jeudi 28 juillet 2016

(13) LES SERMONS DE WESLEY LE CHRÉTIEN DANS LE DÉSERT

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Sermon 46 :  (1760)         LE CHRÉTIEN DANS LE DÉSERT

Jean 16,22

Vous êtes maintenant dans la tristesse ; mais je vous verrai de nouveau et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie. (Jean 16 : 22)

                    Quand Dieu eut accordé au peuple d'Israël une grande délivrance en le tirant de la maison de servitude, ce peuple n'entra pas immédiatement dans le pays que l'Éternel avait promis à ses pères. Les Israélites errèrent dans le désert (Exode 13 : 18), et y furent tentés et affligés de diverses manières. Ainsi, lorsque le Seigneur a délivré ceux qui le craignent de l'esclavage du péché et de Satan, « et qu'ils sont justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ (Romains  3 : 23) », peu d'entre eux cependant entrent aussitôt dans ce repos qui « reste pour le peuple de Dieu (Hébreux 4 : 9)  ». La plupart errent, plus ou moins, hors du bon chemin où l’Éternel les avait introduits. Ils passent, pour ainsi dire, « par un pays désert et par un lieu hideux, où l'on n'entend que hurlements de désolation » et là ils sont tentés et tourmenté de diverses manières. C'est cet état que quelques personnes ont appelé, par allusion à l'histoire des Israélites, le désert. Il est bien certain que les âmes qui sont dans cet état ont droit à nos plus vives sympathies. Elles souffrent d'un mal funeste et cruel, mais qui n'est pas généralement compris, ce qui fait, qu'elles ont encore plus de peine à en trouver le remède. Étant elles-mêmes comme dans des ténèbres, on ne peut guère s'attendre à ce qu'elles comprennent la maladie dont elles sont atteintes. Et bien peu de leurs frères, peut-être même de leurs conducteurs, connaissent la nature de ce mal ou le moyen de le guérir. Raison de plus pour que nous examinions : D'abord, quelle est la nature de ce mal ; en second lieu, quelle en est la cause ; en troisième lieu, quel en est le remède.

I

                    Tout d'abord, quelle est la nature de cette maladie qui attaque tant d'âmes après qu'elles ont cru ? En quoi consiste-t-elle réellement, et quels en sont les vrais symptômes ? Ce mal consiste principalement en ce que ces personnes ont perdu la foi que Dieu avait produite dans leur cœur. Ceux qui sont dans le désert n'ont plus en eux comme auparavant cette démonstration divine, cette conviction satisfaisante des choses qu'on ne voit point (Hébreux 11 : 1). Ils n'ont plus cette manifestation intérieure de l'Esprit qui les rendait tous capables de dire : « Si je vis encore dans ce corps mortel, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est donné pour moi (Galates 2 : 20)  ». La lumière d'en haut ne vient plus « briller dans leurs cœurs (2Corinthiens 4 : 6) ; » ils ne « voient : plus celui qui est invisible (Hébreux 11 : 27) ; » les ténèbres s'étendent de nouveau sur la face de. leur âme, et l'aveuglement sur les yeux de leur esprit. Le Saint-Esprit ne vient plus « rendre témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu (Romains 8 : 16) ; » il n'est plus pour eux cet « Esprit d'adoption par lequel ils criaient (intérieurement) : Abba, Père (Romains 8 : 15) » Ils ne possèdent plus une ferme confiance en son amour, et la liberté de s'approcher de lui avec une sainte hardiesse. Leur cœur ne dit plus : « Voilà, quand il me tuerait, je ne laisserais pas d'espérer en lui (Job 13 : 15) ; » ils sont privés de leur force ; ils sont devenus faibles et timides comme les autres hommes (Allusion à Samson Juges 16 : 17).

                    De cette perte de la foi provient ensuite la perte de l'amour qui doit nécessairement croître ou diminuer en même temps que la foi véritable et vivante, et dans les mêmes proportions. Aussi, tous ceux chez qui la foi disparaît, voient aussi disparaître leur amour pour Dieu. Alors ils ne peuvent plus dire : « Seigneur ; tu connais toutes choses ; tu sais que je t'aime (Jean 21 : 17)  ». Ils ne trouvent plus en Dieu cette félicité dont jouit celui qui l'aime. Ils ne prennent point leur plaisir en lui comme autrefois, et ne sentent point « l'odeur de son parfum (Jean 12 : 3)  ». Naguère, « c'était, vers son nom et vers son souvenir que tendait le désir de leur âme (Esaïe 26 : 8) ; » mais aujourd'hui leurs désirs sont refroidis et amortis, sinon tout à fait éteints. Leur amour pour Dieu s'étant attiédi, leur amour pour le prochain à eu le même sort. On ne trouve plus chez eux ce zèle pour les âmes, qui faisait qu'ils désiraient ardemment les voir sauvées, ni ce besoin vif, pressant et, agissant de les amener à se réconcilier avec Dieu. Ils ne sentent plus en eux ces « entrailles de miséricorde » (Colossiens 3 : 12) pour les brebis perdues, cette tendre « compassion pour ceux qui pèchent par ignorance et par erreur (Hébreux 5 : 2)  ». Autrefois, ils « témoignaient une parfaite douceur envers tous les hommes (Tite 3 : 2) ; » ils instruisaient avec bonté ceux qui étaient opposés à la vérité et « si quelqu'un venait à tomber dans quelque faute, ils le redressaient avec un esprit de douceur (Galates 6 : 1) » Mais, après un intervalle qui a duré peut-être bien des jours, la colère commence à reprendre son empire ; la mauvaise humeur et l'impatience les attaquent vigoureusement pour les faire tomber ; et c'est beaucoup s'ils n'en viennent pas à « rendre mal pour mal et injure pour injure (1Pierre 3 : 9)  ».

                    Par suite de cette perte de la foi et de l'amour, il y a aussi une troisième perte : celle de la joie inspirée par le Saint-Esprit. Car si nous n'avons plus le sentiment, de notre pardon, avec l'amour qui en résulte, nous ne saurions conserver la joie qui en résulte aussi. Si l'Esprit ne témoigne pas à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu, c'en est fait de la joie que nous procurait ce témoignage intime. De même, chez ceux qui « se réjouissaient d'une joie ineffable (1Pierre 1 : 8) », « dans l'espérance de la gloire de Dieu (Romains 5 : 2) », une fois que cesse cette espérance pleine d'immortalité, il y a privation de la joie qui s'y attachait, comme aussi de la joie que leur donnait la possession de « l'amour de Dieu répandu dans le cœur (Romains 5 : 5)  ». La cause n'existant plus, l'effet ne se produit pas ; la source étant fermée, les eaux vives n'en jaillissent plus pour rafraîchir l'âme.

                    A ces pertes de la foi, de l'amour, de la joie, vient s'en ajouter une quatrième, celle de la paix qui surpasse toute intelligence. Ce doux calme de l'esprit, cette sérénité de l'âme ont disparu. Les doutes pénibles reviennent : nous nous demandons si jamais nous avons cru, peut-être même si jamais nous aurons la foi. Nous nous mettons à douter d'avoir éprouvé dans nos cœurs le témoignage réel du Saint-Esprit ; il nous semble que, nous nous sommes fait illusion, et que nous avons pris la voix de la nature pour celle de Dieu, et nous allons craindre de ne plus entendre la voix du Seigneur, de ne plus trouver grâce devant lui. Ces doutes font renaître en nous la crainte servile, la crainte qui est accompagnée de peine. Nous craignons la colère de Dieu, tout comme avant d'avoir cru ; nous craignons d'être rejetés loin de sa présence ; aussi retombons-nous dans cette crainte de la mort dont nous avions été entièrement affranchis.

                    Ce n'est pas tout ; car la privation de paix amène une privation de force. Nous savons que quiconque possède la paix avec Dieu par Jésus-Christ, possède la force de vaincre tout péché. Mais dès qu'on perd la paix du Seigneur, on perd aussi cet ascendant sur le péché. Tant qu'il y eut paix, il y eut aussi force, même vis-à-vis du péché qui nous enveloppe aisément ; que ce soit d'ailleurs un péché qui résulte de notre naturel, de notre tempérament, de notre éducation ou de notre position on avait même l'ascendant sur des dispositions coupables et des désirs mauvais, que l'on n'avait pu vaincre avant cela. Alors le péché ne dominait pas sur l'âme ; mais maintenant, c'est l'âme qui ne domine pas sur le péché. Le chrétien lutte bien encore ; mais il ne peut vaincre ; la couronne est tombée de son front. Ses ennemis triomphent de nouveau de lui, et plus ou moins ils le réduisent en esclavage. « La gloire est transportée » (1Sa 3 : 21) loin de lui ; le royaume de Dieu n'est plus dans son cœur. Il est dépouillé de sa justice, comme de sa paix et, de sa joie venant du Saint Esprit.

II

                    Telle est la nature de cet état d'âme que l'on a appelé assez justement le désert. Mais on s'en rendra compte mieux encore en examinant, en second lieu quelles en sont les causes. Il y en a de diverses espèces. Je n'ose pas mettre parmi ces causes une volonté de Dieu purement souveraine et arbitraire. Non ! Dieu « veut la paix de son serviteur (Psaume 35 : 27) » et « ce n'est pas volontiers qu'il afflige et qu'il contriste les fils des hommes (Lamentations 3 : 33)  ». Sa volonté invariable, c'est notre sanctification, ayant pour conséquences « la paix et la joie par le Saint-Esprit (Romains 14 : 17)  ». Ce sont là ses dons généreux, et il nous est déclaré que « les dons de Dieu sont irrévocables (Romains 11 : 29) Il ne se repent jamais de nous les avoir accordés ; il n'a jamais la pensée de nous les reprendre. Ce n'est donc jamais lui qui nous déserte, comme disent quelques-uns : c'est toujours nous qui le désertons (Allusion au titre même de ce discours).

                    La cause la plus ordinaire de ces ténèbres intérieures, c'est le péché sous une forme ou sous une autre. C'est généralement lui qui amène ce qui souvent ressemble à une complication de péché et de misère. Ce peut être, d'abord, une faute commise : cela suffit fréquemment pour plonger aussitôt l'âme dans l'obscurité, surtout si ce péché a été commis en connaissance de cause, volontairement, « par fierté (Psaume 19 : 14)  ». Si, par exemple, une personne qui « marche à la clarté de la face de Dieu (Psaume 59 : 16) », se laissait aller à commettre un seul acte d'intempérance ou d'impureté, il ne serait pas étonnant qu'elle se trouvât instantanément plongée dans de profondes ténèbres. Il y a eu, sans doute, quelques cas, d'ailleurs bien rares, dans lesquels le Seigneur n'a pas permis que cela arrivât et l'a empêché en déployant, presque au même instant, sa miséricorde et son pardon d'une façon tout à fait extraordinaire. Mais, en général, un tel abus de la bonté de Dieu, une insulte aussi faite à son amour, amènent aussitôt un sentiment de séparation d'avec Dieu et « des ténèbres qu'on pourrait toucher avec la main (Exode 10 : 21.)  ».

                    Il faut espérer que ce cas-là ne se présente pas souvent, et qu'il n'y a pas beaucoup d'hommes qui méprisent tellement les richesses de la bonté de Dieu, que de se révolter contre lui sans transition et sans ménagements, au moment, même où ils marchent dans sa clarté. Cette clarté, on la perd bien plus fréquemment par le moyen des péchés d'omission. Ceux-ci, à la vérité, n'éteignent pas l'Esprit immédiatement, mais ils le font par degrés et lentement. Les autres, c'est comme de l'eau qu'on jette sur le feu ; ceux-ci, c'est comme si on refusait au feu l'aliment combustible. L'Esprit d'amour nous reprend pour nos négligences, et il le fait bien des fois avant de nous abandonner à nous-mêmes. Que d'avertissements intérieurs, que d'appels secrets il nous adresse avant de nous retirer les bienfaits de son action sur nous ! Il faut donc toute une suite de péchés d'omission dans lesquels on persévère volontairement, pour attirer sur l'âme ces ténèbres épaisses.

                    Aucun, peut-être, de ces péchés d'omission n'aboutit plus fréquemment à ce triste état, que la négligence du devoir de la prière en secret, négligence qui ne peut, être compensée par l'assiduité à d'autres moyens de grâce. Il est plus que certain que la vie de Dieu ne peut subsister, encore moins grandir, dans notre âme, si nous ne recherchons pas les occasions de nous mettre en communion avec Dieu et de répandre notre cœur en sa présence. Si donc nous négligeons cela et si nous laissons les affaires, la société ou d'autres occupations prendre la place de ces exercices spirituels du cabinet, ou bien nous porter à expédier ces devoirs religieux le plus lestement possible et sans réfléchir à rien, ce qui a le même effet que si on les supprimait, oh ! alors, la vie de Dieu doit nécessairement baisser dans l'âme. Et si ces négligences se répètent et se prolongent, cette vie s'éteindra graduellement.

                    Un autre péché d'omission qui souvent amène l'âme, du croyant à cet état d'obscurité, c'est la négligence du devoir qui, sous la dispensation judaïque, avait été enjoint de cette façon si formelle « Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur. Tu reprendras avec soin ton prochain, et tu ne souffriras point de péché en lui (Lévitique 19 : 17) ». Car, si nous haïssons notre frère dans notre cœur, et si, quand nous lui voyons commettre une faute, nous ne le reprenons pas, mais souffrons le péché en lui, cette conduite attirera bientôt la maigreur sur notre propre âme, attendu que par là nous participerons à son péché, En négligeant de reprendre notre prochain, nous prenons sa faute à notre compte, et nous aurons à en répondre devant Dieu. Nous l'avons vu en danger et nous ne l'avons pas averti ; s'il vient à « mourir dans son iniquité », Dieu pourra justement «redemander son sang de notre main (Ézéchiel 3 : 18) ». Est-il donc surprenant que, si nous attristons ainsi son Esprit, nous soyons privés de la clarté de sa face ?

                    Une troisième cause peut nous en priver. C'est quand nous cédons à quelque péché intérieur. Par exemple, nous savons que « quiconque est hautain de cœur est en abomination devant l'Éternel (Proverbe 16 : 5) », lors même que cet orgueil ne se montrerait pas dans sa conduite extérieure. Mais combien il est facile, pour une âme qui était pleine de paix et de joie, de tomber dans ce piège du diable ! Comme il est naturel de se croire plus de grâce, plus de sagesse ou plus de force qu'on n'en a, et d'avoir ainsi « de soi-même une plus haute opinion qu'on ne doit ! (Romains 12 : 3) » Comme il est naturel de « se glorifier de quelque chose qu'on a reçu, comme si l'on ne l'avait. pas reçu ! (1Corinthiens 4 : 7) » Mais puisque, de tout temps, « Dieu résiste aux orgueilleux, et fait grâce aux humbles (Jacques 4 : 6) » seulement, une pareille attitude ne peut manquer d'obscurcir, sinon d'éteindre, la, clarté qui brillait dans l'âme.

                    Les mêmes effets pourront se produire si l'on cède à la colère, même lorsqu'on y est provoqué par certaines circonstances. même quand cette colère peut se couvrir du nom de zèle pour la vérité ou pour la gloire de Dieu. C'est qu'en réalité tout zèle qui n'est pas allumé par la flamme de l'amour, est « terrestre, animal et diabolique (Jacques 3 : 15)  ». C'est la flamme de la colère : c'est pure colère, colère coupable ni plus ni moins. Et rien n'est plus contraire à l'amour divin si doux, si bienveillant ! Ces deux sentiments ne peuvent exister en même temps dans un cœur ; cela ne s'est jamais vu. A mesure que la colère domine quelqu'un, l'amour et la joie du Saint-Esprit diminuent proportionnellement chez lui. Cela se voit surtout là où il y a brouille, je veux dire lorsque nous sommes irrités contre quelqu'un de nos frères, de ceux qui tiennent à nous par des liens sociaux ou par des attaches religieuses. Si nous cédons à cet esprit de brouille, ne fût-ce que pendant une heure, nous perdrons la douce communion du Saint-Esprit ; et ainsi, au lieu d'améliorer les autres, nous nous nuirons à nous-mêmes et nous serons la proie du premier qui nous attaquera.

                     Mais si nous nous tenons en garde contre ce piège du diable, il se peut qu'il nous attaque d'un autre côté. Quand la violence et la colère sommeillent et que l'amour seul veille dans l'âme, elle peut se trouver en aussi grand danger par la passion qui, elle aussi, tend à nous plonger dans les ténèbres. C'est là, en effet, « la conséquence infaillible de tout désir insensé, de toute affection folle on déréglée. Si nous nous affectionnons aux choses de la terre, à qui que ce soit ou à quoi qui-ce soit d'ici-bas ; si nous désirons quelque autre chose que Dieu et que ce qui nous ramène à Dieu ; si nous cherchons le bonheur dans une créature, Dieu qui est jaloux contestera certainement avec nous, car il ne souffre point de rival. Et si nous ne voulons pas écouter sa voix qui nous avertit, et revenir à lui de tout notre cœur, si nous continuons à l'affliger par nos idoles et à courir après les dieux étrangers, nous serons bientôt dans un état de froideur, d'aridité et de sécheresse ; le dieu de ce monde aveuglera notre cœur et l'obscurcira.

                     Il réussit d'ailleurs souvent à le faire sans même que nous ayons cédé à quelque péché proprement dit. Il suffit, pour qu'il prenne le dessus, que nous négligions de « rallumer le don de Dieu qui nous a été communiqué (2Timothée 1 : 6) », que nous ne persévérions pas sans cesse à « nous efforcer d'entrer par la porte étroite (Luc 13 : 24) », que nous cessions de lutter ardemment pour la victoire et de « forcer et ravir le royaume des cieux (Matthieu 11 : 12) » Il n'y a qu'à ne plus combattre, et nous sommes certains d'être vaincus. Il n'y a qu'à être insouciant ou découragé, paresseux ou indolent, et bientôt les ténèbres naturelles nous envahiront de nouveau et rempliront notre âme. Il suffit donc de se laisser aller à la négligence spirituelle pour que notre âme soit positivement obscurcie ; ce péché nous dérobera la clarté divine, tout aussi sûrement, bien que plus lentement peut-être, qu'un meurtre ou un adultère.

                   Mais il faut bien considérer ceci, que la cause de cet obscurcissement, quelle qu'elle soit, péché de commission ou péché d'omission, péché intérieur ou péché extérieur, n'est pas toujours dans le voisinage immédiat de ses tristes effets. Il arrivera parfois qu'un intervalle considérable séparera la faute le ses conséquences. Elle peut avoir été commise plusieurs jours, plusieurs semaines auparavant. Et si Dieu nous retire aujourd'hui sa clarté et sa paix, à cause de ce qui s'est passé il y a si longtemps, ce n'est pas, comme on pourrait le croire à première vue, une preuve de sévérité de sa part, mais plutôt une preuve de sa patience et de sa tendre miséricorde. Il a attendu tout ce temps pour voir si nous sentirions, reconnaîtrions et redresserions ce qui, en nous, était défectueux ; et si nous ne le faisons pas, il finit par nous manifester son déplaisir afin de nous amener encore, si possible, à la repentance.

                    Une autre des causes principales de cet assombrissement de notre âme, c'est l'ignorance, qui, d'ailleurs, affecte diverses formes. Si un homme ne connaît pas les Écritures et s'imagine qu'il y a, dans l'Ancien Testament ou dans le Nouveau, des passages qui enseignent que tous les croyants sans exception doivent, de temps à autre, passer par cette obscurité, cette ignorance amènera tout naturellement chez lui cette obscurité à laquelle il s'attend. Et combien ce cas est fréquent parmi nous ! Combien peu de chrétiens ont des vues justes à cet égard ! Ce n'est pas étonnant pourtant ; car on leur a appris qu'il fallait s'attendre à cela ; leurs conducteurs spirituels les y ont encouragés. Et ce ne sont pas seulement les écrivains mystiques de l’Église romaine, ce sont aussi beaucoup des plus spirituels et des plus pratiques de la nôtre (à part quelques uns du siècle dernier) (Le dix-septième siècle.), qui présentent cet enseignement avec une entière assurance, comme une des doctrines les plus claires et les plus certaines de la Bible, et citent quantité de textes à l'appui.

                    Cet obscurcissement provient aussi fréquemment de ce qu'on ne comprend pas la manière dont Dieu opère dans l'âme. Les chrétiens se figurent (sur la foi des écrivains de l’Église romaine en particulier, qui ont été suivis sans examen suffisant par beaucoup de protestants), qu'ils ne peuvent pas toujours marcher dans une foi lumineuse ; que c'est là un état inférieur ; qu'à mesure qu'ils grandissent, ils doivent renoncer aux grâces sensibles, et vivre par la foi toute nue. Et elle sera nue, en effet, si on la dépouille de l'amour, de la paix et de la joie du Saint-Esprit ! Ils croient qu'un état de lumière et de joie est bon sans doute, mais qu'un état d'obscurité et de sécheresse spirituelles vaut encore mieux ; que c'est ainsi seulement que nous pouvons être purifiés de l'orgueil, de l'amour du monde et d'un amour-propre déréglé ; et que, conséquemment, nous ne devons ni espérer ni désirer de marcher toujours dans la lumière. C'est pour cela (bien que d'autres causes concourent aussi à ce résultat) que la plupart : des gens pieux dans l’Église romaine passent leur vie dans l'obscurité et le trouble, et que, s'ils sont parfois réjouis par la lumière divine, ils s'en voient, bientôt privés.

                    Une troisième cause générale d'obscurcissement spirituel se trouve dans les tentations. Au début, lorsque le flambeau du Seigneur vient briller sur notre sentier, il arrive souvent que la tentation s'enfuit et que nous en sommes entièrement exempts. Tout est tranquille en nous, et peut-être au dehors ; Dieu a contraint nos ennemis à nous laisser, en paix. Il semble tout naturel alors de nous figurer que nous n'aurons plus de combats. On a vu des cas où ce calme durait, non pas seulement quelques semaines, mais des mois et des années. D'ordinaire les choses se passent autrement, et avant longtemps les vents soufflent, la pluie tombe et tes torrents débordent tout de nouveau. Ceux qui ne connaissent ni le Fils ni le Père et qui, conséquemment, haïssent les enfants de Dieu, manifestent cette haine de diverses façons, dès que le Seigneur relâche tant soit peu le frein qu'il a mis à leur bouche. « Mais, comme autrefois celui qui était né selon la chair persécutait celui qui était né selon l'Esprit, il en est de même maintenant (Galates 4 : 29) ; » les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le péché qui reste encore dans le cœur recommence à s'agiter ; la colère et beaucoup d'autres « racines d'amertume » Hébreux 12 : 15) tendent à « pousser en haut ». Satan ne manquera pas de saisir ce moment pour lancer ses traits enflammés, et notre âme aura à combattre non seulement contre le monde, non seulement « contre la chair et le sang, mais contre les principautés ; contre les puissances, contre les princes des ténèbres de ce siècle, contre les esprits malins qui sont dans les airs (Éphésiens  6 : 12) » Et quand des assauts si divers se produisent simultanément, quand peut-être ils se déchaînent avec une fureur inouïe, il n'est pas surprenant qu'un homme encore faible dans la foi se trouve l'âme oppressée et même obscurcie dans ces circonstances, surtout s'il ne veillait pas à ce moment-là, si ces assauts surviennent à l'heure où il ne s'y attendait pas. où il n'attendait rien de pareil, croyant ou du moins espérant que les jours mauvais ne reviendraient plus.

                    La puissance des tentations qui viennent du dedans sera considérablement accrue, si nous avions auparavant une plus haute opinion de nous-mêmes que nous n'aurions dû, jusqu'à nous croire purifiés de tout péché. Et combien nous sommes portés à le croire, pendant que nous ressentons l'ardeur du premier amour ! Comme nous sommes disposés alors à penser due Dieu a « accompli en nous puissamment... l'œuvre de la foi » (2Thessaloniciens 1 : 11) tout entière, qu'il n'y a plus de péché en nous puisque nous n'y en sentons plus, et enfin que notre âme appartient complètement à l'amour divin ! L'attaque impétueuse d'un ennemi, que l'on croyait non seulement vaincu, mais mort, ne peut guère manquer d'accabler lourdement notre âme, et même parfois de la plonger dans d'épaisses ténèbres, surtout si nous raisonnons avec cet ennemi, au lieu de crier immédiatement à Dieu et de nous jeter, avec une foi enfantine, dans les bras de celui qui « saura délivrer les siens de l'épreuve» (2Pierre 2 : 19)   
IIl

                    Telles étant les causes habituelles de cet obscurcissement qui s'empare de nouveau de l'âme, il nous reste à chercher quel en peut être le remède.

                     Ce serait une erreur grave et même fatale que de supposer qu'un seul et même traitement peut convenir à tous les cas. Cette idée est pourtant fort répandue, même parmi beaucoup de chrétiens qui passent pour être expérimentés, qui ont peut-être la prétention d'être des docteurs en Israël et de servir de guides aux autres. En conséquence, ces hommes ne connaissent et n'emploient qu'un seul remède, quelle que soit la cause de la maladie. Ils se mettent aussitôt à faire une application des promesses de Dieu, à « prêcher la bonne nouvelle », comme ils disent. Consoler, voilà tout, ce qu'ils se proposent ; et, pour y arriver, ils disent toutes sortes de choses tendres et douces sur l'amour de Dieu pour les pauvres pécheurs perdus, sur l'efficacité du sang de Jésus-Christ. C'est bien là du charlatanisme, et de la pire espèce ; car s'il n'a pas pour effet de ruiner le corps humain, il pourrait bien, si le Seigneur n'intervenait dans sa grande miséricorde, « perdre l'âme et le corps dans la géhenne (Mat 10 : 28)  ». Il est malaisé de trouver des termes suffisants pour faire bonne justice de ces gens qui « enduisent de mortier mal lié (Ézéchiel 13 : 10) », de ces marchands de promesses. Ils méritent bien le surnom qu'on a donné à d'autres mal à propos, celui de comédiens religieux. Ce sont eux qui « tiennent pour une chose profane le sang de l'alliance (Hébreux 10 : 29)  ». C'est une vraie prostitution des promesses de Dieu que de les appliquer ainsi sans distinction au premier venu. Le traitement. des maux spirituels ne doit-il pas varier selon les causes de ces maux, tout comme lorsqu'il s'agit des maladies du corps ? La première chose à faire, c'est de découvrir la cause ; cela même fera trouver le remède.

                   Demandez-vous donc : « Cette obscurité me vient-elle du péché, et de quel péché ? Est-ce d'un péché visible que j'ai commis ? » Demandez-vous si votre conscience ne vous accuse pas de commettre habituellement quelque péché, par lequel vous contristez le Saint Esprit. Serait -ce pour cette raison qu'il s'est retiré de vous et qu'avec lui ont disparu votre joie et votre paix ? Et comment pourriez-vous les retrouver sans jeter loin de vous l'interdit ? « Que le méchant délaisse sa voie (Esaïe 55 : 7). « Pécheurs, nettoyez vos mains (Jas 4 : 8)  ». « Ôtez de devant mes yeux la malice de vos actions (Esaïe1 : 16)  ». Alors « ta lumière se lèvera dans les ténèbres (Esaïe 58 : 10) ; » l’Éternel se retournera vers vous et il vous pardonnera « abondamment (Esaïe 55 : 7)  ».

                    Si, après vous être examiné consciencieusement, vous ne pouvez pas découvrir de péché par vous commis, qui soit cause de l'obscurité dans laquelle votre âme s'est trouvée plongée, il convient, que vous recherchiez alors si ce ne serait pas quelque péché d'omission qui a mis séparation entre Dieu et vous. Serait-ce que vous avez « souffert du péché en votre prochain ? (Lévitique 19 : 17) » Reprenez-vous ceux qui pèchent devant vous ? Suivez-vous toutes les ordonnances du Seigneur ? êtes-vous assidu au culte ? pratiquez-vous la prière en famille et en particulier ? Si vous ne le faites pas, si vous négligez habituellement un de ces devoirs bien connus ; comment oseriez-vous espérer que le Seigneur continuera à faire luire sur vous la clarté de sa face ? « Affermis le reste » (Apocalypse 3 : 2) au plus tôt, et ton âme vivra. « Si vous entendez aujourd'hui sa voix (Hébreux 3 : 7) », et si vous l'écoutez, il suppléera lui-même par sa grâce à votre insuffisance. Quand vous entendez cette voix derrière vous qui dit : « C'est ici le chemin ; marchez-y (Esaïe 30 : 2) », n'endurcissez point votre cœur ; « ne résistez point à la vision céleste (Actes 26 : 19)  ». Aussi longtemps que le péché, que ce soit une faute commise ou bien un devoir omis, n'aura pas été enlevé, toutes les consolations qu'on pourrait vous donner seraient vaines et trompeuses. Ce serait comme cette peau qui se referme sur une plaie tandis qu'au dessous l'abcès continue à se former et à s'étendre. N'attendez aucune paix. intérieure avant d'avoir fait votre paix avec Dieu ; et vous ne pouvez la faire sans porter « des fruits convenables à la repentance (Matthieu 3 : 8)  ».

                     Mais peut-être ne trouvez-vous pas même chez vous un péché d'omission qui ait pu ainsi troubler votre paix et votre joie émanant du Saint-Esprit. Serait-ce alors quelque péché secret qui, semblable à une « racine d'amertume » , pousse en haut et infecte votre cœur ? Cet état de sécheresse et de stérilité, dans lequel est votre âme, ne provient-il pas de ce que votre mauvais cœur « vous a fait abandonner le Dieu vivant ? (Hébreux 3 : 12) » « Le pied de l'orgueil » (Psaume 36 : 12 d'après la version anglaise) ne s'est il pas avancé contre vous ? N'avez-vous pas eu de vous-même « une plus haute opinion que vous ne deviez ? (Romains 12 : 3) » N' avez-vous point, pour telle ou telle chose, « sacrifié à votre filet et encensé à vos rets ? (Habacuc 1 : 16). N'avez-vous pas attribué votre succès dans quelque entreprise à votre courage, à votre force, à votre sagesse ? Ne vous êtes-vous pas glorifié de quelque chose que vous aviez reçu, « comme si vous ne l'aviez pas reçu ? (1Corinthiens 4 : 7) » Ne vous êtes vous pas glorifié « en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ (Galates 6 : 14)  ». N'avez-vous ni recherché ni désiré l'honneur qui vient des hommes ? N'y avez-vous pas pris plaisir ? S'il en était ainsi, vous savez ce qu'il vous faut faire. Si c'est l'orgueil qui a occasionné votre chute, « humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous élève quand il en sera temps (1Pierre 5 : 6). N'auriez-vous pas contraint le Seigneur â s'éloigner de vous, en vous livrant à la colère ? Ne vous êtes-vous point « irrité à cause des impies », et, n'avez-vous pas été « jaloux de ceux qui s'adonnent à la perversité ? (Psaume 37 : 1) » Ne vous êtes-vous point emporté contre quelqu'un de vos frères, à cause de quelque péché réel ou imaginaire que vous avez vu en lui, mais vu, de telle façon qu'à votre tour vous avez péché contre la sainte loi de l'amour en fermant votre cœur à ce frère ? Dans ce cas, regardez au Seigneur pour qu'il renouvelle vos forces et afin que toute cette dureté et cette froideur disparaissent, afin que l'amour, la paix et la joie vous reviennent du même coup et que vous puissiez toujours être « bons les uns pour les autres, pleins de compassion, vous pardonnant mutuellement, comme Dieu vous a aussi pardonnés par Christ. (Eph 4 : 32)  ». Serait-ce que vous vous êtes laissé aller à quelque désir insensé, à quelque affection déplacée ou excessive ? S'il en est ainsi, l'amour de Dieu ne saurait habiter dans votre cœur, à moins celle vous n'en bannissiez vos idoles. « Ne vous abusez point ; on ne se joue pas de Dieu (Galates 6 : 7) » il n'habitera point dans un cœur partagé. Aussi longtemps que vous demeurerez attaché à Délila, l'Éternel ne saurait posséder votre âme. Vainement vous espéreriez retrouver sa clarté, si vous n'arrachez pas « l’œil droit » pour le jeter loin de vous. Oh ! ne tardez pas davantage, et criez à lui pour qu'il vous donne la force de le faire ! Reconnaissez avec tristesse votre incapacité, votre impuissance ; et, soutenus par son secours. entrez par la porte étroite et emportez d'assaut le royaume des cieux ! Expulsez toute idole du sanctuaire de l'Éternel, et bientôt sa gloire apparaîtra !

                    Peut-être est-ce précisément parce que vous ne vous efforcez pas, parce que vous êtes tombé dans l'indolence spirituelle, que votre âme est pleine d'obscurité. Vous habitez le pays en sécurité ; point de guerre dans vos parages ; aussi êtes-vous tranquille et sans souci. Vous suivez la routine des devoirs extérieurs, et vous vous en tenez là. Peut-on s'étonner alors que votre âme soit morte ? Oh ! secouez-la et la réveillez sous le regard du Seigneur ! Levez-vous et secouez la poussière de dessus vous ; luttez avec Dieu pour remporter sa puissante bénédiction ; répandez votre âme devant lui par la prière, et ne manquez pas d'y persévérer. Veiller ! sortez de votre sommeil, et n'y retombez plus, sans quoi vous n'avez, devant vous que la perspective de perdre toujours plus la lumière et la vie de Dieu.

                    Mais si, après un examen complet et sincère de vous-même, il est évident pour vous que vous n'êtes pas actuellement asservi à l'indolence spirituelle et que vous ne commettez pas tel ou tel autre péché intérieur ou extérieur, alors vous devez passer en revue le passé. Réfléchissez aux dispositions, aux paroles, aux actions qui ont marqué ce temps. Ont-elles été bonnes devant le Seigneur ? « Entre dans ton cabinet (Esaïe 26 : 20) », « pense en toi-même sur ton lit, et demeure en repos (Psaume 4 : 5)  ». Demandez à Dieu de sonder le fond de votre cœur, et de vous rappeler tout ce qui a pu dans le passé « irriter les yeux de sa gloire (Esaïe 3 : 8)  ». Si votre âme demeure entachée de la responsabilité de quelque péché dont vous ne vous êtes pas repenti, vous ne pouvez manquer d'être dans l'obscurité spirituelle jusqu'au jour où, ayant été « renouvelé à la repentance (Hébreux 6 : 6) », vous aurez été de nouveau lavé par la foi dans « la source ouverte pour le péché et pour la souillure (Zacharie 13 : 1)  ».

                    Le traitement de votre cas devra être tout différent si la cause de votre mal se trouve être, non pas le péché, mais l'ignorance. Peut-être est-ce l'ignorance du sens des Écritures, ignorance provenant de celle des interprètes de la parole de Dieu, qui peuvent être fort instruits, fort savants à d'autres égards, mais dans l'ignorance sur un point particulier. S'il en est ainsi, il faut commencer par dissiper cette ignorance, afin de dissiper l'obscurité dont elle est cause. Il faudra donc que nous découvrions quel est le sens véritable des textes bibliques qui ont été mal compris. Il n'entre pas dans mon intention d'examiner ici tous les passages de nos saints livres qui ont été associés à la question qui nous occupe ; mais je dois en indiquer deux ou trois qu'on allègue souvent pour prouver que, tôt ou tard, tous les croyants ont à passer par l'obscurité.

                    On cite entre autres Esaïe 50 : 10 : « Qui est celui d'entre vous qui craint l'Éternel et qui écoute la voix de son serviteur ? Que celui qui marche dans les ténèbres, et qui n'a point de lumière, ait sa confiance au nom de l’Éternel, et qu'il s'appuie sur son Dieu. Mais rien, pas plus dans le contexte que dans le texte, ne prouve qu'il s'agit ici d'un individu qui possédait antérieurement la lumière du Seigneur. Car il suffit d'être convaincu de péché pour « craindre l'Éternel et écouter la voix de son serviteur ». Et on pourrait donner à une personne qui est dans cet état, et bien que son âme soit encore dans les ténèbres et n'ait jamais vu la clarté de la face du Seigneur, le conseil de mettre sa confiance au nom de l'Éternel et de s'appuyer sur son Dieu », Ce passage ne saurait donc aucunement servir à prouver que celui qui croit en Jésus-Christ est appelé à marcher de temps à autre dans l'obscurité.

                     On a cru trouver aussi cette doctrine dans Osée 2 : 14 : « C'est pourquoi, voici, je l'attirerai, après que je l'aurai fait aller dans le désert, et je lui parlerai selon son cœur ». On a voulu conclure de ce passage que Dieu conduira tous les croyants « dans le désert », dans un état d'anéantissement et d'obscurité. Mais il est bien certain qu'il n'y a rien de pareil dans ce texte ; il n'y est, pas question d'une certaine classe de croyants, mais du peuple juif en particulier, et peut-être exclusivement. Et si l'on voulait absolument l'appliquer à des cas individuels, voici comment il faudrait entendre ce passage : « Je l'attirerai par mon amour ; ensuite, je le convaincrai de son péché, et finalement je le consolerai par ma miséricorde et mon pardon ».

                    Un troisième texte, sur lequel on a fondé cet enseignement, est, celui qui est, inscrit, en tête de ce discours : « Vous êtes maintenant dans la tristesse ; mais je vous verrai de nouveau, et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie (Jean 16 : 22) » On s'est imaginé que Dieu s'éloignait, au bout d'un certain temps, de tous ceux qui ont cru, et qu'il fallait qu'ils passassent par cette tristesse pour posséder cette joie que personne ne pourra leur ravir. Mais le contexte tout entier nous montre que Jésus s'adresse ici uniquement à ses apôtres et qu'il fait allusion à des événements particuliers, sa mort et sa résurrection. « Dans peu de temps vous ne me verrez plus », (Jean 16 : 16) leur dit-il, c'est-à-dire pendant que je serai dans le tombeau ; « et, un peu de temps après, vous me reverrez », quand je serai ressuscité. « En vérité, en vérité je vous dis que vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira ; vous serez dans la tristesse ; mais votre tristesse sera changée en joie (Jean 16 : 20)  ». « Vous êtes maintenant dans la tristesse », parce que je ais vous manquer comme conducteur ; « mais je vous verrai de nouveau », après ma résurrection, « et votre cœur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie », celle que je vous donnerai. Nous savons que tout cela s'est accompli à la lettre dans le cas des apôtres. Mais il n'y a pas lieu de tirer de là des conséquences relativement aux dispensations de Dieu à l'égard des croyants en général.

                      Pour ne pas aller plus loin, nous nous bornerons à rappeler un quatrième passage, qu'on cite fréquemment à l'appui de la doctrine que nous examinons ; c'est 1Pierre 4 : 12 : « Mes bien-aimés, ne trouvez point étrange, si vous êtes comme dans une fournaise pour être éprouvés ». Mais ce texte est tout aussi étranger à la question que le précédent. En voici la traduction littérale : « Bien-aimés, ne vous étonnez pas du feu, qui est parmi vous et qui est pour votre épreuve ». En admettant qu'on puisse appliquer ces paroles, par voie d'extension, à des épreuves intérieures, il n'en reste pas moins vrai qu'elles ont dû se rapporter d'abord au martyre et aux souffrances qui l'accompagnaient. Ce passage ne peut donc servir à prouver le point dont il s'agit ici. Et nous pouvons bien mettre au défi qui que ce soit de trouver, soit dans l'Ancien Testament, soit, dans le Nouveau Testament, un seul texte qui soit plus probant que celui-ci à l'égard de la doctrine que nous combattons.

                    - « Mais, nous dira-t-on, cette obscurité n'est-elle pas plus salutaire que la lumière elle même ? L'œuvre de Dieu ne s'accomplit elle pas plus rapidement et plus sûrement dans l'âme quand celle-ci passe par des souffrances intimes ? Le croyant n'est-il pas purifié par la douleur bien plus promptement, bien plus efficacement que par la joie ? L'angoisse et le tourment, la détresse, le martyre spirituel, ne font ils pas plus de bien qu'une paix continuelle ? » - C'est là, en effet ce qu'enseignent les auteurs mystiques ; mais si tel est le langage de leurs écrits, tel n'est pas celui des oracles divins, Nulle part, la Bible n'enseigne que c'est par le moyen de son absence que Dieu avance le plus son œuvre dans un cœur. C'est au contraire par sa présence et par une communion bien franche avec le Père et le Fils ; un sentiment très vif de cette présence et de cette communion feront plus, dans une heure, que l'absence du Seigneur n'accomplirait en un siècle. La joie que donne le Saint-Esprit purifiera le cœur bien mieux que la privation de cette joie ; la paix de Dieu est le moyen le plus sûr de débarrasser l'âme de la crasse et de l'écume des affections terrestres. Loin de nous donc cette invention étrange, que le royaume de Dieu est divisé contre lui-même, que la paix de Dieu et la joie que procure le Saint-Esprit sont incompatible avec la justice, et que nous sommes sauvés, non par la foi et l'espérance, mais par l'incrédulité et le désespoir !

                      Aussi longtemps qu'on croira à de pareilles rêveries, on peut s'attendre à marcher dans les ténèbres. L'effet ne cessera de se produire que lorsque la cause disparaîtra. Et pourtant, ne nous figurons pas que l'effet va disparaître aussitôt que la cause aura été supprimée. Quand l'ignorance ou le péché ont amené cette obscurité dans l'âme, il peut arriver qu'ils soient, détruits sans qu'immédiatement la lumière qu'ils avaient éclipsée reparaisse. Elle est essentiellement un don de Dieu, et il l'accordera plus tôt ou plus tard, selon sa volonté. Quand il y a eu péché, il est assez naturel que la lumière d'en haut ne revienne pas tout de suite ; car le péché ayant commencé avant le châtiment, il n'est que juste que celui-ci lui survive. C'est ainsi que, dans le domaine des maux physiques, une blessure ne saurait se guérir tant que le trait y demeure enfoncé, et, d'un autre côté, la plaie n'est pas guérie instantanément quand on en a retiré le projectile ; le mal et la douleur persistent encore longtemps.

                    En dernier lieu, si les ténèbres proviennent de tentations diverses, pénibles et imprévues. le meilleur moyen d'éloigner ces ténèbres et d'en préserver l'âme, c'est d'avertir les croyants qu'ils doivent toujours s'attendre à être tentés, puisqu'ils sont dans un monde mauvais. entourés d'esprits malfaisants, malicieux, rusés, et, que leur cœur lui-même est capable de tout mal. Persuadez-leur que l'œuvre entière de la sanctification ne s'accomplit pas dès le commencement, comme ils se le sont imaginé, mais que, lorsqu'ils sont arrivés à la foi, ils ne sont encore que des enfants nouvellement nés qui doivent s'attendre à rencontrer plus d'une tempête avant de parvenir à la stature parfaite de Christ. Et surtout, avertissez-les que, lorsque l'ouragan fond sur eux, il faut prier, et non raisonner avec Satan ; il faut répandre notre âme en la présence du Seigneur et lui exposer nos difficultés. C'est à ceux-là principalement que nous devons appliquer les grandes et précieuses promesses de Dieu ; ce n'est pas à ceux qui sont encore dans l'ignorance ; car il faut d'abord les tirer de cette ignorance ; encore moins ces promesses sont-elles pour les pécheurs impénitents. Aux âmes croyantes seules nous pourrons annoncer sans réserve et avec affection, les bontés de Dieu notre Sauveur ; nous pourrons auprès d'elles nous étendre ces miséricordes qui sont de tout temps. C'est le cas d'insister sur la fidélité de ce Dieu dont « toute la parole est éprouvée (Proverbe 30 : 5) », sur l'efficacité de ce sang qui fut versé pour nous et qui « nous purifie de tout péché (1Jean 1 : 7)  ». Le Seigneur rendra lui-même témoignage à sa parole et fera sortir ces âmes de leurs ennuis. Il leur dira : « Lève-toi ; sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire de l’Éternel s'est levée sur toi (Esaïe 60 : 1)  ». Et si elles marchent humblement et fidèlement avec Dieu, cette lumière « augmentera son éclat jusqu'à ce que le jour soit en sa perfection (Proverbe 4 : 18)  ».



 

mardi 26 juillet 2016

(12) LES SERMONS DE WESLAY LA NOUVELLE NAISSANCE

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com 

Sermon 45 :           LA NOUVELLE NAISSANCE 
Jean 3,7  (1760)

Il faut que vous naissiez de nouveau (Jean 3:7)

                    Si, parmi les doctrines dont l'ensemble constitue le christianisme, il y en a deux qu'on peut qualifier de fondamentales, ce sont bien celles de la justification et de la nouvelle naissance. La première se rapporte à l'œuvre importante que Dieu accomplit pour nous, en nous pardonnant nos péchés ; la, seconde, à l'œuvre importante que Dieu accomplit en nous, en renouvelant notre nature déchue. Au point de vue chronologique, l'une de ces grâces ne précède point l'autre : au moment même où nous sommes justifiés par la grâce de Dieu, par la rédemption qui est en Jésus, nous naissons de l'Esprit ; mais au point de vue logique, la justification précède la nouvelle naissance. Dans nos conceptions de l'œuvre de Dieu, nous voyons d'abord sa colère apaisée, puis son Esprit à l'œuvre dans nos cœurs.

                    Combien donc il importe que chacun comprenne parfaitement ces doctrines fondamentales ! C'est sous l'influence de cette conviction que beaucoup d'hommes excellents ont écrit, d'une façon très étendue, sur la justification, expliquant point par point tout ce qui s'y rapporte, et développant les portions de l’Écriture Sainte qui en parlent. D'autres, également, ont écrit sur la, nouvelle naissance, et quelques uns d'une façon assez volumineuse, mais pas aussi clairement qu'on eût pu le désirer, ni avec assez de profondeur et de précision ; leur manière de la décrire a été tantôt obscure et trop abstraite, tantôt vague et trop superficielle. Il semble donc qu'un exposé, complet et net à la fois, de la nouvelle naissance soit encore à faire, exposé qui résoudrait d'une façon satisfaisante ces trois questions :

1° Quel est le point de départ de cette doctrine ?
2° Quelle est la nature de la nouvelle naissance ?
3° En vue de quoi faut-il que nous naissions de nouveau ? Dans quel but est-ce nécessaire ?

                    Avec l'aide du Seigneur je vais répondre à ces questions aussi brièvement et simplement que possible ; puis j'énumérerai quelques-unes des conséquences qui découleront naturellement du sujet.

I

                     Et d'abord, quel est le point de départ de cette doctrine ? Son point de départ remonte à la création du monde. Dans le récit que la Bible nous donne de ce fait, il est dit : « Puis Dieu (un seul Dieu en trois personnes) dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance... Dieu donc créa l'homme à son image ; il le créa à l'image de Dieu (Genèse 1 : 26,27)  ». Ce ne fut pas seulement à son image naturelle, en faisant de lui une reproduction de l'immortalité divine, un être spirituel doué d'intelligence, d'une volonté libre, d'affections diverses. Ce ne fut pas seulement, si je puis ainsi dire, à son image politique, en le faisant roi de ce bas monde, en lui donnant de « dominer sur les poissons de la mer... et sur toute la terre (Genèse 1 : 26)  ». Mais ce fut principalement à son image morale qui, d'après l'apôtre, consiste « dans une justice et une sainteté véritable (Éphésiens 4 : 24)  ». L'homme fut créé à cette image de Dieu. « Dieu est amour (1Jean 4 : 8,16)  ». Au moment où il fut créé, l'homme était donc plein d'amour : c'était là l'unique source de tous ses sentiments, de toutes ses pensées, de toutes ses paroles, de tous ses actes. Dieu est plein de,justice, de miséricorde et de vérité : l'homme était tel, quand il sortit des mains de son Créateur. Dieu est la pureté même, la pureté sans tache : de même l'homme fut au commencement pur de toute souillure, sans quoi Dieu ne l'eût pas déclaré, en commun avec ses autres œuvres, « très bon (Genèse 1 : 31)  ». Il n'aurait pas été très bon s'il n'eût pas été pur de tout péché, rempli de justice, et de véritable sainteté. Car il n'y a pas de terme moyen : si nous supposons un être intelligent ; qui n'aime pas Dieu et qui n'est ni juste ni saint, nous supposons un être qui, loin d'être « très bon », n'est point bon du tout.

                    Mais, bien que créé à l'image de Dieu, l'homme n'était pas immuable. C'eût été incompatible avec l'état de probation où Dieu trouva bon de le placer. Il fut donc créé avec la faculté de se maintenir debout et avec la possibilité de tomber. Dieu le lui fit comprendre et l'avertit solennellement à ce sujet. Mais l'homme ne persévéra point dans cette position d'honneur : il abandonna sa haute origine. Il mangea du fruit dont Dieu avait dit : « Tu n'en mangeras point (Genèse 2 : 17 ; 3 : 16)  ». Par cet acte de désobéissance volontaire à son Créateur, pair, cette révolte ouverte contre son Maître, il déclarait hautement qu'il ne voulait plus que Dieu régnât sur lui ; qu'il entendait se gouverner d'après sa propre volonté, et non d'après celle du Créateur ; qu'il ne chercherait point sa félicité en Dieu, mais dans le monde et dans l'œuvre de ses mains. Or, Dieu lui avait dit d'avance : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras de mort (Genèse 2 : 17 ; 3 : 16)  ». Et l’Éternel ne peut violer sa parole. Aussi l'homme mourut-il dès ce jour : il mourut à, Dieu, ce qui est bien la plus terrible des morts. Il perdit la vie divine ; il fut séparé de Celui avec qui il devait rester uni pour vivre de la vie spirituelle. Le corps meurt lorsqu'il est séparé de l'âme ; l'âme meurt quand elle est séparée de Dieu. Cette séparation d'avec Dieu, Adam l'éprouva dès le,jour, dès l'heure où il mangea du fruit défendu. On en vit aussitôt chez lui des symptômes certains ; car il ne tarda pas à montrer par sa conduite que l'amour de Dieu était éteint dans son âme, et qu'elle était désormais « éloignée de la vie de Dieu (Éphésiens 4 : 18)  ». Il était maintenant sous l'empire d'une crainte servile, ce qui fit qu'il s'enfuit de devant la face de l’Éternel. Il avait même conservé si peu de connaissance de Celui qui remplit la terre et les cieux qu'il essaya, de « se cacher de devant la face de l’Éternel parmi les arbres du jardin (Genèse 3 : 8)  ». Il avait ainsi perdu à la fois la connaissance de Dieu et l'amour pour Dieu, et sans ces vertus l'image divine ne pouvait subsister en lui. Il la perdit donc du même coup, et devint en même temps pécheur et malheureux. Au lieu de cette image, il n'eut plus que l'orgueil et la volonté charnelle, c'est-à-dire l'image propre de Satan ; il tomba dans les appétits et les convoitises des sens, ce qui constitue l'image des bêtes qui périssent.

                    Mais quelqu'un dira peut-être. « Ce n'est pas cela. La menace : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras de mort », se rapportait à la mort physique, à la mort du corps exclusivement ». Nous répondrons : Affirmer cela, ce serait tout simplement et tout uniquement faire Dieu menteur ; ce serait dire que le Dieu de vérité a affirmé une chose qui n'était pas vraie. Car il est évident qu'Adam ne mourut pas dans ce sens là, de la mort du corps, au jour où il mangea du fruit défendu. Il vécut, de la vie du corps, encore plus de neuf cents ans. On ne saurait donc entendre ces paroles de la mort physique sans révoquer en doute la véracité du Seigneur, et il faut les entendre de la mort spirituelle, qui est la perte de la vie de Dieu, de l'image de Dieu.

                    En Adam tous sont morts, toute l'humanité, tous ceux qui devaient naître de ce premier homme. De ce fait découle une conséquence toute naturelle : c'est que chacun de ses descendants vient au monde mort spirituellement, mort quant à Dieu, absolument mort dans le péché, absolument privé de la vie de Dieu, de l'image de Dieu, de toute cette justice et cette sainteté que reçut Adam quand il fut créé. Et au lieu de cela, tout homme naît avec l'image de Satan, l'orgueil et la volonté charnelle, et même avec l'image de la brute, consistant en appétits et désirs sensuels. Tel est le point de départ de la nouvelle naissance : c'est l'entière dépravation de notre nature. Il suit de là qu'étant nés dans le péché, nous devons naître de nouveau ; que tout homme né de femme doit naître de l'Esprit de Dieu.

II

                    Mais comment faut-il qu'un homme naisse de nouveau ? Quelle est la nature de la nouvelle naissance ? Telle est la question qui est devant nous. Elle est de la plus haute importance. Nous devons étudier ce grave sujet, non à la légère, mais avec la plus sérieuse attention, et le méditer intérieurement jusqu'à ce que nous comprenions parfaitement ce point essentiel, et sachions bien comment nous pouvons naître de nouveau.

                    Cela ne veut pas dire qu'il nous faille attendre un compte rendu minutieux et raisonné de la manière dont ces choses s'accomplissent. Notre Seigneur nous met suffisamment en garde contre une attente de ce genre, dans les paroles qui suivent immédiatement notre texte. Dans ces paroles, il rappelle à Nicodème un fait naturel des plus incontestables, et qui pourtant ne saurait être entièrement expliqué par le plus grand savant qu'il y ait sous le soleil. « Le vent souffle où il veut  » ; ce n'est ni ta puissance ni ta sagesse qui le font souffler ; « et tu en entends le bruit », de telle sorte que tu sais, à n'en pas douter, qu'il souffle ; « mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va  » ; personne ne peut dire exactement comment il commence et comment il finit, comment il s'élève et comment il tombe. « Il en est de même de tout homme qui est né de l'Esprit (Jean 3 : 8)  ». Tu peux avoir de ce dernier fait une certitude aussi absolue que du premier ; mais ni toi, ni même le plus sage de tous les enfants ales hommes, ne pouvez expliquer exactement comment il s'accomplit, comment le Saint-Esprit l'opère dans une âme.

                    Tout ce qu'on peut désirer, à un point de vue rationnel et chrétien, c'est que, sans s'arrêter à des recherches curieuses et minutieuses, nous décrivions simplement et bibliquement la nature de la nouvelle naissance. Cela suffira pour satisfaire tout homme raisonnable qui n'a d'autre désir que de sauver son âme. Cette expression : « naître de nouveau », ce ne fut pas notre Seigneur qui l'employa le premier, dans son entretien avec Nicodème. On la connaissait parfaitement avant ce temps-là, et les Juifs s'en servaient couramment à l'époque où Jésus parut au milieu d'eux. Quand un païen adulte était convaincu que la religion juive venait de Dieu, et qu'il désirait l'embrasser, il était d'usage de commencer par le baptiser, avant de l'admettre à la circoncision. Et quand il était baptisé, on disait qu'il était né de nouveau, ce qui voulait dire que cet homme, d'enfant du diable qu'il était auparavant, devenait par adoption membre de la famille de Dieu, était mis au nombre de ses enfants. Notre Seigneur employa donc, dans son entretien avec Nicodème, un terme que lui, « docteur en Israël » (Jean 3 : 10), aurait dû comprendre sans peine ; mais Jésus l'employa dans un sens plus élevé que celui qui était familier à Nicodème. C'est sans doute pour cela qu'il dit : « Comment ces choses se peuvent-elles faire ? (Jean 3 : 9) » Elles ne peuvent se faire à la lettre : un homme ne peut pas « rentrer dans le sein de sa mère et naître une seconde fois (Jean 3 : 4) ; » mais elles peuvent se faire spirituellement : un homme peut naître d'en haut, de Dieu, de l'Esprit, et d'une façon qui, à bien des égards, rappelle la naissance physique.

                    Avant que l'enfant soit entré dans le monde, il a des yeux, mais il ne voit pas ; il a des oreilles, mais il n'entend pas. Tous ses sens sont très limités dans leur exercice. Il ne connaît aucun des objets de ce monde ; il n'a point d'intelligence. On n'appelle pas même du nom de Vie le genre d'existence qui lui est propre à ce moment-là. C'est seulement lorsqu'un homme est né, que nous disons de lui qu'il commence à vivre. Dès qu'il est né, il commence à voir la lumière, et les objets divers qui l'environnent. Ses oreilles s'ouvrent, et il perçoit les sons qui viennent successivement les frapper. Ses autres organes entrent aussi en activité, chacun dans la direction qui lui est propre. Il respire, il vit d'une façon toute différente de son état antérieur. Combien, dans tous ces détails, les deux cas sont parallèles ! Tant qu'un homme demeure dans son état naturel, tant qu'il n'est pas né de Dieu, il a, spirituellement parlant, des yeux qui ne voient point : un voile épais, impénétrable, les recouvre ; il a des oreilles, mais n'entend point ; il est absolument sourd à tout ce qu'il aurait le plus besoin d'entendre. Tous ses organes spirituels sont comme emprisonnés ; il est comme s'il ne les possédait pas. 

                  Aussi n'a-t-il aucune connaissance de Dieu, aucun rapport avec lui ; il ne le connaît aucunement. Il ne sait véritablement rien des choses de Dieu, rien des choses spirituelles, rien des choses éternelles ; il peut donc être vivant comme homme, mais, comme chrétien, il est mort. Dès qu'il est né de Dieu, tout cela change, et change du tout au tout. « Les yeux de son esprit sont ouverts (Éphésiens 1 : 18) ; » tel est le langage du grand apôtre ; et « Dieu qui a dit que la lumière sortit des ténèbres, éclairant son cœur, il voit la lumière de la gloire de Dieu sur le visage de Jésus-Christ (2 Corinthiens 4 : 6 d'après la version anglaise) », la lumière de son glorieux amour. Ses oreilles s'ouvrent, et désormais il peut entendre la voix de Dieu lui dire intérieurement : « Prends courage, tes péchés te sont pardonnés (Matthieu 9 : 2) ; va-t'en, et ne pèche plus à, l'avenir (Jean 8 : 11)  ». C'est là le sens de ce que Dieu dit à son cœur, bien que peut-être ce ne soit pas en ces propres termes. Il est maintenant en état d'entendre ce que « Celui qui enseigne la science aux hommes (Psaume 94 : 10) » voudra bien lui révéler jour après jour. 

                    Pour employer le langage de notre Église (L’Église anglicane), « il ressent en son cœur la puissante opération de l'Esprit de Dieu  » ; mais non pas d'une façon matérielle et charnelle, comme les gens du monde, dans leur stupidité volontaire, interprètent faussement cette expression, bien que nous leur ayons dit et répété que par là, nous voulons dire simplement que le chrétien sent ces choses, qu'il a conscience au dedans de lui des grâces que l'Esprit de Dieu communique à son âme. Il éprouve, il sent en lui une « paix qui surpasse toute intelligence (Philippiens 4 : 7)  ». Souvent il goûte en Dieu « une joie ineffable et glorieuse (1Pierre 1 : 8)  ». Il sent « l'amour de Dieu qui est répandu dans son cœur par le Saint-Esprit qui lui a été donné (Romains 5 : 5)  ». Tous ses sens spirituels entrent en exercice pour discerner le bien spirituel d'avec le mal. En les exerçant il croît de jour en jour dans la connaissance de Dieu, de Jésus-Christ qu'Il a envoyé et de tout ce qui se rapporte au royaume de Dieu qui est au dedans de nous. Maintenant on peut dire avec raison qu'il vit ; car, Dieu l'ayant vivifié par son Esprit, il est « vivant pour Dieu par Jésus-Christ (Romains 6 : 11)  ». il vit d'une vie que le monde ne connaît point, d'une « vie cachée avec Christ en Dieu (Colossiens 3 : 3)  ». Dieu souffle, en quelque sorte, continuellement sur cette âme, et cette âme ne respire que pour Dieu. La grâce descend dans ce cœur, et de ce cœur montent vers le ciel la prière et la louange ; et par cette communication entre Dieu et l'homme ; par cette communion avec le Père et le Fils, comme par une sorte de respiration spirituelle, la vie de Dieu s'entretient dans l'âme, et l'enfant de Dieu grandit jusqu'à ce qu'il parvienne « à la mesure de la stature parfaite de Christ (Éphésiens 4 : 13)  ».

                    Ce que nous venons de dire montre clairement quelle est la nature de la nouvelle naissance. C'est ce grand changement que Dieu opère dans une âme quand Il la fait entrer dans la vie, quand Il la ressuscite de la mort du péché à la vie de la justice. C'est la transformation accomplie dans l'âme toute entière par le tout-puissant Esprit de Dieu quand elle est de nouveau « créée en Jésus-Christ (Éphésien 2 : 10) », « créée à l'image de Dieu, dans une justice et une sainteté véritable (Éphésiens 4 : 24) ; » quand en elle l'amour de Dieu remplace l'amour du monde, l'humilité remplace l'orgueil, la douceur remplace la colère ; quand, au lieu de haine, d'envie ; de malice, il n'y a plus qu'amour sincère, tendre, désintéressé pour l'humanité toute entière. En un mot, c'est ce changement par lequel les dispositions terrestres, sensuelles et diaboliques font place aux « sentiments que Jésus-Christ a eus (Philippiens 2 : 5) ». 

                    Telle est la nature de la nouvelle naissance ; « il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit (Jean 3 : 8)  ».

IlI

                    Toute personne qui a fait attention à ces choses, doit voir sans peine la nécessité de la nouvelle naissance, et pouvoir répondre à la troisième question qui est : En vue de quoi et dans quel but faut-il que nous naissions de nouveau ? Il est bien évident, tout d'abord, que cela est nécessaire pour que nous soyons saints. Car qu'est-ce que la sainteté, d'après les oracles divins ? Ce n'est pas tout simplement une religion extérieure, une routine de devoirs matériels, quel qu'en soit le nombre, quel que soit le soin avec lequel on les accomplit. Non ! la sainteté évangélique, c'est l'image de Dieu imprimée dans l'âme ; ce sont les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus ; ce sont toutes les affections et toutes les dispositions célestes confondues de manière à n'en faire plus qu'une. La sainteté ne va point sans un amour constant et reconnaissant pour Celui qui, à cause de nous, n'a point épargné son Fils, son unique, sans un amour tel qu'il nous devient facile et comme indispensable d'aimer tous nos semblables ; car, avec cet amour nous recevons « des entrailles de miséricorde, de, bonté, de douceur de patience (Colossiens 3 : 12)  ». Et cet amour de Dieu nous enseigne aussi à être irréprochables dans toute notre conduite, à offrir à Dieu nos corps et nos âmes, tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons, toutes nos pensées, toutes nos paroles, toutes nos actions, en sacrifice perpétuel, agréable par Jésus-Christ. Mais cette sainteté ne saurait exister en nous tant que nous n'avons pas été renouvelés dans notre esprit et dans notre entendement. Elle ne peut commencer dans l'âme avant que ce changement n'ait été opéré, avant que la puissance du Très-Haut ne nous ait couverts et qu'ainsi nous ne soyons « passés des ténèbres dans la lumière, de la puissance de Satan à Dieu (Actes 26 : 18) », c'est-à-dire avant que nous ne soyons nés de nouveau. La nouvelle naissance est donc absolument nécessaire pour que nous devenions saints.

                     Or, « sans la sanctification (ou sainteté) personne ne verra le Seigneur (Hébreux 12 : 14) », ne verra sa face dans la gloire. Par conséquent, il faut absolument naître de nouveau pour être sauvé éternellement. Le cœur de l'homme est si désespérément mauvais, si rusé, qu'il y a des gens qui se persuadent qu'on peut vivre dans ses péchés jusqu'à la fin et après tout aller vivre auprès de Dieu. Il y en a des milliers qui croient avoir trouvé en réalité un chemin large qui ne mène pas à la perdition. « Que peut risquer, vous diront-ils, une femme si bonne, si vertueuse ? Comment craindre qu'un homme si honnête, d'une moralité, si parfaite n'aille pas tout droit au ciel ? surtout si, avec toutes ces qualités, ils ont assidus au culte et reçoivent les sacrements ? » Un autre vous dira avec le plus grand sérieux : « Comment donc ? est-ce que je ne m'en tirerai pas tout aussi bien que mes voisins ? » Oui, tout aussi bien que vos voisins sans piété et qui meurent dans leurs péchés. Car tous ensemble vous tomberez dans le gouffre, au plus profond de l'enfer ! Tous vous serez gisants « dans l'étang ardent de feu et de soufre (Apocalypse 19 : 20)  ». Alors vous verrez (mais Dieu fasse que vous le voyiez auparavant !) qu'il faut être saint pour avoir part à la gloire ; qu'il faut conséquemment naître de nouveau, puisque sans la nouvelle naissance il n'y a pas de sainteté possible.

                    De même, sans la nouvelle naissance personne ne peut être heureux, même dans ce monde. Car il est dans la nature des choses qu'un homme ne puisse être heureux s'il n'est saint. Un pauvre païen, un poète ne nous dit-il pas lui-même : « Nemo malus felix ; nul méchant n'est heureux ». Cela se comprend. Toutes les dispositions mauvaises sont des dispositions qui troublent l'âme. Ce n'est pas seulement la malice, la haine, l'envie, la jalousie, la vengeance qui allument dès ici-bas un enfer dans notre sein. Des passions moins violentes que celles-là, si on ne les contient pas dans de justes limites, donnent elles-mêmes mille fois plus de tourment que de plaisir. L'espoir lui-même, s'il est différé, comme cela arrive souvent, « fait languir le cœur (Proverbes 13 : 12)  ». Tout ce qu'on désire qui n'est pas selon la volonté de. Dieu ; risque de nous causer bien des chagrins qui nous transperceront. Les grandes sources du péché, l'orgueil, la volonté charnelle, l'idolâtrie sont aussi, dans la mesure ; où ces péchés ont le dessus en nous, des sources de malheur. Aussi longtemps que ces péchés règnent dans une âme, le bonheur n'y saurait être. Et ils y régneront jusqu'à ce que la perte de notre nature ait été changée, jusqu'à ce que nous soyons nés de nouveau. La nouvelle naissance est donc absolument nécessaire pour être heureux dans ce monde, tout autant que pour l'être dans le monde à venir.

IV

                    Je me suis proposé, en dernier lieu d'énumérer quelques-unes des conséquences qui découlent naturellement de ce qui précède.

                    Tout d'abord, il en résulte cette conclusion que le baptême n'est pas la nouvelle naissance : ces deux choses sont distinctes. Bien des gens paraissent croire qu'elles ne font qu'un ; ils en parlent, du moins, comme s'ils le croyaient ; mais je ne sache pas qu'il y ait aucune dénomination chrétienne qui professe ouvertement cette opinion. A coup sûr, il n'y en a pas dans ce royaume (La Grande-Bretagne), que ce soit dans l’Église établie (L’Église anglicane), ou parmi les dissidents. Le sentiment de ces derniers est nettement exprimé dans leur Grand Catéchisme — Demande : Combien de parties y a-t-il dans un sacrement ? — Réponse : Il y en a deux : la première est un signe extérieur et sensible ; la seconde, une grâce intérieure et spirituelle, représentée par ce signe. « Demande : Qu'est-ce que le baptême ? — Réponse : Le baptême est un sacrement dans lequel Jésus-Christ a institué le lavage avec de l'eau comme signe et sceau de la régénération par son Esprit ». Il est évident que dans ces paroles le signe, qui est le baptême, est présenté comme distinct de la chose qu'il signifie et qui est la régénération.


                    De même, dans le catéchisme de l’Église anglicane, la pensée de notre Église est exprimée avec la plus grande clarté : « Demande : Qu'entends-tu par ce mot sacrement ? — Réponse : J'entends le signe extérieur et visible d'une grâce intérieure et spirituelle. Demande : Quelle est la partie extérieure ou forme du baptême ? — Réponse : C'est l'eau avec laquelle la personne est baptisée, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. — Demande : Quelle est la partie intérieure du baptême ou la chose signifiée
- Réponse : C'est la mort au péché et la nouvelle naissance pour la justice ». Il est donc, bien évident que, selon l'Église anglicane, le baptême n'est pas la nouvelle naissance.

                    L'explication de ce cas est d'ailleurs, si simple, si claire, qu'il est inutile de recourir à d'autres preuves. Car on voit sans peine qu'il y a là, en effet, deux opérations, l'une extérieure, l'autre intérieure, l'une visible et l'autre invisible, par conséquent tout à fait distinctes l'une de l'autre, car l'une est un acte de l'homme ; acte qui nettoie le corps ; l'autre est un changement accompli par Dieu dans l'âme. Ainsi la première est tout aussi distincte de la seconde que l'âme l'est du corps, que l'eau l'est du Saint Esprit.

                    Ce qui précède nous apprend, en second lieu, que, la nouvelle naissance ne se confondant pas avec le baptême, il arrive qu'elle n'accompagne pas toujours le baptême : ces deux choses ne vont pas invariablement ensemble. Un homme peut naître d'eau sans naître de l'Esprit. Il peut y avoir le signe extérieur quand il n'y a pas la grâce intérieure.

                    Une troisième conclusion à tirer de ce que nous avons dit, c'est que la nouvelle naissance n'est pas la sanctification. C'est pourtant la manière de voir de bien des gens, par exemple de l'éminent auteur de l'essai sur la nature et les bases de la régénération chrétienne,. Laissant de côté diverses objections sérieuses qu'on pourrait formuler contre cet écrit, en voici une qui est bien fondée : c'est que, d'un bout à l'autre, il parle de la régénération comme d'une œuvre graduelle qui se poursuit lentement dans l'âme à partir du moment où nous nous tournons vers Dieu. Cela est incontestablement vrai de la sanctification ; mais ce n'est pas vrai de la régénération, de la nouvelle naissance. Celle-ci est une partie de la sanctification, mais ce n'en est pas le tout ; c'en est la porte, c'en est l'entrée.

                    C'est quand nous naissons de nouveau que commence notre sanctification, notre sainteté intérieure et extérieure. Dès lors nous devons, par degrés, « croître en toutes choses dans Celui qui est le chef (la tête) (Éphésiens 4 : 15)  ». Cette expression de l'apôtre marque admirablement la différence qui existe entre ces deux expériences ; et de plus elle indique une analogie étroite entre les choses naturelles et les choses spirituelles.

                    L'enfant naît en un instant, ou du moins en peu de temps ; puis il grandit, par degrés et lentement, jusqu'à ce qu'il ait atteint la taille d'homme. De même, l'enfant de Dieu naît en un temps qui est court, peut-être en un moment ; mais ce n'est que par degrés et lentement qu'il grandit et arrive à la mesure de la stature parfaite de Christ. Il y a donc entre notre nouvelle naissance et notre sanctification le même rapport qu'il y a entre notre naissance et notre croissance physiques.

                    Les considérations qui précèdent nous enseignent encore une chose. Mais ce point est si important, qu'il nous sera permis de l'examiner avec la plus grande attention et de consacrer un peu de temps à le développer. Que doit dire un homme qui aime les âmes et s'afflige de ce qu'elles pourraient périr, que doit-il dire à un individu qu'il voit vivre dans la violation du jour du repos, dans l'ivrognerie, ou dans tel autre péché volontaire ? Si ce que nous avons avancé ci-dessus est vrai, peut-il faire autrement que de dire : « Il faut que vous naissiez de nouveau ? » — « Mais non, s'écrie un de ces hommes qui font du zèle, il ne faut pas faire cela. Comment osez-vous parler avec aussi peu de charité à cet homme ? N'a t-il pas été baptisé ? Il ne peut pas maintenant naître de nouveau ». Comment ? il ne peut pas naître de nouveau ? Est-ce bien là ce que vous affirmez : Mais alors il ne peut pas être sauvé. Car fût-il aussi âgé que l'était Nicodème, « s'il ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu (Jean 3 : 3)  ». En disant qu'il ne peut pas naître de nouveau, en réalité vous l'abandonnez à la perdition. Et alors, où est le manque de charité ? est-ce de mon côté ou du vôtre ? Moi, je dis qu'il peut naître de nouveau et devenir ainsi un des héritiers du salut. Vous, vous dites : « Il ne peut naître de nouveau  » ; et dans ce cas il doit inévitablement périr. Vous lui fermez donc complètement le chemin du salut et vous l'envoyez en enfer, le tout par pure charité.

                    Mais peut-être est-ce le pécheur lui-même, auquel nous disons par un amour très sincère : « Il faut que tu naisses de nouveau ! » qui a appris à nous faire la réponse suivante : « Je repousse votre doctrine nouvelle. Je n'ai pas besoin de naître de nouveau. Je suis né de nouveau quand j'ai été baptisé. Voudriez-vous me faire renier mon baptême ? » Je lui répondrai : Tout d'abord, si ce n'était que rien au monde ne peut excuser un mensonge, je dirais à quelqu'un qui vit ouvertement dans le péché : Si vous avez été baptisé, n'en convenez pas ; car vous ne faites ainsi qu'aggraver hautement votre culpabilité, et cela ne fait qu'aggraver votre perdition. Fûtes-vous vraiment consacré à Dieu quand vous n'aviez que huit jours ? Et depuis, pendant tant d'années, vous n'avez fait autre chose que vous consacrer au diable ! Est-il vrai qu'avant que vous eussiez l'usage de la raison, on vous a consacré à Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et que, depuis que la raison vous est venue, vous vous êtes révolté contre Dieu et consacré à Satan ? Est-ce que cette abomination de désolation, l'amour du monde, l'orgueil, la colère, la convoitise, les désirs insensés et tout le cortège des viles inclinations, a été érigée là où elle ne devrait point ? Avez-vous dressé toutes ces idoles maudites dans cette âme qui fut mise à part « pour être la maison de Dieu en esprit (Éphésiens 2 : 22) » , et qui Lui fut consacrée solennellement ? Et vous osez vous glorifier d'avoir appartenu à Dieu ? Oh ! soyez-en honteux, rougissez-en, cachez-vous sous terre ! Ne vous vantez plus jamais d'une chose qui devrait vous remplir de confusion et de honte devant Dieu et devant les hommes.

                    Mais, en second lieu, je vous réponds que vous avez déjà, renié votre baptême, et de la manière la plus positive. Vous l'avez renié mille et mille fois ; vous le reniez encore tous les jours. Toutes les fois que vous cédez au diable et que vous faites quelqu'une de ses œuvres, vous reniez votre baptême. Vous le reniez par tout péché volontaire, par tout acte d'impureté, d'intempérance ou de vengeance, par toute parole obscène ou profane, par tout juron qui sort de votre bouche. Vous reniez votre baptême chaque fois que vous violez le jour du Seigneur ; vous le reniez toutes les fois que vous faites à autrui ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fît.

                    En troisième lieu, je vous réponds que, baptisé ou non, « il faut que vous naissiez de nouveau  » ; sans quoi il est impossible que vous soyez saint intérieurement : et sans la sainteté intérieure et extérieure vous ne sauriez être heureux dans ce monde, et encore moins dans le monde à venir.

                    Direz-vous : « Mais je ne fais tort à personne ; je suis juste et honnête dans les affaires : je ne jure pas, je ne prends pas le nom de Dieu en vain ; je ne viole pas le jour du Seigneur ; je ne suis pas un ivrogne je ne calomnie pas mon prochain ; je ne vis dans aucun péché volontaire ». S'il en est ainsi, il serait à désirer que tout le monde en fît autant que vous : Mais il faut que vous fassiez encore davantage, ou bien vous ne pouvez être sauvé ; il faut que vous naissiez de nouveau !

                    Peut-être ajouterez-vous : « Mais je fais encore davantage, puisque non seulement je ne fais de mal à personne, mais je fais tout le bien que je puis ». Je doute de cela : je crains fort que vous n'avez négligé une multitude d'occasions de faire du bien qui se sont présentées et dont il vous faudra rendre compte à Dieu. Mais eussiez-vous profité de toutes et fait à tous tout le bien en votre pouvoir, cela ne changerait rien à votre situation : il faut encore que vous naissiez de nouveau ! En dehors de cela, rien ne fera du bien à votre pauvre âme coupable et souillée.

                    — « Mais, dites-vous encore, je profite régulièrement de tous les moyens de grâce ; je suis assidu à mon église et aux sacrements ». Vous faites bien ; mais cala ne vous sauvera pas de l'enfer, si vous ne naissez de nouveau ! Vous pouvez aller à l'église deux fois par jour ; vous approcher de la table du Seigneur chaque semaine, répéter en votre particulier tant et plus de prières, écouter tant et plus de sermons excellents, lire tant et plus de bons livres, encore faut-il que vous naissiez de nouveau ! Aucune de ces choses ne peut remplacer pour vous la nouvelle naissance : rien au monde ne saurait vous en tenir lieu. Si donc vous n'avez pas encore éprouvé cette œuvre intime de Dieu, que ce soit ici votre prière continuelle : « Seigneur, ajoute à tes autres bienfaits envers moi celui-ci, que je naisse de nouveau ! Refuse-moi ce que tu voudras ; mais accorde-moi ceci, que je naisse de nouveau. Ôte-moi ce que tu trouveras bon de m'ôter, renommée, biens, amis, santé ; mais donne-moi ceci, de naître de l'Esprit, de devenir enfant de Dieu ! Oh ! que je renaisse, « non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole de Dieu qui vit et qui demeure éternellement (1Pierre 1 : 23) », et que, de jour en jour, je « croisse dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ! (2Pierre 3 : 18) »