirmé cela fréquemment et carrément, mais sans qu'il y eût ombre de vérité dans cette accusation. Nous pourrions prouver par mille exemples que c'est tout le contraire. Aucun membre de la Société ne touche quoi que ce soit des indemnités accordées par la loi aux dénonciateurs. C'a été ainsi dès le début ; et ils n'acceptent, pas davantage les sommes qui leur sont offertes en vue d'empêcher ou d'arrêter les poursuites. C'est donc là une erreur sans fondement, si toutefois ce n'est une calomnie volontaire.

                     — « Mais, dit-on encore, la chose est impraticable. Le vice est arrivé à un tel point qu'il est impossible de l'arrêter ; surtout avec de pareils moyens. Que peut une poignée de gens coutre la population tout entière ? » - « Quant aux hommes, cela est impossible, mais non pas quant à Dieu (Marc 10 : 27)  ». Et ce n'est pas en eux-mêmes, mais en Dieu que se confient les membres de cette association. Ceux qui protègent le vice ont beau être forts, ils ne sont devant lui que des sauterelles. Il peut se servir de toutes sortes de moyens ; il peut également « délivrer, soit avec beaucoup, soit avec peu de gens (1 Samuel 14 : 6)  ». Il importe peu que le petit nombre soit pour lui et le grand nombre contre lui ; car il peut faire tout ce qui lui plaît ; « il n'y a ni sagesse, ni intelligence, ni conseil, pour résister à l'Éternel (Proverbe 21 : 30)  ».

                    — « Mais, dira-t-on peut-être, si vous visez réellement à convertir les pécheurs, vous ne devriez pas employer ces moyens. Ce ne sont pas les lois humaines, c'est la parole de Dieu qui peut accomplir cette œuvre. C'est l'affaire des pasteurs, et non celle des magistrats ; et, en vous adressant à ces derniers, vous obtiendrez une réforme extérieure, mais les cœurs ne seront pas changés ».

                    Il est vrai que Dieu se sert habituellement et surtout de sa parole pour changer le cœur et la vie des pécheurs, et que c'est principalement par le moyen des ministres de l'Évangile qu'il accomplit cette œuvre. Mais il est également vrai que le magistrat est « le ministre de Dieu, et vengeur pour punir celui qui fait mal (Romains 13 : 4) », et cela de la part de Dieu, en veillant à l'exécution des lois humaines. Il est vrai que cela ne change pas les cœurs ; mais c'est bien quelque chose d'empêcher que le péché se commette. Cela diminue d'autant l'outrage fait au Seigneur, l'opprobre jeté sur notre sainte religion, la honte et la malédiction tombant sur notre peuple, les tentations offertes aux âmes, enfin la colère amassée par les transgresseurs eux-mêmes pour le jour de la colère.

                    — « C'est le contraire pour ces derniers ; car de beaucoup d'entre eux vous faites des hypocrites qui font semblant d'être ce qu'ils ne sont pas. Et y en a d'autres que vous exaspérez et conduisez à une rage de désespoir dans la carrière du mal, en attirant sur eux la honte et les frais d'un jugement. Ainsi, ils ne valent pas mieux qu'auparavant ; peut-être valent-ils moins ».

                    Rien de cela n'est exact. Où sont les hypocrites en question ? Nous ne connaissons aucune personne qui ait fait semblant, ce qu'elle n'était pas. La honte et les frais auxquels sont exposés les coupables n'ont pas pour effet de les exaspérer et de les endurcir dans le mal, mais bien de leur inspirer une crainte salutaire. Il y en a qui, loin d'avoir empiré, sont, tout compté, meilleurs ; car le cours de leur vie est changé. Et même il y en a dont le cœur a été changé, qui sont « passés des ténèbres à la lumière et, de la puissance de Satan à Dieu (Actes 26 : 18)  ».

                     — « Mais il y a bien des gens qui ne sont pas convaincus que ce soit un péché de vendre ou d'acheter le dimanche ! »

                   S'ils n'en sont pas convaincus, ils devraient l'être, et il est grand temps qu'ils le soient. La chose est bien simple. Si ce n'est pas un péché que de violer ouvertement et volontairement la loi de Dieu et celle du pays en même temps, qu'est-ce qui sera péché, je vous le demande ? Et si on ne doit pas punir cette violation des lois humaines et divines, simplement parce que le coupable n'est pas convaincu que ce soit un péché, il faudra donc renoncer à faire exécuter les lois, et laisser chacun faire ce qu'il voudra !

                    — « Mais il faudrait d'abord essayer des mesures de douceur ! » On l'a fait, et on le fait encore. On avertit d'une façon bienveillante ceux qui sont en faute avant de porter plainte contre eux ; on ne poursuit personne avant de lui avoir fait entendre bien clairement que, s'il veut éviter des poursuites, il doit renoncer à ce qui les motive. Dans chaque cas on emploie les moyens les plus conciliants que comporte la situation, et l'on n'a recours aux mesures rigoureuses que lorsque les moyens de conciliation ont complètement échoué.

                     — « En fin de compte, après tout le mouvement que l'on s'est donné pour réformer, quel bien réel a-t-on fait ? » Cette œuvre a fait un bien incalculable, beaucoup plus de bien qu'on eût pu en attendre en peu de temps, avec si peu d'ouvriers, et en présence de si grandes difficultés. Elle a empêché beaucoup de mal, elle en a fait disparaître beaucoup. Chez beaucoup de pécheurs, il y a eu une réforme extérieure, et chez quelques-uns un changement intérieur. L'honneur de celui dont nous portons le nom, était insulté publiquement : il a été publiquement défendu. Il est, d'ailleurs, impossible de dire toutes les bénédictions, petites et grandes, que ce faible effort, tenté pour Dieu et pour sa cause et contre ses ennemis audacieux, a pu attirer sur notre peuple. En résumé, malgré toutes les objections qu'on a soulevées contre elle, cette entreprise demeure, tout homme raisonnable en conviendra, une des plus excellentes qu'une âme d'homme ait jamais conçues.

III

                    Mais que doivent-ils être, ceux qui s'associent à cette entreprise ? Bien des gens ont pu s'imaginer qu'on doit admettre avec empressement tous ceux qui sont disposés à aider, et que plus il y aura de membres, plus l'influence de la Société sera grande. Il n'en est point ainsi : les faits ont prouvé le contraire jusqu'à l'évidence. Tandis que la première Société pour la réforme des mœurs ne compta qu'un petit nombre de membres bien triés, bien qu'ils ne fussent ni riches, ni puissants, elle surmonta toute opposition et réussit admirablement dans les divers objets qu'elle avait en vue. Mais lorsqu'on y reçut un plus grand nombre d'hommes moins soigneusement choisis, l'utilité de l'association commença à diminuer jusqu'à ce qu'enfin, par une décadence graduelle, les choses se trouvèrent réduites à rien.

                   Il ne faut donc pas davantage compter sur le grand nombre des membres que sur leur fortune ou sur leur rang. C'est une œuvre de Dieu : elle a été entreprise en son nom et pour l'amour de lui. Il suit, de là que ceux qui n'aiment point Dieu et ne le craignent même pas n'ont « point de part, ni rien à prétendre dans cette affaire (Actes 8 : 21)  ». A ceux-là le Seigneur pourrait dire : « Est-ce à toi de réciter mes statuts et de prendre mon alliance en ta bouche, puisque tu hais la correction, et que tu as jeté mes paroles derrière toi ? (Psaume 50 : 16,17) » Quiconque vit sciemment dans le péché est par cela même impropre pour cette œuvre de réforme des pécheurs ; surtout si cette personne est coupable, même occasionnellement, même tant soit peu, de profanation du nom de Dieu, d'acheter, de vendre, ou de faire quelque travail qui n'est pas indispensable le dimanche ; ou bien encore si elle fait quelqu'une des choses que la Société a pour but spécial de combattre. Qu'aucun homme qui a lui-même besoin de se réformer n'ose donc demander à prendre part à cette œuvre. Qu'il « ôte premièrement de son œil la poutre (Matthieu 7 : 5) ; » qu'il commence par être lui-même irréprochable à tous égards.

                    Je ne veux pas dire que cela soit suffisant. Il faut que celui qui s'engage dans cette œuvre soit quelque chose de plus qu'un homme inoffensif. Il a besoin d'être un homme de foi ; il doit avoir au moins assez de cette « démonstration des choses qu'on ne voit point (Hébreux 11 : 1) », pour « ne point regarder aux choses visibles, mais aux invisibles ; car les choses visibles ne sont que pour un temps, mais les invisibles sont éternelles (2 Corinthiens 4 : 18)  ». Il doit avoir cette foi qui produit une crainte sérieuse de Dieu et la détermination durable de s'abstenir, avec l'aide de sa grâce, de tout ce qu'il défend et de pratiquer tout ce qu'il commande. Il a tout particulièrement besoin de cette branche spéciale de la foi qui se nomme la confiance en Dieu. Car c'est là foi qui « transporte les montagne (1 Corinthiens 8 : 2) », « éteint la force du feu (Hébreux 11 : 34) », renverse tous les obstacles, et rend capable d'en combattre et d'en « poursuivre mille (Deutéronome 32 : 30 » parce qu'on sait où est la source de la force et parce que, tout en « se regardant soi-même comme condamné à mort », on a « confiance en Dieu qui ressuscite les morts (2 Corinthiens 1 : 9) »

                    L'homme qui a cette foi, cette confiance en Dieu, ne peut manquer d'être courageux. Et il faut absolument l'être quand on s'associe à cette entreprise. Car on est certain d'y rencontrer dans l'exécution bien des choses qui sont pénibles pour la nature humaine, si pénibles que quiconque voudra « consulter la chair et le sang (Galates 1 : 16) » , craindra de s'y exposer. C'est donc ici le cas de posséder un vrai courage ; il en faut, et beaucoup. Or, c'est la foi seule qui peut le donner. C'est le croyant qui peut dire :

Qui se confie
En toi, Jésus,
Brave et défie
Echecs, refus.
Pour lui l'épreuve
Est sans effroi.
Rien qui l'émeuve :
Il sert son Roi !

                    La patience tient de très près au courage ; celui-ci affronte les dangers à venir ; elle endure les maux présents. Quiconque veut prendre part à l'œuvre en question aura grand besoin de patience. Car il aura beau être irréprochable : il se trouvera dans la situation d'Ismaël ; « il lèvera sa main contre tous, et tous lèveront la main contre lui (seulement 16 : 12)  ». Rien d'étonnant dans cela ; car si « tous ceux qui veulent vivre dans la piété selon Jésus-Christ seront persécutés (2 Timothée 3 : 12) », à plus forte raison ceux qui, non contents de vivre eux-mêmes dans la piété, ont la prétention de contraindre les méchants d'en faire autant, ou du moins de renoncer à leur impiété ouverte ! N'est-ce pas là se mettre en guerre avec le monde entier ? N'est-ce pas là jeter un défi à tous les enfants du diable ? Et Satan lui-même, « prince de ce monde (Jean 14 : 30) » « prince des ténèbres de ce siècle (Éphésiens 6 : 12) » ne déploiera-t- il pas toute sa et toute sa force pour soutenir son trône qui chancelle ? Qui s'imagine que le lion rugissant va se laisser arracher sa proie sans résister ? Ainsi, « vous avez besoin de patience, afin qu'après avoir fait la volonté de lieu, vous remportiez l'effet de sa promesse (Hébreux 10 : 36)  ».

                     Il vous faut aussi de la constance, pour que vous « reteniez constamment la profession de votre espérance sans varier (Hébreux 10 : 23)  ». Cette qualité est indispensable aux membres de cette Société ; ce n'est point l'affaire de « l'homme dont le cœur est partagé et qui est inconstant en toutes ses voies (Jacques 1 : 8 » Celui qui ressemble à un roseau agité par le vent ne vaut rien pour une pareille lutte : un cœur résolu et inébranlable. Si quelqu'un « met la main à la charrue » sans avoir ces qualités-là, il « regardera en arrière (Luc 9 : 62) » avant longtemps. « Il n'est que pour un temps ; et lorsque l'affliction ou la persécution (les épreuves particulières ou publiques) surviendront à cause de la parole (ou de cette œuvre), il se scandalisera aussitôt (Matthieu 13 : 21) »,

                    A vrai dire, il est bien difficile de persévérer dans cette rude tâche, si l'on n'a pas l'amour qui surmonte et la souffrance et la crainte. Il importe donc au plus haut point que ceux qui veulent s'associer à ces efforts aient « l'amour de Dieu qui est répandu dans nos cœurs (Romains 5 : 5) », et qu'ils puissent tous dire : « Nous l'aimons, parce qu'il nous a aimés le premier (1Jean 4 : 19) » Alors la présence de celui qu'aime leur âme leur rendra le travail facile. Alors ils pourront s'écrier, non pas dans un élan fougueux de l'imagination, mais en toute vérité et en toute simplicité :

Quand je marche avec toi, Seigneur, mon âme oublie
Fatigues et soucis ;
Mon devoir semble aisé ; ma tâche est ennoblie ;
Mes maux sont adoucis.

Ce qui fait paraître encore plus doux les travaux et même les souffrances, c'est que le chrétien aime son semblable. Quand on « aime son prochain » , c'est-à-dire toute âme humaine, « comme soi-même (Matthieu 22 : 39) », comme sa propre âme, quand « l'amour de Christ nous presse (2 Corinthiens 5 : 14) » de nous aimer les uns les autres « de même qu'il nous a aimés (Éphésiens 5 : 2) ; » quand, à l'exemple de Jésus qui « a souffert la mort pour tous (Hébreux 2 : 9) », nous sommes prêts à « mettre notre vie pour nos frères (1 Jean 3 : 16) », pour tout homme, pour toute âme pour qui Jésus est mort, quelle menace de danger pourrait nous détourner de ces « travaux de notre charité (1 Timothée 1 : 3) ? » Quelles souffrances n'endurerait-on pas volontiers pour sauver une âme du feu éternel ? Quelle série de travaux, de désappointements et de douleurs ne faudrait-il pas pour venir à bout d'une résolution si bien trempée ? De pareilles âmes se raidissent contre tous les mauvais accueils, et ne se laissent décourager ni par des jours fatigants ni par des nuits sans repos. « La charité espère tout, et supporte tout : elle ne périt jamais (1 Corinthiens 13 : 7,8)  ».

                    Tous les membres d'une association comme celle-ci ont besoin de l'amour, de la charité pour un autre motif encore : c'est que « l'amour ne s'enfle point d'orgueil (1 Corinthiens 13 : 4) ; » il produit le courage et la patience, mais aussi l'humilité. Et combien cette vertu est nécessaire à tous ceux qui s'occupent de cette œuvre ! Rien n'est plus important que ceci, qu'ils soient à leurs propres yeux petits, faibles, misérables et même vils. Car s'il en était autrement, s'ils allaient se croire quelque chose, s'ils s'attribuaient quoi que ce fût à eux-mêmes ; , ou s'ils glissaient dans des dispositions pharisaïques et « présumaient d'eux-mêmes comme s'ils étaient justes, et méprisaient les autres (Luc 18 : 9) », le résultat serait ce qu'il peut y avoir de plus fatal pour cette entreprise. Car alors ils auraient contre eux tout le monde, y compris Dieu lui-même, puisque « Dieu résiste aux orgueilleux, mais fait grâce aux humbles (Jacques 4 : 6) », et aux humbles seuls. Il faut donc que tout membre de cette Société sente son ignorance, sa faiblesse, son incapacité, et qu'il dépende absolument de celui qui seul possède sagesse et force, convaincu, plus qu'il ne pourrait le dire, que c'est Dieu qui opère tout le bien qui se fait sur la terre, et que « c'est, lui qui produit en nous et la volonté et l'exécution, selon son bon plaisir (Philippiens 2 : 13)  ».

                    Il y a encore un point dont tous ceux qui travaillent à cette œuvre doivent être persuadés et se souvenir : c'est que « la colère de l'homme n'accomplit point la justice de Dieu (Éphésiens 4 : 1,2)  ». Qu'ils apprennent donc de celui qui n'était pas seulement humble, mai débonnaire et doux ; et qu'ils conservent, eux aussi, la douceur avec l'humilité. Qu'ils apprennent à « se conduire d'une manière digne de leur vocation, avec toute sorte d'humilité et de douceur (Éphésiens 4 : 1,2)  ». Il faut qu'un homme qui a en vue de faire du bien soit « doux envers tous (2 Timothée 2 : 24) », qu'ils soient bons ou méchants, et cela dans son propre intérêt, et pour l'amour des âmes comme pour l'amour de Christ. Il doit « avoir compassion de ceux qui pèchent par ignorance et par erreur (non seulement 5 : 2)  ». A-t-il même affaire à des gens qui résistent à la parole et à l'œuvre du Seigneur, qui vont jusqu'à leur déclarer la guerre ? Raison de plus pour « instruire avec douceur ceux qui sont d'un sentiment contraire, afin qu'ils se réveillent et se dégagent du piège du diable, par lequel ils ont été pris pour faire sa volonté (2 Timothée 2 : 25,26)  ».

IV

                    Après avoir passé en revue les qualités requises chez ceux qui veulent s'associer à une entreprise comme celle-ci, je vais essayer de montrer dans quel esprit et de quelle manière il convient de s'y livrer. Et d'abord, dans quel esprit ? Ceci a rapport, en premier lieu, au motif qui doit inspirer toutes les démarches que l'on fait ; car si, en certains cas, « la lumière qui est en toi n'est que ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres ? » Mais « si ton œil est sain, tout ton corps sera éclairé (Matthieu 6 : 22,23)  ». Il ne faut jamais oublier ce principe, mais l'appliquer à chacune de nos paroles, à chacun de nos actes. Il ne faut rien dire, rien faire, ni petite chose ni grande, en vue de quelque avantage matériel qui pourrait nous en revenir, rien non plus en vue de gagner l'approbation, l'estime, l'amour ou les louanges des hommes. Il faut que l'intention, cet oeil de l'âme, soit toujours tournée vers ces deux objets, la gloire de Dieu, le bien de nos semblables.

                    Mais l'esprit dans lequel vous devez agir, ce sont les sentiments, aussi bien que les motifs, qui accompagneront vos actes. Nous avons déjà décrit ces sentiments. Car ce courage, cette patience, cette constance que l'on doit avoir pour entrer dans cette œuvre, il faut les déployer sans cesse pendant l'exécution. Que celui qui veut y travailler « prenne par-dessus tout le bouclier de la foi, par le moyen duquel un peut éteindre tous les traits enflammés du malin (Éphésiens 6 : 16) » Qu'il il mette en exercice, aux heures difficiles, toute la foi que Dieu lui a donnée. Et que tout ce qu'il fait soit fait dans l'amour et rien comme par force. Et que cet amour soit de ceux que beaucoup d'eaux ne sauraient éteindre, qu'un déluge d'ingratitude ne pourra submerger. Qu'il ait aussi cet esprit humble qui était en Jésus-Christ ; qu'il soit « orné d'humilité (1 Pierre 5 : 5) ; » que l'humilité remplisse son cœur et qu'elle soit la parure de toute sa conduite. Qu'il se revête également « des entrailles de miséricorde, de bonté,.... de patience (Colossiens 3 : 12) ; » qu'il évite tout ce qui pourrait ressembler à de la malice, à de l'aigreur, à de la colère ou à de la rancune : car nous sommes appelés à « ne point nous laisser surmonter par le mal, mais à surmonter le mal par le bien (Romains 12 : 21)  ». Pour demeurer dans cet amour humble et doux, il est très nécessaire de tout faire avec recueillement, d'éviter une hâte excessive et la dissipation d'esprit, tout aussi soigneusement que l'orgueil, l'emportement ou la mauvaise humeur. Mais pour conserver ces dispositions, il n'y a qu'un moyen c'est d'être « persévérant dans la prière (Romains 12 : 12) », soit avant d'agir, soit après avoir agi, mais aussi pendant qu'on est à l'œuvre ; c'est de tout faire dans l'esprit du sacrifice, de tout offrir à Dieu en son Fils bien-aimé.

                    Quant aux procédés à employer, prenez pour règle générale qu'ils doivent correspondre aux dispositions dont nous venons de parler. Mais entrons dans quelques détails. Ayons bien soin de « ne pas faire du mal afin qu'il en arrive du bien (Romains 3 : 8)  ». « C'est pourquoi, renonçant au mensonge, que chacun de vous parle en vérité à son prochain. (Éphésiens 4 : 25) » N'employez ni détour ni ruse pour surprendre ou pour faire châtier des coupables ; mais, par la sincérité (2 Corinthiens 1 : 12) », rendez-vous « recommandable à la conscience de tous les hommes devant Dieu (2 Corinthiens 4 : 2)  ». Il se peut qu'en vous conformant à cette règle, vous n'atteigniez pas un aussi grand nombre de délinquants ; mais, d'un autre côté, la bénédiction du Seigneur reposera d'autant plus sur votre entreprise.

                    Tout en étant innocents, soyez prudents, mais de la vraie prudence. Je ne vous recommande pas ce produit de l'enfer que le monde appelle prudence et qui n'est que de la ruse, de la fraude, de la dissimulation. Ayez cette « sagesse qui vient d'en haut (Jacques 3 : 15) », et que Jésus recommande tout particulièrement à ceux qui veulent établir son royaume sur la terre : « Soyez prudents comme des serpents, et simples comme des colombes (Matthieu 10 : 16)  ». Cette sagesse vous enseignera à adapter vos paroles et l'ensemble de votre conduite au caractère des gens avec qui vous avez affaire, comme aussi au temps, au lieu et aux autres circonstances dans lesquelles vous êtes appelés à agir. Cette sagesse vous apprendra à ne pas donner de prétexte de se plaindre à ceux qui ne cherchent que des prétextes, et à accomplir les devoirs les moins agréables de la façon la moins désagréable qui soit possible.

                    Votre manière de parler, surtout quand vous vous adressez à des coupables, doit toujours être profondément sérieuse, autrement ils pourraient croire que vous les insultez ou que vous jouissez de leur embarras. Il est même convenable que le ton de vos paroles soit triste, pour qu'ils sentent que vous les plaignez d'avoir commis ces fautes et que vous avez pitié d'eux lorsqu'il en souffrent. Il faut que, sur votre visage, comme dans le ton de votre voix et dans les paroles que vous dites, on sente que vous n'êtes pas emportés, mais calmes et modérés, Rien n'empêche même que, dans tous les cas où cela peut se faire sans dissimulation, vous ne vous montriez animés d'un esprit bienveillant et amical. Dans certains cas où l'on ne risque guère d'en abuser, vous pouvez exprimer vos sentiments de bienveillance ; mais, afin que les gens ne s'imaginent pas que vous le faites parce que vous avez peur, ou par quelque autre motif suspect, faites bien entendre que vous n'êtes point effrayés, que vous êtes déterminés à opposer au vice une résistance inflexible et à en poursuivre la répression jusqu'au bout.

V

                     Il ne nous reste plus qu'à faire l'application des choses que nous venons de dire, d'abord à vous qui êtes engagés dans cette œuvre, ensuite à tous ceux qui craignent Dieu, et tout spécialement à ceux qui aiment Dieu en même temps qu'ils le craignent.

                     Quant à vous qui déjà prenez part à cette œuvre, le premier conseil, que je désire vous donner, c'est de réfléchir avec soin et sérieusement à la nature de l'entreprise qui est devant vous. Rendez-vous compte de ce que vous voulez faire ; étudiez bien la question qu'il s'agit de résoudre ; examinez les objections qu'on dirige contre l'ensemble de vos opérations, et, avant d'aller plus loin, assurez-vous que ces critiques ne reposent sur aucun fondement. Cela fait, que chacun agisse selon qu'il est pleinement persuadé dans son esprit.

                    Je vous donnerai un second conseil : c'est de ne pas vous presser d'augmenter le nombre des membres de votre Société. Et quand vous en recevrez de nouveaux, ne tenez compte ni de la fortune, ni du rang, ni d'aucune autre circonstance purement extérieure : attachez-vous à rencontrer les qualités énumérées tout à l'heure. Informez-vous soigneusement si la personne proposés a une conduite irréprochable ; si c'est un homme de foi, courageux, patient, constant ; et s'il aime Dieu et le prochain. Si le membre proposé répond à ce signalement, son admission ajoutera à votre force aussi bien qu'à votre nombre, Mais s'il n'en est pas ainsi, son entrée parmi vous serait une perte plutôt qu'un gain : car vous n'auriez pas l'approbation de Dieu. Ne craignez pas non plus de rejeter du sein de votre association tout membre qui ne posséderait pas toutes les qualités requises. Diminuer votre nombre de cette manière, ce sera augmenter votre force ; car vous serez « des vaisseaux propres au service du Seigneur (2 Timothée 2 : 21)  ».

                     Je vous conseille, en troisième lieu, de vous observer vous-mêmes sérieusement pour savoir quel est, dans chaque cas, le motif qui vous fait parler ou agir. Veillez à ce que vos intentions ne soient jamais entachées par une préoccupation d'intérêt matériel ou de gloire humaine. Tout ce que vous faites, faites-le pour le Seigneur, et comme serviteurs de Christ. Ne cherchez en rien votre propre satisfaction, mais de celui à qui vous êtes et que vous servez. Regardez à Dieu et à lui seul, du commencement à la fin, dans tout ce que vous direz, dans tout ce que vous ferez.

                    Un autre conseil que je vous présente, c'est de tout faire dans un esprit convenable, avec humilité, avec douceur, avec patience et avec bonté, comme le demande l’Évangile de Jésus-Christ. Accomplissez chaque détail de votre œuvre avec confiance en Dieu et dans les sentiments les plus bienveillants, les plus charitables. Tenez-vous en garde contre toute précipitation et contre les distractions ; priez sans cesse, avec ferveur, avec persévérance, afin que votre foi ne défaille point. Et que rien ne vienne détruire en vous cet esprit de sacrifice qui vous portera à vous offrir tout entiers, et avec tout ce que vous possédez, avec tout ce que vous pouvez faire ou même souffrir, en offrande d'agréable odeur, à Dieu par Jésus-Christ.

                    Relativement à la façon dont vous devez agir et parler, je vous rappelle qu'il faut le faire en toute simplicité, sans détours, mais aussi avec prudence et sérieux. Montrez-vous également aussi calmes, aussi modérés que possible ; et même usez d'autant de bienveillance que les circonstances le permettront. Vous ne devez pas agir en bouchers ou en bourreaux, mais plutôt en médecins qui n'infligent à leurs malades que tout juste les souffrances inévitables dans le traitement du mal. Il faut, pour cela, que chacun de vous ait la main d'une femme avec le cœur d'un lion. Alors beaucoup, même de ceux contre lesquels vous aurez eu à sévir, « glorifieront Dieu au jour où il les visitera (1 Pierre 2 : 12)  ».

                     Quant à vous tous qui craignez Dieu, je vous conjure, au nom même de l'espérance que vous avez de trouver grâce devant lui, au nom de la crainte que vous devez avoir « qu'il ne se trouve que vous ayez fait la guerre à Dieu (Actes 5 : 39) » même à votre insu, je vous exhorte à n'empêcher ni n'entraver pour aucun motif ou sous aucun prétexte, ni directement, ni indirectement, cette entreprise si humaine et si propre à glorifier Dieu. Mais ce n'est pas tout. Si vous aimez vos semblables, si vous avez à cœur de diminuer la somme de leurs péchés et de leurs misères, pourriez-vous vous contenter (et pourriez-vous vous justifier devant Dieu de vous en tenir là ?) de ne point mettre obstacle à cette bonne œuvre ? Ne vous sentez-vous pas tenus par les obligations les plus solennelles de « faire du bien à tous, pendant que nous en avons l'occasion (Galates 6 : 10) ? » Et n'avez-vous pas ici une occasion de faire du bien à beaucoup, voire même un bien du genre le plus relevé ? Je vous exhorte donc, au nom du Seigneur, à profiter de cette occasion. Si vous ne pouvez faire davantage, aidez au moins par de ferventes prières ceux qui sont personnellement engagés dans ce saint : labeur. Aidez-les aussi, selon vos forces, à supporter les frais qu'entraîne nécessairement cette œuvre, frais qui les écraseraient si les âmes charitables ne leur prêtaient leur concours. Aidez-les, si vous le pouvez, par des dons trimestriels ou annuels. En tout cas, venez à leur aide maintenant ; faites votre devoir aujourd'hui ; faites ce que Dieu vous mettra au cœur de faire. Qu'il ne soit pas dit que vous avez vu vos frères travailler pour le Seigneur et que vous n'avez pas voulu les aider, même du bout du doigt ! De ces deux manières, donc ; venez « au secours de l’Éternel, au secours de l’Éternel contre les puissants (Juges 5 : 23) ! » (d'après la, version anglaise. Ostervald dit : « avec les hommes puissants ».

                    Mais, j'exigerai davantage de vous qui ne craignez pas seulement Dieu, qui l'aimez aussi. Celui que vous craignez et aimez vous a doués spécialement pour que vous preniez part à son œuvre d'une façon plus complète. Aimant Dieu, vous aimez aussi vos frères ; vous n'aimez pas seulement vos amis, mais vos ennemis, pas seulement les amis de Dieu, mais ses ennemis. « Comme élus de Dieu », vous vous êtes « revêtus... d'humilité, de douceur, de patience (Colossiens 3 : 12) » Vous avez foi en Dieu et en Jésus-Christ qu'il a envoyé, cette foi par laquelle le monde est vaincu. Par cette foi vous pouvez aussi vaincre le mal et la fausse honte, cette « crainte de l'homme qui fait tomber dans le piège ». Vous pouvez donc relever le front devant ceux qui vous méprisent, vous et vos efforts. Préparés comme vous l'êtes, armés pour le combat, feriez-vous comme « les enfants d'Éphraïm, équipés et tirant de l'arc, qui ont tourné le dos au jour de la bataille (Psaume 78 : 9) ? » Voudriez-vous laisser quelques-uns de vos frères seuls à soutenir le choc de toute l'armée ennemie ? Oh ! ne dites pas : « Cette croix est trop lourde ; je n'ai ni le courage lit la force de la porter ! » Cela peut être vrai ; vous ne pouvez pas par vous-mêmes. Mais si vous croyez, vous pouvez dire : « Je puis tout par Christ qui me fortifie (Philippiens 6 : 13)  ». « Si tu peux croire, toutes choses sont possibles pour celui qui croit (Marc 9 : 2)  ». Pour celui-là, aucune croix n'est trop lourde ; car il sait que « si nous souffrons, avec lui nous régnerons lui (2 Timothée 2 : 12)  ». Ne dites pas non plus « Mais je ne voudrais pas passer pour singulier ! » Dans ce cas, vous ne sauriez entrer dans le royaume des cieux. Car, pour y entrer, il faut nécessairement marcher dans le chemin étroit ; et tous ceux qui y marchent passent pour singuliers. Ne dites pas davantage : « Je ne puis pas supporter l'opprobre qui s'attache à la qualification odieuse de dénonciateur ! » Mais jamais homme a-t-il sauvé son âme sans devenir un objet de moquerie et de mépris pour le monde ? Tu ne saurais non plus sauver la tienne, si tu n'acceptes pas que les hommes disent contre toi faussement toute sorte de mal. Ne dis pas : « Mais si je m'occupe personnellement de cette œuvre, je perdrai, avec ma réputation, mes amis, ma clientèle, mon gagne-pain, tout moyen d'existence ; je serai réduit à l'indigence ». Non ! tu ne le seras pas, tu ne saurais l'être ; c'est absolument impossible, à moins que Dieu ne le veuille ainsi ; car « son règne a la domination sur tout (Psaume 103 : 19) », et « les cheveux même de votre tête sont tous comptés (Matthieu 10 : 30)  ». Mais si Dieu qui est sage et bon t'appelle à passer par là, te plaindras-tu et murmureras-tu contre lui ? Ne diras-tu pas plutôt : « Ne boirai-je pas la coupe que le Père m'a donnée à boire (Jean 18 : 11) ? » Si vous souffrez pour Jésus-Christ, « vous êtes bien heureux ; car l'Esprit de gloire, qui est l'Esprit de Dieu, repose sur vous (1 Pierre 4 : 14)  ».

                    Ne dis pas : « Je consentirais bien à tout endurer ; mais ma femme ne veut pas ; et, vous le savez, l'homme doit quitter père, mère et toutes choses pour s'attacher à sa femme ! » Tout, si vous le voulez ; mais tout excepté Dieu, tout excepté Jésus-Christ. L'homme ne doit pas renoncer à Dieu pour l'amour de sa femme. La parenté la plus étroite, la plus chère ne doit pas nous faire négliger un seul devoir. C'est précisément dans ce sens que Jésus a dit : « Celui qui aime son père ou sa mère » , ou bien « femme et enfants » , « plus que moi, n'est pas digne de moi (Matthieu 10 : 37, Luc 14 : 26)  ». Ne dites pas : « Je quitterais bien tout pour Christ ; mais un devoir n'en anéantit pas un autre, et ce genre de devoir m'empêcherait souvent d'assister au culte public ». Il est possible que cela arrivât de temps à autre. Mais « allez et apprenez ce que signifie cette parole : Je veux la miséricorde et non pas le sacrifice (Matthieu 9 : 13) » Tout ce que tu perdras en pratiquant ainsi la miséricorde, Dieu te le rendra dans ton sein et sept fois autant. Ne dis pas : « Je ferais du mal à ma propre âme. Je suis un jeune homme, et si je m'occupais des femmes de mauvaise vie, je m'exposerais à des tentations ». Oui, sans doute, si vous le faisiez avec vos propres forces ou pour votre plaisir. Mais tel n'est point le cas. Vous vous confiez en Dieu, et tout votre but est de lui plaire. Et même s'il vous appelait à entrer dans une fournaise ardente, n'a t-il pas dit : « Quand tu marcheras dans le feu, tu ne seras point brûlé, et la flamme ne t'embrasera point ? (Esaïe 43 : 2) » Vous direz peut-être : « Cela serait vrai s'il m'avait appelé lui-même à y entrer ; mais je ne crois pas qu'il l'ait fait ». Peut-être est-ce que tu ne veux pas le voir. Et d'ailleurs, si le Seigneur ne t'a pas déjà appelé, moi je t'appelle en son nom aujourd'hui. Prends ta crois et suis Jésus-Christ ! Ne consulte plus la chair et le sang, mais décide-toi à être désormais compté parmi les plus méprisés, les plus honnis de ses disciples, à être regardé « comme les balayures du monde et le rebut de toute la terre (1 Corinthiens 4 : 13) ! » Je t'adresse un appel encore plus spécial, à toi qui jadis soutenais les bras de ces ouvriers du Seigneur et qui maintenant t'es retiré. Prends courage et fortifie-toi ! Viens rendre leur joie parfaite en leur apportant de nouveau une coopération cordiale ! Qu'ils sentent que, « si tu as été séparé d'eux pour quelque temps, c'était afin qu'ils te recouvrassent pour toujours,. (Philémon  15) ! » Oh ! ne « résiste point à la vision céleste (Actes 26 : 19 » Et pour vous qui comprenez. à quoi vous avez été appelés, considérez tout le reste comme une perte, si vous pouvez sauver une âme pour laquelle Jésus-Christ est mort ! « Ne soyez point en souci pour le lendemain (Mat 6 : 34) », tandis que vous vaquez à celte œuvre ; mais « déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, parce qu'il a soin de vous (1 Pierre 5 : 7) ! » , « Recommandez lui, comme au Créateur fidèle » et miséricordieux, « vos âmes (1 Pierre 4 : 19) », vos corps, vos biens, enfin tout !

jeudi 4 août 2016

(17) LES SERMONS DE WESLEY L'EMPLOI DE L'ARGENT

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com 

Sermon 50 :           L'EMPLOI DE L'ARGENT

Luc 16,9    (1760)

Et moi je vous dis : faites-vous des amis avec les richesses injustes, afin que, lorsqu'elles viendront à vous manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. (Luc 16: 9)

                    NOTRE SEIGNEUR, après avoir raconté la belle parabole de l'enfant prodigue, adressée surtout à ceux qui murmuraient de ce qu'Il recevait les péagers et les gens de mauvaise vie, ajoute un récit d'un autre genre, à l'adresse plus spécialement des enfants de Dieu. « Jésus disait à ses disciples (et non pas aux Scribes et aux Pharisiens, auxquels il avait parlé en premier lieu) : Un homme riche avait un intendant qui fut accusé devant lui de lui dissiper son bien. Et l'ayant fait venir, il lui dit : Qu'est-ce que j'entends dire de toi ? Rends compte de ton administration ; car tu ne pourras plus désormais administrer mon bien. (Luc 16 : 1-2) »

                    Après avoir signalé le moyen que l'intendant infidèle employa pour se garantir contre les temps de disette, notre Seigneur ajoute : « Son maître loua cet intendant infidèle  » ; il le loua d'avoir eu de la prévoyance. Puis vient cette réflexion importante : « Les enfants de ce siècle sont plus prudents en leur génération que les enfants de lumière (Luc 16 : 8) », Ce qui signifie que ceux qui n'ont leur portion que dans ce monde sont plus sages ; non pas d'une manière absolue, car ils sont tous, sans exception, les plus grands insensés, les fous les plus remarquables que la terre porte ; mais « dans leur génération », dans la voie qu'ils suivent, ils sont plus d'accord avec eux-mêmes, ils sont plus fidèles aux principes qu'ils ont adoptés, plus persévérants dans la poursuite de leur but, « que les enfants de lumière », que ceux qui voient « la lumière de la gloire de Dieu dans la personne de Jésus-Christ ». Viennent ensuite les paroles de notre texte : « Et moi (le Fils unique de Dieu, le Créateur, le Seigneur, le Maître des cieux et de la terre et de tout ce qui y est contenu, le juge de tous les hommes, à qui vous devrez rendre compte de votre administration, quand vous cesserez d'être Ses intendants), je vous dis (vous avez une leçon à apprendre même de cet infidèle économe) : faites-vous des amis (par une sage prévoyance) avec ces richesses injustes ». Plus littéralement : avec ce Mammon d'iniquité. « Mammon » signifie richesses, ou argent. jésus appelle les richesses « Mammon d'iniquité », soit à cause de la manière injuste dont on se les procure souvent, soit à cause de l'emploi malhonnête que l'on fait de ce qui a été honorablement gagné. « Faites-vous des amis » avec cet argent, en faisant tout le bien possible, aux enfants de Dieu surtout, « afin que lorsqu'elles viendront à vous manquer », quand vous retournerez à la poussière et que vous n'aurez plus votre place sous le soleil, ceux qui vous ont précédé « vous reçoivent », en vous souhaitant la bienvenue, « dans les tabernacles éternels ».

                    Notre Seigneur donne ici à tous Ses disciples, une excellente leçon de morale chrétienne sur le bon emploi de l'argent. C'est là un sujet dont les gens du monde parlent souvent à leur manière ; mais qui n'a été que très imparfaitement étudié par ceux que Dieu a appelés du milieu de ce monde. Ceux-ci n'attachent généralement pas à cette question du bon emploi de cet excellent talent, l'importance dont elle est digne. Ils ne comprennent pas comment ils doivent l'employer pour lui faire produire la plus grande somme possible de bien. L'introduction de l'argent dans le monde est un exemple admirable de la sage et bonne Providence de Dieu. Néanmoins, les poètes, les orateurs, les philosophes, dans presque tous les âges et tous les pays, sont d'accord pour flétrir l'argent comme le plus grand corrupteur du monde, la ruine de la vertu, le fléau de la société.

                    Rien n'est plus commun que de les entendre dire : Nocens ferrum, ferroque nocentius aurum.
Le fer est nuisible ; mais l'or l'est bien plus.

                          De là la plainte lamentable :
Effodiuntur opes, irritamenta malorum.
On creuse la terre pour des richesses qui excite nos mauvaises passions !

                         Un auteur célèbre exhorte gravement ses concitoyens, pour en finir avec tous les vices, à jeter « dans la mer la plus rapprochée la cause d'un si grand mal ».  In mare proximum Summi materiem mati !

                     Mais tout cela n'est-il pas un pur bavardage ? Y a-t-il là la moindre raison ? Pas la moindre. Car, enfin, si le monde est corrompu, la faute en est-elle à l'or et à l'argent ? « C'est l'amour de l'argent », et non pas l'argent lui-même « qui est la racine de tous les maux. (1Timothée 6 : 10) » La faute ne retombe pas sur l'argent, mais sur ceux qui l'emploient. On peut en faire un mauvais usage ; de quoi n'abuse-t-on pas ? Mais il y a aussi une bonne manière de s'en servir. On peut en faire le meilleur ou le pire des usages. Impossible de dire les avantages que les nations civilisées en retirent dans les affaires ; c'est l'instrument le plus commode pour toute espèce de commerce, et, si nous nous en servions avec une sagesse chrétienne, il nous offrirait le moyen de faire toutes sortes de bonnes choses. Il est évident que, si les hommes avaient conservé leur innocence primitive, s'ils étaient « pleins du Saint-Esprit », comme l'étaient les membres de la jeune Eglise de Jérusalem, où « personne ne disait que ce qu'il possédait fut à lui en particulier », mais où « toutes choses étaient communes, (Actes 4 : 32) » on en viendrait à abandonner l'emploi de l'argent. Nous n'imaginons pas, par exemple, que, dans le ciel, il existe quelque chose d'analogue à l'argent. Mais, dans l'état actuel de la société, l'argent est un don excellent de Dieu ; il répond à Ses plus nobles desseins. Dans la main des enfants de Dieu, l'argent est du pain pour celui qui a faim, un breuvage pour celui qui a soif, des vêtements pour ceux qui sont nus ; il procure au voyageur et à l'étranger un lieu où ils peuvent reposer leur tête. Il nous permet en quelque sorte, de tenir lieu de mari à la veuve, de père à l'orphelin. Il nous fournit le moyen de défendre l'opprimé, de ramener à la santé le malade, de donner du repos à celui qui souffre ; il peut suppléer aux yeux de l'aveugle, aux pieds du boiteux ; il peut aider à ramener le mourant des portes du tombeau.

                    Il est donc du plus haut intérêt que tous ceux qui craignent Dieu sachent comment employer ce précieux talent, afin de lui faire produire ces résultats magnifiques, dans la plus large mesure possible. Il me semble que toutes les directions nécessaires à cet effet peuvent se résumer en trois règles de la plus grande simplicité. En les observant rigoureusement, nous pourrons devenir des économes fidèles du « Mammon d'iniquité ».

I

                      La première de ces règles, (que celui qui écoute comprenne !) c'est : Gagnez tout ce que vous pouvez ! Ici nous pouvons tenir le même langage que les enfants de ce siècle ; nous les rencontrons sur leur propre terrain. C'est notre devoir, notre impérieux devoir de gagner autant que possible, à condition toutefois de ne pas acheter trop cher les richesses, de ne pas les payer plus qu'elles ne valent. Nous ne devons pas, par exemple, pour gagner de l'argent, perdre notre vie, ni, ce qui revient au même, ruiner notre santé. Par conséquent, l'espoir du gain ne doit pas nous porter à entreprendre ou à continuer un travail tellement pénible ou tellement prolongé qu'il puisse altérer notre constitution. Nous ne devons ni commencer ni continuer un travail qui nécessite la privation de la somme de nourriture ou de sommeil que la nature réclame. Il faut en convenir, il y a une grande différence dans la nature des occupations. Il y a des travaux qui sont tout à fait malsains, comme ceux qui nécessitent la manipulation de l'arsenic ou d'autres substances nuisibles, ou la respiration d'un air vicié par les exhalaisons du plomb fondu, travaux qui, à la longue, doivent ruiner les constitutions les plus robustes. Il y en a d'autres qui ne sont préjudiciables qu'à des personnes à la constitution faible tels que les travaux de bureau, surtout lorsqu'on est obligé d'écrire assis, la poitrine penchée sur la table, et cela pendant de longues heures entières. Il ne faut à aucun prix se soumettre à ce que la raison ou l'expérience nous démontre être nuisible à la santé ou aux forces. « La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? (Matthieu 6 : 25) » Si nous sommes engagés dans un de ces emplois, nous devons le quitter le plus tôt possible et le remplacer par quelque autre, moins lucratif peut-être, mais qui ne sera pas nuisible à notre santé.

                    Il faut, en deuxième lieu, gagner autant qu'on peut, sans nuire à l'esprit, pas plus qu'au corps. Nous n'avons pas le droit de nuire à notre esprit ; nous devons, en tout cas, conserver l'avantage d'une bonne conscience. Nous ne devons pas entreprendre ou continuer un commerce illicite, contraire à la loi de Dieu ou à celle de notre pays. Tel serait, par exemple, un commerce qui frauderait l'Etat sur les droits de douane qui lui sont dus ; car il y a au moins autant de mal à voler l'Etat qu'à voler notre voisin. L'Etat a autant de droit sur les impôts que nous sur nos maisons et nos vêtements. Il y a d'autres industries légitimes en elles-mêmes, qu'on ne peut plus exercer, au moins en Angleterre, sans être obligé de mentir ou de tromper, ou sans se conformer à quelque usage qui n'est pas d'accord avec un bonne conscience. Il faut s'éloigner de pareils commerces avec une sainte horreur, sans s'inquiéter du gain que l'on pourrait y faire à la condition de pécher comme les autres ; car, pour gagner de l'argent, nous ne devons pas perdre notre âme. Il y a d'autres emplois, auxquels bien des gens peuvent vaquer sans exposer soit leur corps soit leur âme ; mais vous, peut-être, vous ne le pourriez pas ; vous vous laisseriez entraîner dans une société qui perdrait votre âme ; l'expérience a dû vous apprendre qu'il vous est impossible de vous livrer à une telle occupation sans subir une influence mauvaise. Il y a peut-être une idiosyncrasie, une particularité dans votre tempérament moral (comme il y en a dans notre constitution physique) qui rendrait mortel pour vous ce qui ne fait aucun mal à un autre. je suis convaincu, pour en avoir fait l'expérience, que je ne pourrais pas me livrer tout entier à l'étude des sciences exactes (mathématiques, arithmétique, algèbre), sans courir le risque de devenir déiste, peut-être même athée. D'autres, je le sais, consacrent toute leur vie à ces études sans en souffrir. Personne ici ne peut se prononcer pour un autre. Chaque homme doit juger pour lui-même et s'abstenir de tout ce qui peut nuire à son âme.

                    Nous devons, en troisième lieu, gagner autant que possible, sans nuire à notre prochain. Nous ne devons, nous ne pourrons lui nuire, si nous l'aimons comme nous-mêmes. En aimant notre prochain comme nous-mêmes, il nous sera impossible de lui nuire dans ses biens. Nous ne pourrons pas lui ravir le revenu de ses terres, encore moins ses terres elles-mêmes et ses maisons, soit par le jeu, soit par des honoraires exorbitants (comme médecins, notaires, etc.) soit en exigeant un taux d'intérêt que la loi ne permet pas. Tout ce qui a rapport à l'exploitation de la misère par des prêts sur gages doit être exclu. Tout homme impartial reconnaîtra que les avantages qu'on en retire sont bien contrebalancés par les maux qui en résultent. Et quand bien même il n'y aurait pas de conséquences fâcheuses, il ne nous est jamais permis de « faire le mal pour qu'il en résulte du bien ». Nous ne pouvons pas, avec une bonne conscience, vendre au dessous du cours ; nous ne pouvons pas ruiner le commerce du voisin, afin d'écouler notre marchandise ; nous pouvons encore moins débaucher ou recevoir les domestiques ou ouvriers dont il a besoin. Celui qui, pour gagner, dévore le bien de son frère, gagnera la condamnation de l'enfer.

                   Il est interdit de gagner en faisant du tort à son frère dans son corps. Nous ne devons rien vendre qui puisse nuire à sa santé ; et en première ligne, ce feu liquide, connu sous le nom d'eau-de-vie et de spiritueux Il est vrai que ces spiritueux ont leur place dans la médecine et peuvent être utiles dans certaines maladies ; mais leur usage serait rarement nécessaire si l'on n'avait pas, par leur moyen, à suppléer à la maladresse du médecin. Il n'y a que ceux qui les fabriquent et qui les vendent comme remèdes qui puissent avoir la conscience nette. Mais où sont-ils ? Qui sont ceux qui ne préparent leurs spiritueux que dans ce but ? En connaissez-vous dix en Angleterre ? Ceux-là, vous pouvez les excuser. Mais tous ceux qui vendent ces liqueurs à qui veut les acheter, sont des empoisonneurs publics. Il tuent leurs concitoyens en masse, sans grâce, ni pitié. Il les poussent en enfer, comme un troupeau de brebis à la boucherie. Et que gagnent-ils ? N'est-ce pas le sang de ces hommes ? Qui donc leur envierait leurs vastes domaines, leurs somptueux palais ? Une malédiction repose sur ces demeures, la malédiction de Dieu s'attache aux pierres, à la charpente et au mobilier de leur maisons. Maudits de Dieu sont leurs jardins, leurs avenues, leurs bosquets ; c'est un feu qui brûle jusqu'au fond de l'abîme. Il y a du sang, du sang partout. Les fondements, les planchers, les murailles, les toits, tout est teint de sang. Et peux-tu espérer, ô homme de sang, quoique tu sois « vêtu d'écarlate et de fin lin et que tu te traites somptueusement tous les jours », que tu pourras faire passer tes champs du sang à la troisième génération ? Certainement non ! car il y a un Dieu dans le ciel ; ton nom sera effacé comme celui de ceux que tu as perdus corps et âme ; "ton monument périra avec toi ! "

                      Et ne sont-ils pas presque aussi coupables ces chirurgiens, ces pharmaciens, ces médecins qui jouent avec la vie ou la santé de leurs clients, afin de gagner davantage, en prolongeant la douleur ou la maladie qu'ils pourraient enlever promptement, et qui reculent la guérison de leur malade pour piller son argent ? Sera-t-il innocent devant Dieu, celui qui ne diminuera pas, autant que possible, la souffrance et qui ne la supprimera pas le plus tôt qu'il pourra ? Il ne saurait l'être. Il « n'aime pas son prochain comme lui-même », cela est de toute évidence. Il ne « fait pas aux autres ce qu'il voudrait que les autres lui fissent ».

                    Ce gain-là a coûté bien cher ; n'en est-il pas ainsi de tout ce que l'on obtient en portant atteinte à l'âme de son frère, en nourrissant directement ou indirectement ses convoitises ou son intempérance, ce que ne pourra jamais faire celui qui a la crainte de Dieu et le désir de Lui plaire ? Que tous ceux qui sont en rapport avec les cabarets, les théâtres, les maisons de jeux et les autres lieux de dissipation, y fassent bien attention. Si ces maisons contribuent aux intérêts des âmes, vous êtes libres de tout blâme, votre vocation est bonne, votre gain est innocent ; mais si ces maisons sont mauvaises en elles-mêmes, ou si elles favorisent le mal, alors il est à craindre que vous n'ayez un bien triste compte à rendre. Oh ! prenez garde que Dieu ne dise en ce jour-là : « Ce méchant-là mourra dans son iniquité ; mais je redemanderai son sang de ta mains. (Ézéchiel 3 : 18) »

                     Ces restrictions et ces réserves faites, il est du devoir de tous ceux qui sont dans le commerce de pratiquer cette premier règle de la sagesse chrétienne : « Gagnez tout ce que vous pouvez ». Gagnez donc tout ce que vous pouvez par un travail honnête ; déployez la plus grande diligence dans l'exercice de votre vocation ; ne perdez pas de temps. Si vous comprenez bien la nature des rapports que vous soutenez avec Dieu et avec les hommes, vous savez bien que vous n'avez pas un moment à perdre. Si vous comprenez votre tâche comme vous le devez, vous ne saurez pas ce que c'est que d'avoir du temps inoccupé. Dans chaque métier, il y a de quoi remplir toutes les heures de toutes les journées. Quel que soit votre travail, si vous vous y mettez de tout votre cœur, vous n'aurez pas de loisir pour d'inutiles et frivoles passe-temps. Il y a toujours quelque chose de mieux à faire, quelque chose qui peut vous être utile, sans gaspiller ainsi votre temps. « Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le de tout ton pouvoir (Ecclésiaste 9 : 10) », et cela sans retard, sans le remettre d'un jour à l'autre, ni même d'une heure à l'autre. Ne renvoie pas à demain ce que tu peux faire aujourd'hui. Travaille aussi bien que possible ; ne dors pas, ne bâille pas sur ton ouvrage. Mets-y toute ton âme. Ne t'épargne aucune peine. Ne fais rien à moitié, ou d'une manière légère et insouciante. Que rien dans ton commerce ne soit négligé de ce qui peut être fait par le travail et par la patience.

                    Gagnez tout ce que vous pouvez, en faisant usage de votre bon sens, et de toute l'intelligence que Dieu vous a donnée. Il est étonnant de voir combien peu de personnes font cela et combien d'hommes se contentent de marcher dans les vieilles ornières tracées par leurs ancêtres ! Que ceux qui ne connaissent pas Dieu agissent ainsi, il ne faut pas s'en étonner. Ce ne sera pas votre cas. C'est une honte pour un chrétien de ne pas mieux faire que les autres dans tout qu'il entreprend. Vous devriez toujours apprendre quelque chose, soit de l'expérience des autres, soit de la vôtre, par la lecture ou par la réflexion de manière à faire mieux aujourd'hui que vous ne faisiez hier. Ayez soin de mettre en pratique ce que vous apprenez, afin de tirer le meilleur parti de tout ce que vous avez en main.

II

                    Après avoir gagné tout ce que vous pourrez, par une sage honnêteté et une persévérance infatigable, n'oubliez pas que la seconde règle de prudence chrétienne, c'est : Épargnez tout ce que vous pouvez. Ne jetez pas ce précieux talent à la mer ; laissez cette folie aux philosophes païens. Ne le gaspillez pas en dépenses inutiles, ce qui serait la même chose que de le jeter à l'eau. N'en dépensez aucune partie pour la satisfaction des convoitises de la chair, des convoitises des yeux, ou de l'orgueil de la vie.

                    Reprenons ces trois idées. Ne dépensez rien pour la satisfaction des convoitises de la chair, pour vous procurer les plaisirs des sens, notamment ceux de la table. je ne dis pas seulement : évitez la gloutonnerie et l'intempérance ; un honnête païen condamnerait ces choses. Mais il y a une espèce de sensualité rangée et reçue, un élégant épicurisme, qui ne dérange pas tout de suite l'estomac, qui ne détériore pas, d'une manière sensible au moins, l'intelligence, mais qui (pour ne pas parler d'autres effets) ne peut être satisfait qu'au prix de dépenses considérables. Retranchez toute cette dépense. Méprisez ces délicatesses et cette variété de mets ; contentez-vous de donner à la nature le nécessaire.

                    Ne gaspillez pas votre argent en satisfaisant la convoitise des yeux, par une toilette inutile ou dispendieuse, ou par de vains ornements. Ne le gaspillez pas en ornements superflus dans votre maison, en meubles inutiles ou coûteux, en tableaux de prix, en peinture et dorure, en livres rares, ou bien encore en jardins plutôt fastueux que productifs. Que votre voisin, qui ne sait rien de mieux, fasse cela ; « laissez les morts ensevelir leurs morts. (Matthieu 8 : 22) » Mais, à vous, le Maître dit : « Que t'importe ! toi, suis-moi. (Jean 21 : 22) » Si vous le voulez, vous le pouvez.

                    Ne dépensez pas votre argent pour satisfaire l'orgueil de la vie, pour obtenir l'admiration et les louanges des hommes. Ce motif de dépense accompagne souvent l'un des précédents, ou même il se combine avec l'un et l'autre. On fait de grosses dépenses de table, de toilette, d'ameublement, non pas seulement pour satisfaire son appétit, le plaisir de ses yeux ou son imagination, mais surtout par vanité. Aussi longtemps que vous vous traiterez bien, vous trouverez des gens pour chanter vos louanges. Aussi longtemps que vous vous serez « vêtus de pourpre et de fin lin et que vous vous traiterez bien et magnifiquement tous les jours, (Luc 16 : 19) » il y aura des gens pour vanter votre bon goût, votre générosité, votre hospitalité. Mais c'est payer trop cher leur approbation. Contentez-vous de l'honneur qui vient de Dieu.

                    Qui voudrait dépenser son argent en satisfaisant ces convoitises, quand on sait que leur complaire c'est augmenter leur force ? Il n'y a rien de plus sûr, et l'expérience de tous les jours le prouve ; plus on leur accorde, plus elles son exigeantes. Quand vous dépensez quelque chose pour la satisfaction de vos sens, vous payez tant pour votre sensualité. Quand vous réservez tant pour le plaisir de vos yeux, vous augmentez d'autant votre curiosité et votre attachement pour ces choses qui périssent. Lorsque vous achetez ce que les hommes louent, vous achetez un peu plus de vanité. N'aviez-vous donc pas déjà assez de sensualité, de curiosité, de vanité ? Cette augmentation vous était-elle nécessaire ? Et voudriez-vous avoir à débourser de l'argent pour cela ? Mais quelle étrange sagesse que la vôtre ! Pensez-vous que jeter son argent à la mer serait une folie plus nuisible ?

                   Et ce que vous ne devez pas faire pour vous-même, pourquoi le feriez-vous pour vos enfants ? Pourquoi gaspilleriez-vous l'argent pour leur donner une nourriture délicate, de riches habits et des bagatelles de tous genres ? Pourquoi leur achèteriez-vous encore plus d'orgueil, de convoitise, de vanité, de désirs insensés et pernicieux ? Hélas ! n'en ont-ils pas assez ? La nature les en a amplement pourvus. Pourquoi accroîtriez-vous vos dépenses pour augmenter. leurs tentations et leurs périls, et pour leur percer le cœur de plus de chagrins ?

                    Ne leur laissez pas cet argent pour qu'ils le gaspillent. Si vous avez quelque raison de croire qu'ils dissiperont ce qui est à vous, pour la satisfaction et l'accroissement de la convoitise de la chair, de la convoitise des yeux ou de l'orgueil de la vie ; c'est-à-dire au péril de leurs âmes et de la vôtre, ne placez pas ces pièges sous leurs pas. Vous ne voulez pas donner vos fils et vos filles à Moloch ; ne les livrez pas à Bélial. Ayez pitié d'eux et éloignez d'eux ce qui serait, vous pouvez le prévoir facilement, une pâture pour leurs péchés et le moyen d'augmenter leur perdition éternelle. Combien se trompent ces parents qui croient qu'ils n'en pourront jamais laisser assez à leurs enfants ! Quoi ! vous craignez donc de ne pas les pourvoir suffisamment de flèches, de brandons, de désirs insensés et nuisibles, d'orgueil, de convoitise, d'ambition, de vanité et de feux éternels ! Malheureux que tu es ! tu crains où il n'y a aucun sujet de crainte Assurément eux et toi, quand vous lèverez vos yeux dans les enfers, vous en aurez assez de « ce ver qui ne meurt point, de ce feu qui ne s'éteint point. (Marc 9 : 48) »

                     « Que feriez-vous, me direz-vous, à ma place, si vous aviez une fortune considérable à laisser ? » je ne sais pas ce que je ferais, mais je sais bien ce que je devrais faire, sur ce point, il n'y a pas de doute raisonnable. S j'avais un enfant, le plus jeune ou le plus âgé, peu importe, qui connût la valeur de l'argent, qui, dans ma conviction, en ferait le meilleur usage, je considérerai, que mon devoir absolu et impérieux serait de lu laisser la meilleure partie de ma fortune, en ne léguant aux autres que juste assez pour leur permettre de vivre comme ils ont été élevés. « Mais quoi ! si tous vos enfants ignoraient le véritable usage de l'argent, que feriez-vous ? » je devrais (c'est là, je le sais, une parole dure, et qui peut l'entendre ?), je devrais leur laisse tout juste ce qu'il leur faudrait pour vivre, et puis disposer du reste au mieux de mes lumières, en ayant en vue la gloire de Dieu.

III

                    Mais que personne ne croie qu'il a fait son devoir en se bornant à « gagner le plus possible et à épargner le plus possible », s'il s'arrête là. Tout cela n'est rien, s'il ne fait un pas de plus, s'il n'a pas en vue un but plus élevé. Peut-on dire qu'un homme épargne, quand c'est tout simplement pour amasser qu'il ne dépense rien ? Autant vaudrait jeter votre argent à la mer que de l'enfouir dans la terre, et autant vaudrait l'enfouir dans la terre que de l'entasser dans un coffre-fort ou dans une banque. Ne pas s'en servir, c'est le jeter. Si, vraiment, vous voulez « vous faire des amis avec ce Mammon d'iniquité », ajoutez la troisième règle aux deux autres. Vous avez d'abord gagné autant que possible, puis épargné autant que possible ; enfin, « donnez tout ce que vous pouvez ».

                     Pour vous aider à voir le bien-fondé de cette règle, rappelez-vous que le Possesseur du ciel et de la terre, en vous donnant l'existence, en vous plaçant ici-bas, ne vous y a pas mis comme propriétaire, mais comme intendant. Comme tel, Il vous a confié, pour un moment, toutes sortes de biens ; mais la propriété de Ses biens est inaliénable, elle est entièrement à Lui. Vous-même, vous ne vous appartenez pas ; vous êtes à Lui ; ainsi en est-il de tout ce que vous possédez. Votre âme n'est pas à vous, votre corps n'est pas à vous ; ils sont à Dieu. Vos biens ne Lui appartiennent-ils pas aussi ? Il vous a dit, de la façon la plus directe et la plus claire, que vous devez vous en servir de telle sorte que ce soit un sacrifice saint et agréable par Jésus-Christ. C'est ce service facile qu'Il a promis de récompenser par le poids d'une gloire éternelle.

                    On peut résumer en quelques mots les directions que Dieu nous a données sur la manière d'utiliser notre argent. Si vous voulez être un intendant fidèle et sage des biens que Dieu vous a confiés, et qu'Il pourrait reprendre quand bon Lui semblera, prenez d'abord ce qu'il vous faut pour vous-même, pour votre nourriture, vos habits, tout ce que la nature réclame raisonnablement pour la conservation du corps ; faites la même chose pour votre femme et pour vos enfants, vos domestiques et tous ceux qui vivent sous votre toit. Si, après il reste quelque chose, alors « faites du bien aux frères dans la foi. (Galates 6 : 10) » S'il reste encore quelque chose, « pendant que nous en avons l'occasion, faisons du bien à tous. (Galates 6 : 10) » En faisant cela vous donnerez autant que possible. je me trompe, vous donnerez, dans un sens, tout ce que vous avez ; car tout ce qui est dépensé, non seulement pour le soulagement des pauvres, mais pour vos propres besoins et ceux de votre famille, est dépensé pour Dieu. Vous aurez rendu « à Dieu ce qui appartient à Dieu. (Matthieu 22 : 21) »

                    Mais si jamais un doute s'élève dans votre esprit, au moment de faire une dépense pour vous ou pour votre famille, vous pouvez aisément le faire disparaître. Demandez-vous sérieusement et calmement :

1° En faisant cette dépense, est-ce que j'agis comme un chrétien doit agir, comme l'intendant et non comme le propriétaire des biens de mon Maître ?

2° En faisant cette dépense, est-ce que j'obéis à la Parole de Dieu ? Dans quel passage de l'Ecriture me recommande-t-il d'agir ainsi ?

3° Puis-je présenter cet acte, cette dépense comme un sacrifice à Dieu par Jésus-Christ ?

4° Suis-je en droit d'attendre une récompense lors de la résurrection des justes pour ce que je vais faire ? Vous n'aurez pas souvent besoin d'aller plus loin pour chasser le doute qui se sera élevé dans votre esprit ; mais, au moyen de ces quatre questions, vous recevrez la lumière dont vous aurez besoin pour choisir le chemin où vous devez marcher.

                    Si le doute persiste, priez et reprenez tous les points indiqués. Essayez de dire, avec une bonne conscience, à Celui qui sonde les cœurs : « Seigneur, tu sais que je suis sur le point de faire une dépense, pour cet article de nourriture, de toilette ou d'ameublement. Tu sais que j'agis dans cette circonstance avec sincérité, comme un intendant de Tes biens ; je suis sur le point d'en dépenser une partie pour l'usage pour lequel Tu me les a confiés. Tu sais que je fais ceci pour obéir à Ta parole, comme Tu le commandes et parce que Tu le commandes. Que ce soit, je T'en supplie, un sacrifice saint, qui Te soit agréable par Jésus-Christ ! Donne-moi une preuve en moi-même que pour ceci, pour ce travail d'amour, Tu me récompenseras, quand Tu rendras à chacun selon ses œuvres ». Si votre conscience, éclairée par le Saint-Esprit, vous rend témoignage que cette prière est agréable à Dieu, vous n'avez aucune raison de douter que cette dépense est juste et bonne, et vous n'aurez pas lieu de vous en repentir.

                    Vous voyez maintenant ce que c'est que de se faire « des amis de ces richesses injustes », et par ce moyen vous pouvez vous assurer que, « lorsqu'elles viendront à vous manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels ». Vous voyez la nature et l'étendue de la vraie prudence chrétienne, en rapport avec l'usage à faire de ce grand 'talent, l'argent. Gagnez tout ce que vous pouvez, sans nuire à votre prochain ni à vous-même, ni dans le corps ni dans l'âme, en vous appliquant à votre tâche avec une diligence sans relâche et avec toute l'intelligence que Dieu vous a donnée. Épargnez tout ce que vous pouvez, en retranchant tout ce qui pourrait satisfaire les désirs insensés, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux, l'orgueil de la vie ; ne gaspillez rien pour le péché et pour la folie dans l'emploi de vos biens, soit pendant votre vie, soit dans vos dispositions testamentaires, soit pour vous-même, soit pour vos enfants. Donnez tout ce que vous pouvez ou, en d'autres termes, donnez tout ce que vous avez à Dieu. Ne fixez pas de limites ; vous êtes chrétien et non pas juif. Rendez à Dieu, non pas un dixième, non pas un tiers, non pas la moitié, mais tout ce qui est à Lui, que ce soit peu ou beaucoup, en employant le tout pour vous, pour votre famille terrestre, pour votre famille spirituelle, pour l'humanité. C'est ainsi que vous pourrez rendre un bon compte de votre administration, quand vous ne serez plus intendant. C'est ainsi que les oracles de Dieu vous enseignent à agir, par des préceptes généraux ou particuliers, et c'est ainsi que tout ce que vous ferez sera « un sacrifice d'agréable odeur », et que toutes vos actions seront récompensées, le jour où Dieu viendra avec tous Ses saints.

                    Frères, pouvons-nous être de sages et fidèles intendants, à moins d'en agir ainsi avec les biens du Seigneur ? Nous ne le pouvons pas ; non seulement les oracles de Dieu, mais nos consciences, nous le déclarent. Pourquoi tarder ? Pourquoi consulter plus longtemps la chair et le sang, ou les hommes du monde ? Notre royaume et notre sagesse ne sont pas de ce monde ; les coutumes païennes ne nous regardent pas. Nous ne suivons les hommes que dans la mesure où ils suivent Jésus-Christ. Ecoutez-Le aujourd'hui, pendant qu'il est dit : « Aujourd'hui ». Ecoutez Sa voix, obéissez-Lui. Dès maintenant faites Sa volonté. Réalisez les prescriptions de Sa Parole, en ceci et en tout le reste. Je vous en supplie, au nom du Seigneur Jésus, agissez d'une manière digne de votre vocation. Plus de paresse ! Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le de tout ton cœur. Plus de gaspillage ! Supprimez toutes les dépenses que la mode, le caprice, la chair et le sang réclament. Plus d'avarice ! Que tout ce que Dieu vous a confié soit bien employé, pour faire autant de bien que possible, de toute manière, à la famille de Dieu et à tous les hommes. Ce n'est pas là, croyez-le, une petite portion « de la sagesse du juste ». Donnez tout ce que vous avez, tout ce que vous êtes, en sacrifice à Celui qui n'a pas épargné Son Fils, Son Fils unique pour vous, afin que vous vous « amassiez pour l'avenir un trésor placé sur un bon fondement, afin d'obtenir la vie éternelle.  (1 Timothée 6 : 19) »



mardi 2 août 2016

(16) LES SERMONS DE WESLEY

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

Sermon 49 : (1760)         LE REMÈDE CONTRE LA MÉDISANCE

Matthieu 18,15-17  (1760)

Si ton frère  a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul ; s'il t'écoute, tu auras gagné ton frère ; mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que tout soit confirmé sur la parole de deux ou trois témoins. S'il ne daigne pas les écouter, dis-le à l'Église et s'il ne daigne pas écouter l'Église, regarde-le comme un paën et un péager. (Matthieu 18 : 15-17)

                    « Avertis-les... de ne médire de personne (Tite 3 : 1,2) » a dit le grand apôtre. Et ce commandement est tout aussi formel que cet autre : « Tu ne tueras point (Exode 20 : 13)  ». Mais qui donc, même parmi les chrétiens, fait attention à ce commandement ? Combien peu le comprennent ! Qu'est-ce donc que la médisance ? Ce n'est pas, comme quelques-uns le pensent, la même chose que le mensonge ou la calomnie. Ce qu'un homme dit peut être entièrement vrai, aussi vrai que la Bible, et pourtant être de la médisance. Car la médisance, consiste à dire du mal d'une personne absente, à rapporter quelque chose de mauvais qui a été fait ou dit par quelqu'un qui n'est pas là lorsqu'on le raconte. Supposons que j'aie vu un homme en état d'ivresse, ou que je l'aie entendu jurer ou blasphémer ; si je raconte cela en son absence, c'est là médire. C'est ce qu'on pourrait aussi appeler mordre par derrière. Il n'y a réellement pas de différence entre médire et rapporter. On peut d'ailleurs rapporter les choses tranquillement, d'une voix douce, et même en donnant à entendre qu'on veut du bien à la personne en question, qu'on espère que le mal a été exagéré ; c'est là procéder par insinuation. Mais de quelque façon qu'on s'y prenne, c'est toujours la même chose, sinon dans la forme, du moins en substance, C'est toujours médire, c'est toujours fouler aux pieds ce commandement : « Ne médire de personne ». Car c'est raconter les fautes d'un tiers qui n'est pas là pour se défendre.

                    Combien ce péché est commun, à tous les rangs et dans toutes les classes de la société ! Grands et petits, riches et pauvres, sages et fous, savants et ignorants, tous y tombent sans cesse. Des gens qui ne se ressemblent en rien d'autre sont pourtant les mêmes sur ce point-là. Combien peu pourraient dire devant Dieu : « Je suis innocent à cet égard ; j'ai gardé ma bouche ; j'ai gardé l'ouverture de mes lèvres ! (Allusion à Psaume 141 : 3) » Dans quelle. conversation tant soit peu longue, ne rencontrez-vous pas cet élément de la médisance, même parmi des personnes qui en général ont la crainte de Dieu devant leurs yeux et désirent sincèrement avoir une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes ?

                    Et c'est précisément parce que ce péché est si ordinaire, qu'il est difficile à éviter. Il nous environne de toutes parts, et si nous ne sentons pas vivement le danger, si nous ne sommes pas sans cesse en garde contre lui, nous pourrons bien être entraînés par le courant. Sur ce point le monde tout entier semble conspirer contre nous. L'exemple des autres influe sur nous, nous ne savons pas comment, et nous arrivons insensiblement à faire comme eux. Et puis, la médisance ne trouve-t-elle pas un appui au dedans de nous, tout comme au dehors ? Presque tous les mauvais sentiments de l'âme y trouvent à l'occasion une jouissance, et c'est ce qui fait que nous y sommes disposés. C'est pour notre orgueil une satisfaction que de raconter les fautes d'autrui, quand nous croyons n'être pas coupables de ces mêmes fautes. La colère, la rancune, toutes les dispositions malveillantes du cœur trouvent leur compte au mal que nous disons de ceux que nous n'aimons pas. C'est souvent en racontant les péchés de leur prochain que les hommes arrivent à satisfaire leurs désirs insensés et coupables.

                    La médisance est d'autant plus difficile à éviter que c'est fréquemment sous un masque qu'elle nous aborde. N'est-ce pas une indignation noble et généreuse, nous dirions sainte, si nous l'osions, qui nous fait parler ainsi de ces indignes personnes ? Si nous péchons, c'est par haine pour le péché. Autant vaut dire que nous servons le diable par pur zèle pour le Seigneur, et que ce n'est que pour ne pas laisser le mal impuni que nous commettons du mal ! Voilà comment nos passions se justifient toutes, et cherchent à faire passer le péché en le voilant de sainteté !

                    Mais n'y a-t-il aucun moyen d'éviter de piège ? Il y en a un certainement : notre bon Maître l'a clairement indiqué à ses disciples dans paroles de notre texte. Quiconque marchera dans ce chemin avec prudence et constance, sera préservé de médire. La règle qu'il nous donne prévient sûrement ce mal, et c'en est le remède infaillible. Dans les versets qui précèdent, Jésus avait dit : « Malheur au monde à cause des scandales (Matthieu 18 : 7) ; » c'est-à-dire que des maux indicibles découleront de cette source pernicieuse ; les scandales, c'est tout ce qui peut détourner ou arrêter ceux qui marchent dans les voies du Seigneur. « Car il est, nécessaire qu'il arrive des scandales (Matthieu 18 : 7) ; » c'est dans la nature des choses, vu la méchanceté, la folie, la faiblesse des hommes. « Mais malheur à l'homme par qui le scandale arrive ! ( (Matthieu 18 : 7) » Son sort sera misérable. « Si donc ta main, ou ton pied... ou ton œil te fait tomber », si ton plaisir le plus cher, si la personne que tu aimes le plus et qui t'est le plus utile, te détourne ou t'arrête dans le chemin du salut, « coupe-le, arrache-le, et. le jette loin de toi ( (Matthieu 18 : 8)  ».

                    Mais comment éviterons-nous d'être en scandale aux autres ou de nous scandaliser à cause des autres, surtout si ceux-ci ont absolument tort et que nous le voyions de nos propres yeux ? Notre Seigneur nous l'enseigne ici, en nous donnant un moyen certain d'éviter les scandales et la médisance en même temps : « Si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul. S'il t'écoute, tu auras gagné, ton frère. Mais s'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que tout soit confirmé sur la parole de deux ou trois témoins. Et s'il ne daigne pas les écouler, dis-le à l'Église. Et s'il ne daigne pas écouter l'Eglise, regarde-le comme un païen et un péager ».

I

                    En premier lieu, « si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul ». Là où c'est possible, la façon la plus simple de pratiquer cette règle est aussi la meilleure. Ainsi, quand tu vois de tes propres yeux ou entends de tes oreilles un frère, un chrétien, commettre un péché positif, tellement que pour toi la chose est évidente, alors voici ce que tu as à faire : saisir la première occasion qui se présentera et où tu pourras l'aborder, et le reprendre au sujet de sa faute « entre toi et lui seul ». Il va sans dire qu'il faut avoir grand soin de le faire dans un bon esprit et de la manière la plus judicieuse. Le succès d'une répréhension dépend beaucoup de la façon dont elle est administrée. Ne manque donc pas de prier ardemment le Seigneur qu'il t'accorde de reprendre avec humilité, avec la conviction vive et profonde que c'est la grâce de Dieu seule qui te rend supérieur à ton frère dans cette occasion, et que, si ce que tu vas dire fait quelque bien, ce sera Dieu lui-même qui aura fait ce bien.

                    Demande-lui de garder ton cœur, d'éclairer ton esprit, de mettre dans ta bouche des paroles qu'il daignera bénir. Tâche de parler avec douceur aussi bien qu'avec humilité ; « car la colère de l'homme n'accomplit point la justice de Dieu (Galates 6 : 1)  ». — « Si quelqu'un vient à tomber dans quelque faute », il n'y a qu 'une manière de le « redresser », c'est « avec un esprit de douceur » (Galates 6 : 1). S'il résiste à la vérité, ce ne peut être que par la bonté qu'on l'amènera à la reconnaître. Parlez donc avec cet amour tendre que beaucoup d'eaux ne pourraient pas éteindre (Cantique 8 : 7) » Pourvu que l'amour ne se laisse pas vaincre, il sera vainqueur de tout. Qui pourrait dire toute la puissance de l'amour ?

L'amour seul peut courber un front rebelle,
Humilier le pécheur le plus fier,
Fondre, briser, fléchir l'âme charnelle,
Changer le cœur de pierre en cœur de chair.

Augmentez donc votre amour pour ce frère, et par là « vous lui amasserez des charbons de feu sur la tête (Romains 12 : 20)

                    Mais veillez aussi à ce que les formes mêmes, dans votre façon de reprendre, soient selon l’Évangile de Christ. Évitez tout ce qui, dans vos regards ; dans vos gestes, dans votre langage ou même dans le ton de votre voix, sentirait l'orgueil ou la suffisance. Évitez avec soin tout ce qui rappellerait le juge ou le docteur, tout ce qui ressemblerait à de l'arrogance ou à de la supériorité. Gardez-vous bien de quoi que ce soit qui serait dédaigneux, hautain,ou méprisant. Qu'il n'y ait pas non plus chez vous ombre de colère ; et, tout en étant très franc, ne vous laissez pas aller à faire toutes sortes de reproches et d'accusations blessantes ; ne vous échauffez pas, à moins que ce ne soit de la chaleur de la charité. Par-dessus tout, qu'on ne puisse pas soupçonner chez vous la moindre haine, la plus petite malveillance ; que votre langage soit exempt d'amertume et d'aigreur ; que tout, dans votre physionomie comme dans vos paroles, respire la douceur et la bonté, et qu'on voie que tout découle de l'amour qui est dans votre cœur. Mais, tout en étant doux, vous pouvez et devez parler de la façon la plus sérieuse, la plus solennelle, employant autant que possible les termes mêmes de la parole de Dieu — car « il n'y en a point de semblable, (Samuel 21 : 9) et faisant tout comme en la présence de Dieu qui doit juger les vivants et les morts.   

                    Si vous n'avez pas l'occasion de parler à la personne elle-même, si vous ne pouvez avoir accès auprès d'elle, vous pourrez lui envoyer un message, en vous servant pour cela d'un ami commun dont la prudence et l'intégrité vous seront bien connues, et auquel vous pourrez vous fier entièrement. Le but pourra être atteint sii quelqu'un possédant ces qualités parle en votre nom, dans l'esprit et de la façon ci-dessus exprimés ; cela pourra, en une bonne mesure, suppléer à votre absence. Mais n'allez pas, pour éviter une croix, faire semblant que les occasions vous manquent ; ne vous persuadez pas, avant d'avoir essayé, que vous ne pouvez pas aborder cette personne. Toutes les fois que vous pourrez parler vous-même, cela vaudra infiniment mieux. Mais plutôt que de ne rien faire, employez quelqu'un ; cela vaudra mieux que de ne pas agir du tout.

                    Que faire si vous ne pouvez parler vous-même à cette personne, ni lui envoyer quelqu'un qui ait toute votre confiance ? En pareil cas, il vous reste la ressource d'écrire. Dans certaines circonstances cela peut même être préférable. Par exemple, si la personne à qui l'on a à faire est d'une humeur si vive, si impétueuse qu'elle n'endure que bien difficilement d'être reprise, surtout par un de ses égaux ou par un inférieur. En écrivant, on peut présenter les choses et les adoucir de telle façon qu'elles soient plus aisées à accepter. D'ailleurs, bien des gens peuvent supporter par écrit des paroles qu'elles n'auraient pas consenti à entendre. Leur orgueil n'en reçoit pas un choc si violent ; leur amour-propre n'en est pas atteint d'une façon aussi sensible. Et à supposer que ce message ne fasse d'abord que peu d'impression, il peut être relu et il se peut qu'à la réflexion on profite d'avertissements qu'on avait d'abord négligés. Si l'on signe cette communication, c'est à peu près comme si l'on allait en personne, comme si on parlait de vive voix ; mais il faut toujours signer, à moins de raisons très spéciales qui pourraient rendre la chose déplacée.

                    N'oublions pas que c'est Jésus qui nous commande de la manière la plus absolue de faire ces démarches et de les faire avant tout, de commencer par là. Il ne nous laisse point d'alternative ; nous n'avons pas à choisir entre ceci ou cela ; c'est là le chemin, il faut y marcher ! Il est vrai qu'il nous recommande deux autres mesures qu'il faudra prendre, s'il y a lieu ; mais ce ne doit être qu'après celle-ci, jamais avant. Faire autre chose ou bien omettre ce point, c'est, dans les deux cas, agir d'une façon inexcusable.

                    Ne croyez pas pouvoir vous justifier d'avoir agi d'une tout autre manière en disant : « Je n'en ai parlé à personne que lorsque je n'ai plus pu y tenir, tant la chose me pesait ! » Elle vous pesait ! Ce n'est pas étonnant, à moins que vous n'eussiez eu la conscience cautérisée ; car vous étiez coupable d'un péché, vous aviez désobéi à un ordre positif du Seigneur. Vous auriez dû aller tout de suite reprendre votre prochain entre vous et lui seul. Si vous ne l'avez pas fait, vous ne pouviez manquer d'avoir un poids sur le cœur (sinon, vous seriez tout à fait endurci), car, en agissant ainsi vous fouliez aux pieds le commandement de Dieu, et vous faisiez ce qui est appelé « haïr son frère dans son cœur (Lévitique 19 : 17)  ». Et quel triste moyen vous avez trouvé de vous décharger ! Dieu vous reprenait à cause de votre péché d'omission, parce que vous ne repreniez pas votre frère ; et pour vous consoler de sa répréhension vous allez commettre un péché positif, en racontant à un autre les fautes de votre prochain ! C'est payer le soulagement bien cher que de l'acheter par un péché. Mais je demande à Dieu que vous n'ayez point ce soulagement, que plutôt la chose vous pèse toujours plus jusqu'à ce que vous soyez allé la dire à votre frère, et à lui seul !

                    Je ne connais qu'une seule exception à cette règle ; il peut y avoir des cas où pour préserver un innocent, on est obligé d'accuser un absent qui est le vrai coupable. Par exemple, il peut arriver que vous connaissiez l'intention qu'a un homme d'enlever à son semblable sa vie ou ses biens, et qu'il n'y ait pas d'autre moyen de l'en empêcher que d'en faire part sans aucun délai à celui qui est menacé. En pareil cas, la règle indiquée par Jésus doit être mise de côté, ainsi que celle donnée par l'Apôtre : « Ne médire de personne ». Il est permis, c'est même notre devoir absolu de parler mal d'une personne absente, quand ainsi nous pouvons l'empêcher de nuire à d'autres, et à elle-même en même temps. Mais n'oubliez jamais que toute médisance est de sa nature un poison mortel. Si donc vous vous voyez contraint de dire du mal d'un absent, et d'employer le poison comme remède, servez-vous-en avec crainte et tremblement ; car c'est un remède dangereux et dont l'emploi ne peut être légitimé que par une nécessité absolue. N'en faites donc usage que le plus rarement possible, seulement lorsque c'est tout à fait nécessaire. Et même alors, que ce soit aussi peu que vous pourrez, juste assez pour atteindre le but désiré. Dans tous les autres cas, « va et reprends-le entre toi et lui seul ».

II

                    Mais que faudra-t-il faire, « s'il ne t'écoute pas  » ; s'il te rend le mal pour le bien, s'il s'irrite au lieu de se laisser convaincre ? Que faut-il faire s'il ne profite pas de ce qu'on lui a dit, et persévère dans sa mauvaise conduite ? Nous devons nous attendre à ce que pareille chose arrive fréquemment. Les réprimandes les plus douces et les plus affectueuses n'auront produit aucun bien ; mais la bénédiction que nous voulions attirer sur autrui retournera à nous. Que devrons-nous faire ensuite ? Notre Seigneur nous a donné à cet égard des instructions claires et complètes. Dans ce cas, « prends avec toi encore une ou deux personnes : » telle est la seconde mesure à prendre. Choisissez une ou deux personnes que vous connaissez pour avoir des dispositions charitables, et comme aimant Dieu et leur prochain. Qu'ils ne soient pas des gens fiers, mais des hommes « ornés d'humilité (1 Pierre 5 : 5)  ». Qu'ils soient débonnaires et doux, patients et calmes, « ne rendant point mal pour mal, ni injure pour injure, mais au contraire bénissant (1 Pierre 3 : 9)  ». Qu'ils soient des hommes intelligents et revêtus de la sagesse d'en haut, des hommes d'esprit libre, impartiaux, sans aucune espèce de préventions. Il faut avoir soin de prendre des personnes qui, tant pour leur individualité que pour leur caractère moral, soient bien connues de celui à qui on a à faire ; et de préférence il faut choisir celles qu'on sait lui être le plus agréables.

                    L'amour chrétien prescrira lui-même la méthode à suivre, en rapport avec chaque cas particulier. Car on ne peut pas adopter une marche uniforme pour tous les cas. Peut-être serait-il bon, avant que ces amis entrent en matière, qu'ils fassent à cet individu une déclaration conciliante et affectueuse, portant sur le fait qu'ils ne sont mus par aucun sentiment de colère ou de prévention contre lui, que c'est uniquement dans une pensée bienveillante qu'ils sont venus le trouver et se mêlent de choses qui le concernent. Pour confirmer cela, il conviendrait qu'ensuite ils écoutassent, sans interrompre et avant de se prononcer sur quoi que ce soit, l'exposé de la conversation que vous avez eue précédemment et de ce qu'il a pu avancer pour se justifier. Après quoi, ils pourront mieux déterminer ce qu'ils ont à faire, « afin que tout, soit confirmé sur la parole de deux ou trois témoins », c'est-à-dire afin que les choses que vous aurez pu dire produisent tout leur effet, étant appuyées par l'autorité morale de ces personnes.

                    Pour atteindre ce but, je leur conseillerais ce qui suit. Premièrement, rappeler en peu de mots ce que vous avez dit et ce que l'autre personne a pu répliquer ; en second lieu, développer, exposer, confirmer les raisons données par vous ; en troisième, donner du poids à votre répréhension en montrant combien elle était juste, charitable et à propos ; enfin, insister sur les conseils et les appels dont vous avez fait suivre la répréhension. Ces amis pourront plus tard, si c'est nécessaire, servir de témoins relativement à ce qui s'est dit.

                    Au sujet de cette seconde règle de conduite, comme pour la première, il est bon de faire observer que Jésus ne nous laisse pas le choix, ne nous met pas en présence d'une alternative, mais nous commande expressément, de faire cela, et non quelque autre chose à la place. Il nous indique aussi à quel moment il faut recourir à ce second moyen : c'est lorsqu'on a employé le premier, et c'est avant d'arriver au troisième. Ce n'est qu'après avoir fait ces deux choses que nous pourrons raconter le mal qui a été commis à ceux que nous voudrons intéresser avec nous dans cet effort spécial de l'amour fraternel. Mais tant que nous n'avons pas fait ces démarches, évitons d'en parler à d'autres gens. Si nous ne suivons pas ces directions, si nous essayons d'autre chose, nous ne pouvons faire autrement que de rester sous le fardeau. Car, en agissant ainsi, nous péchons contre Dieu et contre notre prochain ; et quels que soient les prétextes spécieux que nous invoquions, si nous avons une conscience, notre péché nous trouvera et notre âme en sera comme accablée.

III

                     Pour que nous sachions parfaitement comment nous conduire dans ces affaires importantes, notre Sauveur nous donne encore un conseil : « S'il ne daigne pas les écouter, dis-le à l'Église ». C'est là la troisième mesure à prendre. Toute la difficulté ici, c'est de savoir ce qu'il faut entendre par « l'Église ». La nature même des choses nous enseignera à fixer d'une façon suffisamment certaine le sens de cette expression. Il ne s'agit pas de le dire à votre Eglise nationale tout entière, à tous les gens qui se rattachent à l'Eglise anglicane. Le pussiez-vous, ce ne serait d'aucune utilité au point de vue chrétien ; telle n'est donc point la signification de ce mot. Vous ne pouvez pas non plus en faire part à tous ceux qui, dans ce pays, sont dans des rapports religieux plus directs avec vous. D'ailleurs, cela ne produirait aucun bien. Ce n'est pas là non plus le sens. Il ne servirait également à rien de raconter les fautes de chacun de ses membres à l'Église (si vous voulez l'appeler ainsi), à la congrégation, à la société de ceux qui se sont unis dans Londres. Concluons que c'est au pasteur ou aux anciens de l'Église qu'il vous faut en parler, à ceux qui ont la surveillance du troupeau de Christ auquel vous appartenez l'un et l'autre, et qui veillent sur votre âme et sur celle de la personne en question « comme devant en rendre compte (Hébreux 13 : 17)  ». Si la chose est possible cette communication devrait leur être faite en présence de la personne intéressée, et très franchement, mais aussi avec tous les ménagements et toute la charité que I'affaire comporte. C'est à ces hommes qu'il appartient de juger la conduite de ceux qui sont confiés à leurs soins et de la censurer, si la nature du délit le requiert, « avec une pleine autorité (Tite 2 : 15) » Et quand vous aurez fait cela, vous aurez fait tout ce qu'exigent de vous la parole de Dieu et les lois de la charité ; ainsi « vous ne participerez point aux péchés d'autrui (Timothée 5 : 22)  ». Si cet homme périt, son sang sera sur sa propre tête.

                    Encore ici, faisons observer que c'est bien là la troisième démarche à faire, et qu'une autre ne saurait en tenir lieu ; qu'il nous faut la faire à son tour, c'est-à-dire après les deux autres, pas avant la seconde, bien moins encore avant la première, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels. De fait, il peut arriver que la troisième se confonde avec la seconde, et qu'elles n'en fassent qu'une. Les relations entre le frère qui a fait une faute et le pasteur ou les anciens de l'Église, peuvent être de telle nature qu'il n'y ait pas lieu de chercher un ou deux témoins, parce qu'ils en serviront eux-mêmes ; dans ces circonstances il suffit de les prévenir, après l'avoir « dit à ton frère entre toi et lui seul ».

                    Quand vous aurez, accompli ces devoirs, vous aurez « délivré votre âme (Ézéchiel 3 : 19)  ». Mais « s'il ne daigne pas écouter l'Eglise », s'il persiste dans son péché, « regarde-le comme un païen et un péager ». Vous n'êtes plus obligé alors de vous occuper de lui, à moins que ce ne soit quand vous prierez pour lui. Il est inutile de parler de lui désormais ; laissez-Ie au jugement de son Maître.

                    Il va sans dire que vous lui devez, comme à tout païen d'ailleurs, une bienveillance sincère et affectueuse ; vous lui devez de la courtoisie et tout ce que les devoirs de l'humanité pourront exiger de vous. Mais ne soyez point avec lui dans des rapports d'amitié, d'intimité ; n'ayez pas d'autres relations avec lui que celles que vous auriez avec un païen avoué.

                    Si telle doit être la règle de conduite des chrétiens, ne peut-on pas se demander où il y en a ? Vous en trouverez peut-être quelques-uns çà et là, qui se font un devoir d'agir ainsi ; mais qu'il y en a peu ! Comme ils sont clairsemés sur la terre ! Où trouverions-nous une communauté religieuse qui tout entière suive cette marche ? Serait-ce en Europe, ou, pour ne pas aller plus loin, dans la Grande-Bretagne ou en Irlande ? Je crains que non ; je crains qu'on cherchât vainement pareille chose dans nos pays. Pauvre monde chrétien ! pauvres protestants, pauvres réformés ! « Qui est-ce qui se lèvera pour moi contre les méchants ? (Psaume 94 : 16) » dit l’Éternel, qui est ce qui prendra parti pour Dieu contre les médisants ? Est ce toi ? Veux- tu, avec l'aide de la grâce divine, être de ceux qui ne se laissent point emporter par le courant ? Es-tu bien décidé, en comptant sur Dieu, à veiller sur ta bouche dorénavant et sans cesse, à « garder ta bouche et l'ouverture de tes lèvres ? (Psaume 141 : 3) Veux-tu désormais pratiquer cette règle : « Ne médire de personne ? (Tite 3 : 2) » Si tu vois ton frère faire le mal, aller le lui dire entre toi et lui seul  » ; puis, le cas échéant, prendre deux ou trois témoins, et, en dernier lieu seulement, le dire à l'Eglise ? Si telle est ton intention bien arrêtée, retiens encore ceci : n'écoute jamais une médisance ! On ne dirait pas de mal du prochain, s'il ne se trouvait personne pour écouter. Et, comme dit le proverbe, s'il n'y avait point de receleurs, il n' y aurait point de voleurs (C'est la forme française du proverbe anglais ; The receiver is as bad as the thief ; littéralement : Le receleur ne vaut pas mieux que le voleur). Si donc quelqu'un se met à médire devant toi, arrête-le tout de suite. Refuse d'écouter la voix de cet enchanteur, si enchanteur qu'il puisse être, quelles que soit la douceur de ses manières, de ses intonations, quelles que soient ses protestations de sympathie pour celui qu'il poignarde dans l'ombre, qu'il frappe à la cinquième côte ! Refusez absolument d'écouter le médisant, quand bien même la chose lui pèse tellement qu'il faut absolument qu'il parle, à ce qu'il dit. Elle te pèse, pauvre fou ! Ton secret te tourmente, comme si tu avais les douleurs de l'enfantement ? Va donc t'en décharger, selon la méthode prescrite par le Seigneur. « Va premièrement, et reprends ton frère entre toi et lui seul ». Ensuite, s'il le faut, « prends avec toi encore une ou deux personnes », des amis communs, et dis-lui devant eux ce que tu as à lui dire ; et si ces deux démarches ne produisent aucun effet, alors « dis-le à l'Eglise ». Mais, si tu ne veux perdre ton âme, n'en parle à personne d'autre, soit avant, soit après avoir fait ces démarches, sauf dans le cas unique où cela serait indispensable pour sauver un innocent ; et pourquoi, en te déchargeant, en chargerais-tu un autre, en le faisant participer à ton péché ?

                     Oh ! combien je voudrais que vous tous qui portez l'opprobre de Christ et qu'on appelle par dérision méthodistes, vous donnassiez, au moins sur ce point-là, un bon exemple au monde chrétien ou soi-disant tel ! Mettez donc de côté les médisances, les rapports, les insinuations ; que rien de pareil ne sorte de vos bouches ! Veillez à « ne médire de personne », , à ne dire que du bien des absents. S'il faut que vous portiez, bon gré mal gré, quelque signe distinctif comme méthodistes, que ce soit là votre marque particulière : « Ce sont des gens qui ne blâment pas par derrière ; on les connaît à ce trait ». Quels bienheureux effets ce renoncement à nous-mêmes ne produirait-il pas en nos âmes sans tarder ? Notre paix coulerait « comme un fleuve, (Esaïe 48 : 18) » si nous recherchions « la paix avec tout le monde (Hébreux 12 : 14)  ». Et comme l'amour de Dieu abonderait en nous si nous manifestions ainsi notre amour pour nos frères ! Quel effet bienfaisant cela produirait sur tous ceux qui s'unissent au nom du Seigneur Jésus ! Combien l'amour fraternel n'augmenterait-il pas, dès que cet obstacle formidable aurait disparu ! Tous les membres du corps spirituel de Jésus-Christ auraient alors l'un pour l'autre une sollicitude instinctive. « Lorsqu'un des membres souffre, dit saint Paul, tous les autres membres souffrent avec lui ; lorsqu'un des membres est honoré, tous en ont de la joie (1 Corinthiens 12 : 26)  ». Il en serait ainsi, et chacun aimerait son frère « d'un cœur pur, avec une grande affection ( 1 Pierre 1 : 22)  ». Mais ce n'est point tout. Quelle impression cela ne produirait-il pas, sans doute, sur le monde dissipé et insouciant ? Comme il reconnaîtrait vite en nous ce trait qui est inconnu dans ses rangs, et s'écrierait (comme Julien l'Apostat devant ses courtisans païens) : « Voyez comme ces chrétiens s'entr'aiment ! » Dieu se servirait de ce moyen, plus que de tout autre, pour convaincre le monde et préparer les hommes pour son ciel, ainsi que nous l'apprennent ces paroles remarquables de la dernière prière de notre Seigneur, prière si solennelle : « Je prie aussi pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous ne soient qu'un, comme toi, ô Père, tu es en moi et moi en toi, et afin que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé ! (Jean 3 : 18) » Oh ! que le Seigneur hâte ce temps béni ! Que le Seigneur nous apprenne à nous entr'aimer, « non pas seulement de paroles et de la langue, mais en effet et en vérité (1 Jean 3 : 18) », à nous entr'aimer « comme Christ nous a aimés ! (Éphésiens 5 : 2) »