jeudi 23 juin 2016

Le dur combat spirituel Charles Spurgeon

Le dur combat spirituel : Vous aurez des tribulations dans le monde; (Jean 16:33)

                    Es-tu en train de te poser la question à ce sujet, croyant? Regarde en haut vers ton père céleste, et contemple-le dans sa pureté, et sa sainteté. Sais-tu qu'un jour tu seras semblable à lui? Seras-tu facilement rendu conforme à son image? Ne nécessiteras-tu pas beaucoup de l'action purificatrice dans la fournaise de l'affliction pour détacher les scories? Sera-t-il une chose facile que de te débarrasser de tes corruptions, et de t'amener à la perfection de même que ton père qui est dans le ciel est parfait? Et ensuite, chrétien tourne ton regard vers la terre, ici-bas. Sais-tu quels ennemis tu as sous tes pieds? Tu étais autrefois un serviteur de Satan, et aucun roi ne perd volontairement ses sujets. Penses-tu que Satan te laissera seul?

                   Non, il veut toujours être chez toi, car il erre comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera. Attends-toi à la détresse, car tu n'en seras pas exempt. Ensuite regarde autour de toi, où es-tu? Tu es dans un pays ennemi; un étranger et un voyageur. Le monde n'est pas ton ami. S'il l'était, alors tu ne serais pas l'ami de Dieu, car celui qui est ami du monde est l'ennemi de Dieu. Sois sûr que tu trouveras partout des adversaires. Quand tu dors penses que tu reposes sur le champ de bataille; quand tu marches crains une embûche dans chaque fourré. Comme il est dit que les moustiques piquent davantage les étrangers que les gens du pays, ainsi les épreuves de la terre seront les plus sévères pour toi. Enfin, regarde en dedans de toi, dans ton propre cœur et observe ce qu'il y a. Le péché et le moi sont encore dedans. Ah! si tu n'avais pas le diable pour te tenter, ni d'ennemis pour te combattre, ni le monde pour te tendre des pièges, tu trouverais encore en toi même assez de méchanceté pour être une douloureuse affliction pour toi, car le cœur est tortueux par-dessus tout et désespérément méchant. Attends-toi à la peine, au chagrin alors, mais ne perd pas courage à cause de cela, car Dieu est avec toi pour te secourir et te fortifier. Il a dit: "je serai avec toi dans la détresse, je te délivrerai et t'honorerai".
- Charles Spurgeon

«Ne vous conformez pas au siècle présent.» (Rom.12:2) 

S’IL EST possible qu’un chrétien soit sauvé alors même qu’il se conforme à ce monde, cela ne pourrait être qu’au travers du feu. Un salut si démuni est tout autant à redouter qu’à désirer. 

Cher lecteur, aimerais-tu quitter ce monde dans les ténèbres d’un misérable lit de mort, et accéder au ciel tel un marin naufragé escaladant les rochers de son pays natal? Alors permets à ce monde de te presser pour te faire entrer dans son moule, et refuse de t’identifier à Christ et de porter Son opprobre.
Mais préfères-tu vivre un paradis ici-bas, aussi bien qu’hériter celui au-dessus de ta tête? Souhaites-tu «connaître l’amour de Christ, qui surpasse toute connaissance»? Veux-tu te voir accorder une libre entrée dans la joie de ton Seigneur? Alors «sors du milieu d’eux, et sépare-toi; ne touche pas à ce qui est impur.»
Si tu désires la pleine assurance de la foi, tu ne pourras l’obtenir tout en communiant avec des pécheurs. Si tu veux brûler d’un ardent amour pour Dieu, sois conscient que le feu de ton affection souffrira de la pluie glacée de la société impie.
Tu ne pourras devenir un grand chrétien, un croyant mature en Jésus-Christ, tant que tu céderas aux maximes d’ici-bas et au mode de vie des gens du monde.
Il est incongru pour un héritier des cieux d’être un grand ami des héritiers de la destruction. Il est mal vu qu’un serviteur soit trop intime avec les ennemis de son Roi.
Même de petites inconséquences sont dangereuses. De petites épines provoquent de grandes plaies, et de petites mites détruisent les habits délicats: de la même manière, de petites frivolités et de petites indiscrétions dépouilleront ton témoignage d’un millier de joies.
Toi qui te dis chrétien, tout en étant pourtant si peu séparé des pécheurs, tu ne sais pas ce que tu perds par ta conformité au monde. Celle-ci tranche les tendons de ta force, et t’oblige à ramper alors que tu devrais courir.
Donc pour ton propre réconfort, et pour le bien de ta croissance dans la grâce, si tu es un chrétien, alors sois bel et bien un chrétien, clairement identifié comme tel.
Charles Haddon Spurgeon (1834-1892)

mardi 21 juin 2016

(13) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, TREIZIÈME DISCOURS WESLEY Matthieu 7,21-27

Numérisation Yves PETRAKIAN Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement Obligation d'indiquer la source http://456-bible.123-bible.com

Sermon 33 :           LE SERMON SUR LA MONTAGNE, TREIZIÈME DISCOURS

Matthieu 7,21-27   (1750)

Ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux.
  
Plusieurs me diront en ce jour-là: Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé par ton nom? n’avons-nous pas chassé des démons par ton nom? et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom? Alors je leur dirai ouvertement: Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité.

C’est pourquoi, quiconque entend ces paroles que je dis et les met en pratique, sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont jetés contre cette maison: elle n’est point tombée, parce qu’elle était fondée sur le roc.
 
Mais quiconque entend ces paroles que je dis, et ne les met pas en pratique, sera semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et ont battu cette maison: elle est tombée, et sa ruine a été grande.

                      Notre divin Maître ayant déclaré tout le conseil de Dieu quant au chemin du salut, et fait remarquer les principaux obstacles que rencontrent ceux qui désirent y marcher, conclut maintenant son discours par ces graves paroles par lesquelles il met, pour ainsi dire, le sceau à sa prophétie, et imprime toute son autorité sur son témoignage, afin qu'il demeure ferme dans tous les siècles.

                     Car, ainsi a dit le Seigneur, afin que jamais personne ne s'imagine qu'il y a une autre voie de salut : « Ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n'entreront pas tous au royaume des cieux ; mais celui-là seulement qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Plusieurs me diront en ce jour-là Seigneur ! Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en ton nom ? Et n'avons-nous pas chassé les démons en ton nom ? Et n'avons-nous pas fait plusieurs miracles en ton nom ? Alors je leur dirai ouvertement : Je ne vous ai jamais connus. Retirez-vous de moi, vous qui faites métier d'iniquité. Quiconque donc entend ces paroles que je dis, et ne les met pas en pratique, sera comparé à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. Et la pluie est tombée, et les torrents se sont débordés, et les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison-là, elle est tombée, et sa ruine a été grande ! »

                     Je me propose dans ce discours : 1° de considérer le cas de celui qui bâtit sa maison sur le sable ; 2° de montrer la sagesse de celui qui bâtit sa maison sur le roc ; et 3° de terminer par une application qui fasse ressortir l'importance pratique des avertissements du Seigneur Jésus.

I

                     Je considère d'abord le cas de celui qui bâtit sa maison sur le sable. C'est pour lui que le Seigneur dit : « Ceux qui me disent Seigneur, Seigneur, n'entreront pas tous au royaume des cieux ». C'est un décret irrévocable et qui demeure pour toujours ferme. Il nous importe donc, au plus haut degré, d'en comprendre entièrement le sens et la force. Eh bien ! Que faut-il entendre par cette expression : « Ceux qui me disent, Seigneur ! Seigneur ? » Elle désigne indubitablement ceux qui pensent aller au ciel par quelque autre chemin que celui qui vient d'être décrit par Jésus. Elle implique donc (pour commencer par le plus bas degré) toute religion en paroles ; — à cela se rapportent tous nos symboles, toutes nos professions de foi, tout ce que nous pouvons dire ou répéter en fait de prières et d'actions de grâces. Nous pouvons bénir le nom de Dieu et déclarer sa bonté aux enfants des hommes ; nous pouvons discourir de ses faits merveilleux, nous entretenir chaque jour de son salut, et comparant entre elles les choses spirituelles, nous pouvons en tirer l'explication des oracles de Dieu. Nous pouvons éclaircir les mystères de son royaume, qui étaient demeurés cachés dès le commencement du monde ; nous pouvons parler la langue des anges plutôt que des hommes, concernant les choses profondes de Dieu ; nous pouvons crier aux pécheurs : « Voilà l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde  » ; que dis-je ? Nous pouvons le faire avec une telle puissance de Dieu, une telle démonstration de son Esprit, que nous sauvions beaucoup d'âmes de la mort, et couvrions une multitude de péchés ; nous pouvons faire tout cela et pourtant n'avoir rien fait de plus que de nous écrier : « Seigneur ! Seigneur ! » Après avoir efficacement prêché aux autres, je puis moi-même n'être qu'un réprouvé. Après avoir, dans la main de Dieu, arraché beaucoup d'âmes à l'enfer, je puis, en fin de compte, y tomber moi-même. Après en avoir conduit plusieurs au royaume des cieux, il se peut que moi-même je n'y entre jamais. Lecteur, si jamais Dieu a béni ma parole pour ton âme, prie-le d'avoir compassion de moi qui suis pécheur !

                     Dire : « Seigneur ! Seigneur ! » peut impliquer, en second lieu, l'innocence dans les actions ; ne pas faire le mal. Nous nous abstenons peut-être de tout acte de présomption, de toute méchanceté extérieure ; nous nous abstenons de tous ces actes, de toutes ces paroles qu'interdit l'Écriture ; nous pouvons dire à tous ceux qui nous entourent. « Qui de vous me convaincra de péché ? » Nous pouvons avoir la conscience nette de toute offense extérieure envers Dieu et envers les hommes, être exempts de toute impureté, de toute impiété, de toute injustice quant au dehors, ou comme l'apôtre le témoigne de lui-même, être, quant à la justice de la loi, « sans reproche ». Mais pour tout cela, nous ne sommes pas justifiés. Ce n'est encore rien de plus que dire, « Seigneur ! Seigneur ! » Et si nous en demeurons là, jamais nous n'entrerons au royaume des cieux.

                      Dire : « Seigneur ! Seigneur ! » peut impliquer, en troisième lieu, plusieurs de ces œuvres qu'on appelle particulièrement « les bonnes œuvres ». Je puis participer à la Cène du Seigneur, entendre force excellents sermons et n'omettre aucune occasion de prendre part aux autres moyens de grâce ordonnés de Dieu ; je puis faire du bien à mon prochain, rompre mon pain aux affamés, vêtir ceux qui sont nus et pousser le zèle jusqu'à donner tout mon bien pour la nourriture des pauvres ; que dis-je ? je puis faire tout cela avec le désir de plaire à Dieu et la ferme persuasion de lui plaire en effet (comme c'était indubitablement le cas pour ceux que Jésus représente ici, lui disant : Seigneur ! Seigneur !), et néanmoins n'avoir aucune part à la gloire qui doit être révélée au dernier jour.

                     Si cette doctrine vous surprend, reconnaissez par là même que vous êtes encore étrangers à la religion de Jésus-Christ ; et, en particulier, au parfait tableau qu'il en a tracé devant nous dans ce discours. Car combien tout cela est peu de chose en comparaison de cette justice et de cette vraie sainteté qu'il y décrit ! Combien c'est loin de ce royaume des cieux qui s'établit dans l'âme croyante ; de cette piété qui, d'abord semée dans le cœur comme un grain de semence de moutarde, pousse bientôt de grandes branches, oh croissent tous les fruits de justice et tout ce qui est bien en fait de sentiments, de paroles et d'actions !

                     Mais, quelque clarté qu'il eût mise dans cette déclaration, quelque soin qu'il eût pris de répéter qu'aucun de ceux qui n'ont point reçu dans leur cœur ce royaume de Dieu, n'entrera dans le ciel, notre Sauveur n'ignorait pas que plusieurs hésiteraient à recevoir cette parole : c'est pourquoi il veut bien encore la confirmer : « Plusieurs », dit-il (non pas un seulement ou quelques-uns, mais) « plusieurs me diront en ce jour-là », non seulement nous avons dit beaucoup de prières, nous avons célébré tes louanges, nous nous sommes abstenus du mal et exercés à bien faire, mais ce qui est beaucoup plus que tout cela, — « n'avons-nous pas prophétisé en ton nom ? n'avons-nous pas chassé les démons en ton nom ? n'avons-nous pas fait plusieurs miracles en ton nom ? » — Nous avons prophétisé, c'est-à-dire nous avons déclaré ta volonté aux hommes ; nous avons montré aux pécheurs le chemin de la paix et de la gloire, et cela en ton nom, c'est-à-dire conformément à la vérité de ton Evangile, et avec ton autorité, ton Saint-Esprit envoyé du ciel confirmant notre prédication. Car en ton nom ou par ton nom, par la puissance de ta Parole et de ton Esprit, nous avons chassé les démons hors des âmes sur lesquelles ils avaient longtemps maintenu leur empire et dont ils avaient une pleine et paisible possession. Par ton nom, par ta puissance et  non par la nôtre, nous avons fait plusieurs miracles, tellement que même les morts revenaient à la vie en entendant, par notre bouche, la voix du Fils de Dieu. « Mais à ceux-là même je dirai ouvertement : Je ne vous ai jamais connus ! » —Non, je ne vous ai jamais connus comme miens, pas même lorsque vous chassiez les démons en mon nom, car votre cœur n'était pas droit devant Dieu. Vous n'étiez pas, quant à vous, doux et humbles, vous n'aviez pas l'amour de Dieu et du prochain, vous n'étiez pas renouvelés à l'image de Dieu, vous n'étiez pas saints comme je suis saint. Retirez-vous de moi, vous qui êtes, malgré tout cela, « des ouvriers d'iniquité  » ; vous qui êtes transgresseurs de ma loi, de ma loi de parfaite sainteté et de parfait amour !

                      C'est pour rendre la chose entièrement évidente et incontestable, que le Seigneur la confirme par cette frappante comparaison : « Quiconque entend ces paroles que je dis, et ne les met pas en pratique, sera comparé à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable, et la pluie est tombée et les torrents se sont débordés, et les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison-là », — comme ils le feront sûrement un jour ou l'autre sur toute âme d'homme : les flots de l'affliction au dehors, ou de la tentation au dedans ; les vents de l'orgueil, de la colère, de la crainte, de la convoitise ; — « et elle est tombée et sa ruine a été grande ! » Telle sera nécessairement la portion de tous ceux qui restent en quelque chose en dessous de cette religion précédemment décrite. Et leur ruine sera d'autant plus grande qu'ils « ont entendu ces paroles et ne les ont pas mises en pratique ».

II

                     Je dois maintenant montrer la sagesse de celui qui les met en pratique, de celui qui bâtit sa maison sur le roc. Il est sage, en vérité, « celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux ». Il est vraiment sage celui dont « la justice surpasse celle des Scribes et des Pharisiens ». Il est « pauvre en esprit », se « connaissant lui-même comme il est connu ». Il voit, il sent combien il est pécheur et coupable, jusqu'à ce qu'il soit lavé par le sang expiatoire. Il sait qu'il est perdu, que la colère de Dieu repose sur lui, et il se sent incapable de rien faire à moins qu'il ne soit rempli « de paix et de joie par le Saint-Esprit ». Il est humble et doux patient envers tous, ne rendant jamais mal pour mal, ni injure pour injure, mais au contraire bénissant, jusqu'à « surmonter le mal par le bien ». Son âme n'a soif sur la terre que du Dieu vivant. Il a pour tous les hommes « des entrailles de miséricorde », et il est prêt à donner sa vie pour ses ennemis. Il aime le Seigneur son Dieu « de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée et de toutes ses forces ». Celui-là seul entrera au royaume des cieux qui, dans cet esprit, fait du bien à tous les hommes, et qui, méprisé et rejeté par cela même, haï, injurié, persécuté des hommes, « se réjouit et tressaille de joie », sachant en qui il a cru et ne doutant pas que « ces légères afflictions du temps présent » ne produisent en lui « le poids éternel d'une gloire infiniment excellente ».

                     Que cet homme est vraiment sage ! Il se connaît lui-même, il sait qu'il est un esprit immortel, issu de Dieu et envoyé ici-bas dans une maison d'argile peur faire, non sa volonté, mais la volonté de Celui qui l'a envoyé. Il sait ce qu'est le monde, — le lieu où il doit passer un petit nombre de jours on d'années, non comme habitant, mais comme un étranger et un voyageur qui se dirige vers les demeures de l'éternité. Et c'est pour cela qu'il « use du monde comme n'en abusant pas », sachant que « la figure de ce monde passe ». Il connaît Dieu comme son père et son ami, l'auteur de tout bien, le Dieu des esprits de toute chair, le seul centre de bonheur pour tous les êtres intelligents. Il voit, plus clairement que par le soleil en plein midi, que le tout de l'homme, c'est de glorifier Celui qui l'a créé pour soi, c'est de l'aimer et de le posséder à jamais. Et il ne voit pas moins clairement que le moyen de parvenir à cette possession de Dieu dans la gloire, c'est de le connaître, de l'aimer, de l'imiter dès maintenant, et de croire en Jésus-Christ qu'il a envoyé.

                     Cet homme est sage, même au jugement de Dieu, car il bâtit sa maison « sur le roc », — sur « le rocher des siècles », sur le Seigneur Jésus-Christ le rocher éternel. Jésus mérite bien ce titre, puisqu'il ne change point, puisqu'il est « le même hier, aujourd'hui et éternellement », suivant qu'il est dit dans ce témoignage d'un homme de Dieu des anciens temps, cité par l'apôtre dans son Epître aux hébreux : « C'est toi, Seigneur, qui as fondé la terre au commencement, et les cieux sont l'ouvrage de tes mains. Ils périront, mais tu subsistes toujours. Ils vieilliront tous comme un vêtement, tu les plieras comme un habit, et ils seront changés. Mais toi tu es toujours le même, et tes années ne finiront point ». Bien sage est donc l'homme qui bâtit sur Lui comme sur son unique fondement, sur son sang et sa justice, sur ce qu'il a fait et souffert pour nous. Il établit sa foi sur cette « pierre du coin », il y repose son âme entière. Enseigné de Dieu, il peut dire : Seigneur, j'ai péché, et je mérite d'être ; jeté aux dernières profondeurs de l'enfer. Mais je suis « justifié gratuitement par ta grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ. Et je vis, non plus moi-même, mais Christ vit en moi ; je vis d'une vie cachée avec Christ en Dieu », et « si je vis encore dans ce corps mortel, je vis par la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est donné lui-même pour moi ». Je vis, même dans la chair, d'une vie d'amour, d'un amour pur pour Dieu et pour les hommes ; d'une vie de sainteté et de bonheur, louant Dieu et faisant toutes choses à sa gloire.

                      Toutefois, qu'il ne se persuade pas qu'il n'aura plus de combats, qu'il est désormais hors des atteintes de la tentation. Dieu veut montrer en lui la réalité de sa grâce. Il sera donc éprouvé « comme l'or dans le feu ». Il sera tenté non moins que ceux « qui ne connaissent point Dieu  » ; peut-être beaucoup plus encore ; car Satan ne manquera pas de cribler à l'excès ceux qu'il ne peut détruire. C'est pourquoi « la pluie tombera » avec force ; seulement ce sera quand et comme il plaira, non pas au « Prince de la puissance de l'air », mais à Celui « dont le règne a la domination sur tout ». « Les torrents se déborderont », ils élèveront leurs vagues avec fureur. Mais ici encore le Seigneur qui a présidé sur le déluge et qui préside comme roi éternellement, dira : « Vous viendrez jusqu'ici et vous ne passerez pas plus avant », et « ici s'arrêtera l'élévation de vos ondes ». « Les vents souffleront et fondront sur cette maison-là », comme pour l'arracher de ses fondements ; mais leurs efforts seront vains ; elle ne tombe point, car elle est fondée sur « le roc ». Cet homme prudent a bâti sur Christ par la foi et l'amour ; il ne sera point ébranlé. « Il ne craindra point, quand même la terre se bouleverserait et que les montagnes se renverseraient au milieu de la mer, et que ses eaux viendraient à bruire, et à se troubler et que les montagnes seraient ébranlées par l'élévation de ses vagues ». Il habite toujours dans « la retraite secrète du souverain  » ; il est en sûreté « à l'ombre du Tout-Puissant ».

III

                    N'est-ce donc pas la grande affaire de tout enfant de Dieu de s'appliquer ces choses à lui-même ? d'examiner avec soin sur quel fondement il bâtit sur le sable ou sur le  rocher ? N'avez-vous- pas le plus profond besoin de vous demander : Quel est le fondement de mon espérance ? Sur quoi fais-je reposer mon attente. d'entrer au royaume des cieux ? N'est-ce. pas sur le sable ? Sur mon orthodoxie. c'est-à-dire, sur la vérité de mes opinions religieuses que par un grossier abus de langage je décore du nom de foi ? Sur ce que j'ai un formulaire de doctrine plus rationnel, peut-être, ou plus scripturaire que celui de tels ou tels ? Hélas, quelle folie ! Certes, c'est bien là bâtir sur le sable, ou mieux encore sur l'écume de la mer ! — Ou bien encore n'ai-je point bâti sur un autre fondement non moins fragile, peut-être sur ce que j'appartiens à une Eglise si excellente, réformée suivant le vrai patron des Écritures, dotée de la plus pure doctrine, de la liturgie, de la discipline la plus ancienne, la plus apostolique ? Ce sont là, indubitablement, tout autant de raisons de bénir Dieu, et ce peuvent être tout autant de moyens de sanctification, mais ce n'est pas la sanctification elle-même, et sans elle, ils ne me profitent de rien, ils me rendent, au contraire, d'autant plus inexcusable, et m'exposent à une condamnation d'autant plus grande. Mon espérance est donc bâtie sur le sable si elle repose sur ce fondement.

                     Vous ne pouvez, vous n'oseriez vous y appuyer. Mais sur quoi bâtirez-vous donc pour votre salut ? Sur votre innocence ? Sur ce que vous ne faites de tort à  personne et ne commettez point de mal ? Bien, j'admets qu'il en soit ainsi : vous êtes justes en toute affaire ; vous êtes un franc honnête homme, vous rendez à chacun ce qui lui est dû, vous ne vous rendez coupable ni de fraude, ni d'extorsion, vous avez de la bonne foi et de la conscience, et l'on ne vous connaît aucun péché. Jusque-là c'est très bien ; mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Vous pouvez avoir toutes ces qualités et n'aller jamais au ciel. Toute cette innocence, si même elle part d'un bon principe, n'est encore que la moindre partie de la religion de Christ. Mais chez vous le principe n'en est pas le droit, en sorte qu'elle n'a rien à faire avec la religion. En bâtissant là-dessus, vous bâtissez donc encore sur le sable.

                      Faites-vous un pas de plus, et à cette innocence ajoutez-vous l'usage des moyens de grâce ordonnés de Dieu ? Participez-vous, en toute occasion, à la Cène du Seigneur ? Priez-vous en public et en particulier ? Jeûnez-vous souvent ? Écoutez-vous, méditez-vous, sondez-vous la sainte Parole ? Ces choses pareillement, étaient, de tout temps, votre devoir. Mais ces choses ne sont encore rien à elles seules. Elles ne sont rien sans « les choses les plus importantes de la loi » que vous oubliez ou dont au moins vous n'avez aucune expérience : « la justice, la miséricorde et la fidélité » l'amour de Dieu, la sainteté de cœur, le ciel commencé dans l'âme. Vous bâtissez donc encore sur le sable.

                     Je vais plus loin : êtes-vous zélé pour les bonnes œuvres ? Faites-vous, selon votre pouvoir, du bien à tous les hommes ? — donnant du pain aux affamés, et des vêtements à ceux qui sont nus, « visitant les orphelins et les veuves dans leurs afflictions ? » Visitez-vous les malades et consolez-vous les prisonniers ? Recueillez-vous les étrangers ? Montez encore plus haut, ami. Prophétisez-vous au nom de Christ ? Prêchez-vous la vérité telle qu'elle est en Jésus ? et votre parole, accompagnée de son Esprit, est-elle puissante à salut et amène-t-elle les pécheurs « des ténèbres à la lumière » et « de la puissance de Satan à Dieu ? Alors, allez et appliquez-vous ce que vous avez si souvent enseigné : « Vous êtes sauvés par grâce, par la foi » — « non par des œuvres de justice que vous ayez faites, mais par sa grande miséricorde ». Apprends à t'appuyer uniquement sur la croix de Christ, dépouillé de tout et comptant tout ce que tu as pu faire pour de l'ordure. Invoque-Le, ni plus ni moins, comme le brigand crucifié, comme la prostituée qui avait sept démons ! Autrement tu bâtis encore sur le sable, et après avoir sauvé les autres, tu perdras ta propre âme.

                    Seigneur ! si je crois, augmente-moi la foi ! sinon, donne-moi la foi, ne serait-ce que comme un grain de semence de moutarde ! Mais « à quoi servirait-il à un homme de dire : J'ai la foi, s'il n'avait pas les œuvres ? Cette foi le pourrait-elle sauver ? » Oh non ! Cette foi qui est sans les œuvres, qui ne produit pas au dedans et au dehors la sainteté, qui n'a point pour effet d'imprimer l'image entière de Dieu, sur le cœur, et de nous rendre purs comme Dieu est pur, cette foi qui n'opère pas, dans son ensemble, la religion décrite dans ces trois chapitres, cette foi n'est pas la foi de l'Evangile, la foi chrétienne, la foi qui conduit à la gloire Oh ! par-dessus tous les autres piéges du diable, gardez-vous de vous reposer sur une foi sans sainteté et sans efficace ! Si c'est là votre appui, vous êtes à jamais perdu ; vous bâtissez encore votre maison sur le sable. La pluie venant à tomber et les torrents à se déborder, elle tombera infailliblement et la ruine en sera grande !

                     Toi donc, maintenant, bâtis sur le rocher ! Par la grâce de Dieu, connais-toi toi-même. Vois et sens que tu as été « formé dans l'iniquité et que ta mère t'a conçu dans le péché » et que tu n'as fait toi-même qu'accumuler péché sur péché dès l'âge où tu as pu « discerner le bien du mal ». Confesse que tu as encouru la peine d'une mort éternelle, et renonce à tout espoir de jamais te sauver toi-même. Que ton seul espoir soit d'être lavé, purifié, par le sang, par l'Esprit, de Celui qui « a lui-même porté tes péchés en son corps sur le bois ». Et si tu peux dire : « Je sais qu'il a lui-même ôté mes péchés », abaisse-toi d'autant plus devant lui, dans le sentiment constant que tu dépends de lui pour toute bonne pensée, toute bonne parole, toute bonne œuvre, et que tu es entièrement incapable de faire aucun bien, à moins qu'il ne t'arrose de moment en moment.

                       Toi donc, pleure sur tes péchés et mène deuil devant Dieu, jusqu'à ce qu'il change en joie ta tristesse. Mais alors même « pleure avec ceux qui pleurent », et pour ceux qui ne pleurent point encore pour eux-mêmes. Mène deuil sur les péchés et les misères des hommes ; et vois, oui là, devant tes yeux, l'océan de l'éternité, immense, sans fond et sans rivages, qui a déjà englouti des milliers, des millions d'hommes, et dont les gouffres ouverts attendent ceux qui restent. encore ! Vois d'un côté « la maison de Dieu éternelle dans les cieux  » ; de l'autre l'enfer et le gouffre sans couverture, et apprends de là le prix de chacun de ces moments qui paraissent et ne sont déjà plus !

                     Toi donc, au sérieux, ajoute la douceur de la sagesse. Tiens en balance toutes les passions, mais particulièrement la colère, la tristesse et la crainte. Accepte avec calme toute dispensation de Dieu. Apprends à être toujours content de la position où tu te trouves.

                      Sois affable avec les bons, doux envers tous les hommes, mais surtout envers les méchants et les ingrats. Garde-toi non seulement des manifestations extérieures de la colère (comme, par exemple, d'appeler ton frère raca ou fou), mais de toute émotion intérieure contraire à l'amour, lors même qu'elle resterait cachée au fond du cœur. Aie de l'indignation contre le péché, comme portant atteinte à la majesté de Dieu, mais aime toujours le pécheur, comme Jésus qui « regarda avec indignation les Pharisiens, étant indigné de l'endurcissement de leurs cœurs ». Il s'affligeait pour les pécheurs ; il était courroucé contre le péché. De la même manière, mets-toi en colère, « mais ne pèche point ».

                      Toi donc aie faim et soif, rien de la nourriture qui périt, mais de celle qui demeure pour la vie éternelle. Foule à tes pieds le monde et les choses du monde, toutes les richesses, tous les honneurs, les plaisirs du temps présent. Qu'est le monde pour toi ? « Laisse les morts ensevelir leurs morts  » ; mais toi poursuis l'image de Dieu. Et si déjà cette soif bénie est dans ton âme, garde-toi de vouloir l'apaiser avec ce qu'on appelle vulgairement religion ; pauvre et stupide comédie, affaire de forme et de vaine apparence qui laisse le cœur aussi terrestre et aussi sensuel que jamais ! Que rien ne puisse te satisfaire, si ce n'est la force de la piété, si ce n'est une religion qui soit « esprit et vie », par laquelle Dieu demeure en toi et tu demeures en Dieu, si ce n'est d'être dès à présent un habitant de l'éternité, d'entrer « par le sang de l'aspersion » au dedans du voile et d'être « assis dans les lieux célestes avec Jésus-Christ ».

                     Toi donc, puisque « tu peux toutes choses par Christ qui te fortifie », sois miséricordieux comme ton Père céleste est miséricordieux ! « Aime ton prochain comme toi-même  » ; aime amis et ennemis comme ta propre âme, et que ta charité soit magnanime et patiente envers tous les hommes. Qu'elle soit bonne, douce, bienveillante, t'inspirant l'amabilité la plus agréable, les plus tendres et les plus vives affections. Qu'elle se réjouisse de la vérité où elle la trouve, de la vérité « qui est selon la piété ». Sois heureux de tout ce qui avance « la gloire de Dieu, la paix et la bonne volonté parmi les hommes ». Couvre tout de ta charité, ne parlant jamais qu'en bien des morts ou des absents ; crois tout ce qui tend à excuser ou à justifier le prochain, espère tout en sa faveur, et supporte tout, triomphant de toute opposition, car la vraie « charité ne périt jamais » dans le temps ou dans l'éternité.

                      Toi donc, aie « le cœur pur », étant purifié par la foi de toute affection qui n'est pas sainte, « de toute souillure de la chair et de l'esprit », et « achevant ta sanctification dans la crainte de Dieu  » ; étant, par la puissance de la grâce, purifié d'orgueil par une profonde pauvreté d'esprit, de colère et de toute passion haineuse ou turbulente par la douceur et par la miséricorde, de tout désir autre que celui de plaire à Dieu et de le posséder, par la faim et la soif de la justice.Toi donc, aime le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ta force !

                     En un mot : que ta religion soit la religion du cœur ! Qu'elle soit enracinée au plus profond de ton âme. Sois petit, bas et vil, au-delà de toute expression à tes propres yeux, et que l'amour de Dieu révélé en Jésus-Christ t'humilie jusque dans la poussière, et te remplisse d'étonnement et d'admiration. Sois sérieux. Que toutes tes pensées, tes paroles et tes actions découlent de la conviction profonde que tu es, ainsi que tous les hommes, sur le bord de l'éternité, prêt à entrer dans la gloire éternelle, ou à tomber dans l'éternelle perdition. Que ton âme soit pleine d'affection, de débonnaireté, de patience, de support envers tous les hommes, et qu'elle ait « soif de Dieu, du Dieu fort et vivant », soupirant après le moment de te « réveiller à sa ressemblance », et d'en être « rassasié ! » Sois l'ami de Dieu et des hommes ; fais et supporte tout dans cet esprit ; « montre » ainsi « ta foi par tes œuvres  » ; fais ainsi « la volonté de ton Père qui est aux cieux  » ; et autant il est vrai que c'est là « marcher avec Dieu » sur la terre, autant il est certain que tu régneras avec lui dans la gloire !



dimanche 19 juin 2016

(12) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, DOUZIÈME DISCOURS Matthieu 7:15-20

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Sermon 32 :           LE SERMON SUR LA MONTAGNE, DOUZIÈME DISCOURS

Matthieu 7,15-20  (1750)

Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs.

Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons?

Tout bon arbre porte de bons fruits, mais le mauvais arbre porte de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits.

Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. C’est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.   (Matthieu 7,15-20)

                    Il est presque impossible d'exprimer ou de concevoir quelle multitude d'âmes ont couru à la perdition pour ne pas vouloir, même en vue du salut, suivre un chemin étroit. Et c'est ce que nous observons encore journellement. Telle est la folie, la démence des hommes, que des milliers d'entre eux continuent à courir dans la voie de l'enfer, par le seul motif que c'est une voie large. Ils y marchent parce que d'autres y marchent. Puisqu'il y en a tant qui périssent, ils veulent grossir le nombre. Telle est sur les pauvres enfants des hommes la surprenante influence de l'exemple ! Elle ne cesse de peupler les régions de la mort et de précipiter d'innombrables multitudes dans la perdition éternelle !

                     Pour avertir les hommes et pour en sauver le plus possible de cette envahissante contagion, Dieu a commandé à ses sentinelles d'élever la voix et de leur montrer le danger où ils sont. C'est pour cela que de siècle en siècle il a envoyé ses serviteurs les prophètes pour indiquer l'étroit sentier et pour exhorter tout homme à ne point se conformer au siècle présent. Mais que sera-ce si les sentinelles mêmes tombent dans le piège qu'elles devraient signaler ? Que sera-ce si les prophètes prophétisent le mensonge et font détourner le peuple du chemin ? S'ils montrent comme chemin de la vie éternelle celui qui conduit en réalité à l'éternelle mort, et s'ils exhortent les gens à marcher, comme ils le font eux-mêmes, dans la voix large et non dans la voie étroite ?

                     Est-ce une chose inouïe ou peu commune ? Hélas, non ! Dieu le sait. Les exemples en sont presque innombrables, et cela dans tous les siècles et chez toute nation. Mais quoi ! les ambassadeurs de Dieu se changer en agents du Diable, ceux qui avaient charge d'enseigner aux hommes le chemin du ciel leur enseigner celui de l'enfer, n'est-ce pas terrible ? Ils sont comme les sauterelles d'Egypte « qui broutèrent tout ce que la grêle avait laissé de reste ». Ils dévorent le petit reste qui avait échappé au mauvais exemple. Est-ce donc sans motif que notre sage et miséricordieux Maître nous prévient si solennellement contre eux ? « Gardez-vous, nous dit-il, des faux prophètes qui viennent à vous en habits de brebis, mais qui, au dedans sont des loups ravissants ».

                     Grave et important avertissement ! Pour qu'il pénètre avec plus d'efficace dans nos cœurs, recherchons 1° qui sont ces faux prophètes ; 2° de quelle apparence ils se revêtent ; et 3° comment, en dépit de cette belle apparence, nous pouvons connaître ce qu'ils sont réellement.

I

                     Recherchons d'abord qui sont ces faux prophètes. C'est ce qu'il faut faire d'autant plus soigneusement qu'ils ont eux-mêmes plus travaillé à tordre cette parole, à leur propre perdition et à celle d'autrui. Je vais donc pour couper court à toute dispute, sans me servir, comme quelques-uns, d'exclamations vagues et emphatiques, pour jeter de la poudre aux yeux et séduire les cœurs des simples, je vais, dis-je, présenter de ces vérités simples et sévères que doit reconnaître quiconque a un reste d'intelligence et de modestie ; des vérités d'ailleurs intimement liées à tout ce qui précède ; car trop souvent on a interprété ces paroles sans égard au contexte et comme si elles n'avaient aucune relation au discours dont elles forment la conclusion.

                     Par prophètes il faut entendre ici (comme dans plusieurs autres passages des Écritures et surtout du Nouveau Testament), non pas ceux qui prédisent l'avenir, mais ceux qui parlent au nom de Dieu, ceux qui font profession d'être envoyés de Dieu pour enseigner aux autres le chemin du ciel. — Les faux prophètes sont donc ceux qui enseignent un faux chemin, un chemin qui ne conduit point au ciel, ou tout au moins ceux qui négligent d'enseigner le véritable.

                     Tout chemin large est infailliblement un faux chemin. De là cette règle simple et certaine : Quiconque enseigne aux hommes un chemin large, un chemin de multitude, est un faux prophète.

                     Réciproquement, le vrai chemin du ciel est un chemin étroit. De là cette autre règle non moins certaine : Quiconque n'enseigne pas aux hommes un chemin étroit, un chemin à part du grand nombre, est un faux prophète.

                  Et pour préciser encore plus, le seul vrai chemin est indiqué dans le discours précédent du Seigneur. Tous ceux qui n'enseignent pas aux hommes à marcher dans ce chemin, sont de faux prophètes. Or le chemin indiqué dans ce qui précède est l'humilité, la tristesse à cause du péché, la douceur, les saints désirs, l'amour de Dieu et du prochain, la pratique du bien et la patience dans la persécution endurée pour l'amour de Christ. Ceux donc qui nous enseignent comme chemin du ciel un autre chemin quelconque, sont de faux prophètes.

                     Peu importe le nom qu'ils donnent à cette autre voie. Qu'ils l'appellent la foi — ou les bonnes œuvres, — ou la foi et les œuvres, — ou la repentance, — la foi et la nouvelle obéissance ; — tous ces noms sont excellents ; mais si, à l'abri de ces noms ou de tout autre, ils enseignent aux hommes un chemin différent de celui que Jésus nous trace dans ce discours, ils ne sont réellement que de faux prophètes.

                    Combien plus cette sentence retombe-t-elle sur ceux qui médisent du vrai chemin et surtout sur ceux qui enseignent un chemin directement contraire : le chemin de l'orgueil, de la légèreté, des passions, des désirs mondains ; qui enseignent à aimer le monde plutôt que Dieu, à être malveillant pour le prochain, à négliger les bonnes œuvres et à ne supporter ni maux, ni persécutions pour la cause de la justice !

                      Mais, dites-vous, qui a jamais enseigné ou qui enseigne que ce soit là le chemin du ciel ? — Je réponds : Ce sont des milliers et des dix milliers de gens sages et honorables, ce sont même, quelque nom qu'ils prennent, tous ceux qui laissent vivre dans l'espérance d'aller au ciel les orgueilleux, les gens frivoles, colères, amateurs du monde, les hommes de plaisir, les injustes ou les  malveillants, les êtres inutiles et insouciants, ceux qui aiment leurs aises, ou ceux qui ne veulent souffrir aucun opprobre pour la cause de la justice. Ils ne sont rien moins que de faux prophètes, et, dans toute la force du terme, les premiers-nés de Satan, les fils d'Apollyon, « le destructeur  » ; bien plus coupables que des meurtriers ordinaires, car ils sont les meurtriers des âmes. Sans cesse ils travaillent à peupler les régions de l'obscurité, et quand, à leur tour, ils descendront vers les pauvres âmes qu'ils ont fait périr, « l'enfer s'émouvra pour aller au-devant d'eux à leur venue ».

II

                    Mais se présentent-ils à vous maintenant sous leur vraie forme ? Nullement. S'il en était ainsi, ils ne pourraient vous nuire. Vous prendriez l'alarme et vous vous hâteriez de sauver votre vie. Ils se revêtent donc d'une apparence toute contraire (c'est le second point à considérer), « ils viennent à vous en habit de brebis, quoiqu'ils soient, au dedans, des loups ravissants ».

                     « Ils viennent à vous, 1° en habit de brebis », c'est-à-dire sous une apparence innocente. Ils viennent de l'air le plus inoffensif, le plus doux, sans aucune marque, ni signe d'inimitié. Qui pourrait croire que ces êtres paisibles voudraient nuire à âme qui vive ? Peut-être leur reprocheriez-vous quelque tiédeur, quelque défaut de zèle pour le bien. Néanmoins vous ne voyez pas de raison de les soupçonner d'en vouloir à qui que ce soit. Mais il y a plus :

                     Ils viennent à vous, 2° comme très capables de vous faire du bien. C'est, en effet, à cela qu'ils sont particulièrement appelés. Ils sont mis à part dans ce but. Ils ont charge spéciale de veiller sur vos âmes et de vous former pour la vie éternelle. Ils n'ont pas d'autre affaire que « d'aller de lieu en lieu, faisant du bien et guérissant ceux qui sont opprimés par le diable  » ; et c'est sous cet aspect que vous êtes accoutumés à les considérer « comme des messagers de Dieu » qui vous apportent de sa part la bénédiction.

                    Ils viennent, en troisième lieu, avec une apparence de religion. Ne font-ils pas tout par conscience ? C'est par zèle pour Dieu, à les en croire, qu'ils font Dieu menteur ! C'est par zèle désintéressé pour la religion qu'ils voudraient la détruire jusqu'aux racines. S'ils parlent, ce n'est que par amour pour la vérité et pour la garantir d'outrages, c'est peut-être même par amour pour l'Eglise et par le désir de la défendre contre ses ennemis.

                    Surtout ils viennent à vous sous une apparence d'amour. N'est-ce pas uniquement pour votre bien qu'ils se donnent tant de peine ? Ils ne se tourmenteraient pas pour vous s'ils n'avaient de la tendresse pour vous. Ils feront de grandes protestations de leur bon vouloir, du souci que leur donne le danger où vous êtes, de leur vif désir de vous préserver de tomber dans l'erreur et d'être embarrassés dans des doctrines nouvelles et funestes. Ils auraient vraiment du chagrin à voir des gens sages comme vous jetés dans les extrêmes, embrouillés d'idées étranges et inintelligibles, ou séduits par les illusions de l'enthousiasme. C'est dans ce sentiment qu'ils vous avertissent de vous tenir toujours dans un juste milieu et de ne point être « justes plus qu'il ne faut », de peur que vous ne vous perdiez.

III

                     Mais comment pourrons-nous, sous ces belles apparences, reconnaître leur vrai caractère ? Notre Sauveur, sachant combien il est nécessaire pour tous de discerner les faux prophètes, et combien la plupart des hommes sont incapables de suivre un raisonnement compliqué, nous donne ici une règle courte et facile, accessible aux intelligences les plus communes et d'une application aisée et constante : « Vous les connaîtrez à leurs fruits ».

                      Cette règle est d'une application facile et constante. Voulez-vous savoir si tel homme qui parle au nom de Dieu est ou non un vrai prophète ? Observez, vous le pouvez aisément, quels sont les fruits de sa doctrine, d'abord pour lui-même. Quel effet a-t-elle sur sa vie ? Est-il saint et irréprochable en toutes choses ? Quel effet sur son cœur : voit-on, par l'ensemble de sa conduite, qu'il soit dans des dispositions saintes et célestes ? qu'il ait en lui les mêmes sentiments que Jésus-Christ a eus ? qu'il soit doux, humble, patient, ami de Dieu et des hommes, et zélé pour les bonnes œuvres ?

                       Il vous sera facile, en second lieu, d'observer quels sont les fruits de sa doctrine pour ceux qui l'écoutent ; pour plusieurs, du moins ; non, il est vrai, pour tous ; car les apôtres eux-mêmes ne convertirent pas tous leurs auditeurs. Leurs disciples ont-ils les sentiments de Jésus-Christ, marchent-ils comme il a marché lui-même ? Est-ce en entendant cet homme qu'ils sont devenus tels ? Avant de l'entendre étaient-ils intérieurement et extérieurement adonnés au mal ? S'il en est ainsi, c'est une preuve manifeste que cet homme est un vrai prophète, un docteur envoyé de Dieu. Mais s'il n'en est point ainsi, s'il n'apprend réellement l'amour et l'obéissance de Dieu ni aux autres, ni à lui-même, c'est une preuve manifeste que c'est un faux prophète, et que Dieu ne l'a point envoyé.

                    « Cette parole est dure, qui peut l'ouïr ! » Le Seigneur sachant cela daigne la confirmer par plusieurs arguments clairs et convaincants. « Cueille-t-on, dit-il, des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? » (Verset 16.) Pouvez-vous attendre que ces hommes méchants portent de bons fruits ? Autant auriez-vous le droit d'espérer que les épines produisent des raisins ou les chardons des figues ! « Tout bon arbre porte de bons fruits ». (Verset 17.) Tout vrai prophète, tout docteur que j'ai envoyé, porte le bon fruit de la sainteté. Mais tout faux prophète, tout docteur que je n'ai point envoyé, ne produit que péché et méchanceté. « Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits ». Un vrai prophète, un docteur envoyé de Dieu produit de bons fruits, non pas quelquefois seulement, mais toujours ; ce n'est pas un accident, mais comme une nécessité. De même un faux prophète, un docteur que Dieu n'a pas envoyé, ne produit pas de mauvais fruits accidentellement ou quelquefois seulement, mais toujours et nécessairement. « Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits est coupé et jeté au feu ». (Verset 19.) Tel sera infailliblement le sort de ces prophètes qui ne portent pas de bons fruits, qui ne sauvent pas les âmes du péché, qui n'amènent pas les pécheurs à la repentance. Qu'ainsi donc cette règle demeure : « Vous les connaîtrez à leurs fruits ». (Verset 20.) Ceux qui, de fait, amènent les orgueilleux, les amateurs du monde, les hommes colères et sans miséricorde, à la douceur, à l'humilité, à l'amour de Dieu et des hommes, ceux-là sont de vrais prophètes ; Dieu les a envoyés, c'est pourquoi il confirme leur parole. Mais, par contre, ceux dont les auditeurs, injustes qu'ils étaient, demeurent injustes, ou du moins sans une « justice qui surpasse celle des Scribes et des Pharisiens », ceux-là sont de faux prophètes ; Dieu ne les a pas envoyés, c'est pourquoi leurs paroles tombent à terre, et à moins d'un miracle de la grâce, ils tomberont, avec ceux qui les écoutent, dans l'abîme !

                        Oh ! gardez-vous de ces faux prophètes ! car s'ils viennent en habit de brebis, ils n'en sont pas moins au dedans « des loups ravissants  » ; ils ne font  que détruire et dévorer le troupeau, ils le mettent en pièces, s'il n'y a personne pour le délivrer de leurs mains. Ils ne veulent ni ne peuvent vous conduire au chemin des cieux. Comment le pourraient-ils s'ils ne le connaissent pas eux-mêmes ? Oh ! prenez garde qu'ils ne vous détournent du bon chemin, et ne vous fassent perdre le fruit de votre travail !

                     Mais, si leurs paroles sont si dangereuses, demandera quelqu'un, dois-je en aucune manière les écouter ? Grave question qui mérite l'examen le plus sérieux et qui ne doit être résolue qu'après la plus calme et la plus mûre délibération. Pendant bien des années, j'ai redouté, même d'en parler, étant incapable de rien décider ni pour ni contre, ou de me prononcer en aucun sens. Bien des raisons plausibles me porteraient encore à dire : Ne les écoutez point ! Et pourtant ce que le Seigneur déclare touchant les faux prophètes de son temps, semble nous diriger en sens contraire. « Alors Jésus parlant au peuple et à ses disciples, leur disait : Les Scribes et les Pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse », — sont les docteurs ordinaires, les docteurs établis de votre Eglise ; « observez donc et faites tout ce qu'ils vous diront d'observer ; mais ne faites point comme ils font, car ils disent et ne font pas (Mat 23 : 1,3)  ». Or, que ce fussent de faux prophètes dans toute la force du terme, c'est ce que le Sauveur a montré par tout son ministère, comme il le montre, au reste, par ces paroles mêmes : « Ils disent et ne font pas ». Il était donc impossible que ses disciples ne les « connussent pas à leurs fruits », puisque ces fruits étaient évidents pour tous les hommes. C'est pourquoi il ne cesse de les prémunir contre ces faux prophètes. Et néanmoins il ne défend pas à ses disciples de les écouter, il le leur commande plutôt en disant : « Observez et faites tout ce qu'ils vous diront d'observer  » ; car, à moins de les écouter, ils ne pouvaient connaître, combien moins garder ce qu'ils ordonnaient de garder. Ici donc le Seigneur lui-même donne à ses apôtres et à toute la multitude une direction claire d'écouter, dans certaines circonstances, même de faux prophètes manifestement connus et reconnus pour tels.

                       Mais, dira-t-on peut-être, il voulait seulement qu'on les écoutât lorsqu'ils lisaient l’Écriture dans les synagogues. Je réponds : Lorsqu'ils lisaient ainsi les Ecritures, ils avaient coutume d'en faire aussi l'explication. Et rien ici ne dit que les disciples dussent écouter la lecture et non l'explication. Mais plutôt les termes mêmes : « tout ce qu'ils vous diront d'observer », excluent absolument un tel partage.

                         Il y a plus. A de tels faux prophètes, bien manifestés comme tels, est souvent confiée (oh ! douleur ! car il ne devrait sûrement pas en être ainsi) l'administration des sacrements. Défendre aux hommes de les écouter, ce serait donc, par le fait, les priver des ordonnances de Dieu. Mais nous n'avons pas le droit de le faire. Car l'efficacité de l'ordonnance ne dépend pas de la pureté de celui qui l'administre, mais uniquement de la fidélité de Dieu, qui veut bien se faire trouver par, nous, et qui effectivement vient à nous dans la voie qu'il a lui-même établie. Pour ce motif encore je me fais scrupule de dire, même pour les faux prophètes : Ne les écoutez point. Même par ces hommes sur qui repose la malédiction, Dieu peut et veut vous bénir. Car le pain qu'ils rompent, nous le savons par expérience, est pour nous « la communion du corps de Christ », et la coupe que Dieu bénit par leurs mains profanes, est pour nous « la communion du sang de Christ ».

                         Voici donc ce que je puis dire : Dans chaque cas particulier, consultez Dieu par d'humbles et ferventes prières, puis agissez pour le mieux, selon vos lumières ; faites ce que vous croirez convenir le mieux à votre avantage spirituel. Gardez-vous bien de juger personne témérairement, de considérer légèrement qui que ce soit comme faux prophète, et même, si les preuves sont convaincantes, n'ayez ni colère ni mépris dans vos cœurs. Prenez alors, dans la crainte et sous le regard de Dieu, une détermination pour vous-même,. Je vous dirai seulement : Ne les écoutez pas si vous éprouvez que cela nuise à votre âme. Retirez-vous en paix vers ceux qui vous font du bien. Si vous trouvez, au contraire, que votre âme n'en souffre pas, continuez à les écoutez. Seulement « prenez garde à ce que vous écoutez ! » Gardez-vous d'eux et de leur doctrine. Écoutez « avec crainte et tremblement », de peur que vous ne soyez séduits et livrés, comme eux, à l'efficace de l'erreur. Ils mêlent sans cesse le mensonge et la vérité ; qu'il vous est difficile de ne pas les recevoir ensemble ! Ecoutez, mais en adressant de ferventes et continuelles prières à Celui qui seul enseigne la sagesse. Et tout ce que vous entendrez, ayez soin de le rapporter « à la loi et au témoignage ». Éprouvez avant de recevoir, pesez toutes choses « à la balance du sanctuaire  » ; ne croyez rien qui ne soit clairement confirmé par les passages des saints livres. Rejetez absolument tout ce qui en diffère, tout ce qui n'y trouve pas sa confirmation. Repoussez surtout, avec horreur, toute voie de salut étrangère ou inférieure à celle que notre Seigneur indique lui-même dans le discours qui précède.

                       Je ne puis terminer, sans adresser aussi quelques paroles simples et claires à ceux dont nous nous occupons. O vous, faux prophètes ! O vous, ossements secs ! Écoutez, une fois, la Parole du Seigneur ! Jusques à quand mentirez-vous au nom de Dieu, disant : « Ainsi dit l'Éternel », quand l'Éternel ne parle point par vous ? jusques à quand pervertirez-vous les voies de Dieu qui sont droites, faisant des ténèbres la lumière et de la lumière les ténèbres ? Jusques à quand donnerez-vous le chemin de la mort pour le chemin de la vie ? Jusques à quand livrerez-vous à Satan les âmes que vous faites profession de conduire à Dieu ?

                     « Malheur à vous ! aveugles, conducteurs d'aveugles ! » car vous fermez aux hommes le royaume des cieux : vous n'y entrez point vous-mêmes et vous ne laissez point entrer ceux qui y entrent. S'efforcent-ils d'entrer par la porte étroite ? vous les rappelez dans la voie large. Ont-ils fait un premier pas dans les voies de Dieu ? vous leur donnez l'avertissement satanique de ne pas aller trop loin. Commencent-ils à avoir faim et soif de la justice ? vous leur recommandez de n'être pas justes plus qu'il ne faut. C'est ainsi que sur le seuil même vous les faites broncher, que dis-je ? tomber pour ne plus se relever ! Oh ! pourquoi agissez vous de la sorte ? Quel profit avez-vous à leur sang s'ils descendent dans la fosse ? Triste profit pour vous ! car « ils périront dans leur iniquité, mais Dieu redemandera leur sang de votre main ! »

                       Où sont vos yeux ? Où est votre intelligence ? A force de séduire, vous êtes-vous séduits vous-mêmes ? Qui vous demande d'enseigner un chemin que vous n'avez jamais connu ? Êtes-vous tellement livrés à l'efficace de l'erreur que vous croyiez vous-mêmes le mensonge que vous enseignez ? et pouvez-vous penser que Dieu vous envoie, que vous êtes ses messagers ? Ah ! si le Seigneur vous avait envoyés, l'œuvre du Seigneur prospèrerait entre vos mains. Aussi vrai que Dieu est vivant, si vous étiez ses messagers, il confirmerait votre parole. Mais l'œuvre du Seigneur ne prospère point entre vos mains, car vous n'amenez point les pécheurs à la repentance. Le Seigneur ne confirme point votre parole, car vous ne sauvez point les âmes de la mort.

                       Comment pouvez-vous éluder la force des paroles du Seigneur, qui sont si complètes, si fortes, si expresses ? Comment fermez-vous les yeux à l'évidence pour ne pas vous reconnaître à vos fruits, fruits mauvais d'arbres mauvais ? Et s'ils sont mauvais, qu'y a-t-il d'étonnant ? Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? Prenez à cœur ces paroles qui s'adressent à vous, ô arbres stériles ! Pourquoi occupez-vous inutilement la terre ? « Tout bon arbre porte de bons fruits ». Ne voyez-vous pas qu'il n'y a point d'exception ? Reconnaissez-le donc, vous n'êtes pas de bons arbres puisque vous ne portez pas de bons fruits. « Mais tout mauvais arbre porte de mauvais fruits », et c'est ce que vous avez fait depuis le commencement. En parlant au nom de Dieu, vous n'avez fait qu'affermir vos auditeurs dans les dispositions ou même dans les œuvres du diable. Oh ! recevez instruction de Celui au nom de qui vous parlez, avant que s'accomplisse cette sentence qu'il a prononcée : « Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu ! »

                       Frères, n'endurcissez pas vos cœurs ! Trop longtemps vous avez fermé les yeux pour ne pas voir la lumière. Ouvrez-les, maintenant, avant qu'il soit trop tard, avant que vous soyez jetés « dans les ténèbres du dehors ! » Qu'aucune considération temporelle ne pèse sur vous, car l'éternité est en jeu. Vous avez couru avant d'être envoyés. Oh ! n'allez pas plus loin ! Ne persistez pas à vous perdre en perdant ceux qui vous écoutent ! Vous n'avez pas de fruits de votre travail, et pourquoi ? Par cette raison même que le Seigneur n'est point avec vous. Mais iriez-vous à cette guerre à vos propres dépens ? Cela ne se peut. Humiliez-vous donc devant Lui. Crie à lui, le front dans la poussière, pour qu'il vivifie premièrement ton âme, pour qu'il te donne à toi-même la foi qui opère par l'amour, la foi qui est humble et douce, pure et compatissante, zélée pour les bonnes œuvres, et qui se réjouit dans les tribulations, dans les opprobres, dans les détresses, dans les persécutions pour la justice ! C'est ainsi que l'Esprit de gloire, l'Esprit de Christ reposera sur toi, et qu'on pourra connaître que Dieu t'a envoyé. C'est ainsi que tu feras « l'œuvre d'un évangéliste » et que tu « rempliras ton ministère ». C'est ainsi que la Parole de Dieu sera dans ta bouche comme un marteau qui brise la pierre ! »  Alors tu seras manifesté comme prophète de l’Éternel par les fruits, savoir : par « les enfants que le Seigneur t'aura donnés ». Et après en avoir « amené plusieurs à la justice, tu luiras comme les étoiles, à toujours et à perpétuité ! 

vendredi 17 juin 2016

(11) LE SERMON SUR LA MONTAGNE, ONZIÈME DISCOURS Matthieu 7:13-14

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Sermon 31 :           LE SERMON SUR LA MONTAGNE, ONZIÈME DISCOURS

Matthieu 7,13-14
1750

« Entrez par la porte étroite ; car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent ; mais la porte étroite et le chemin étroit mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent ». (Mat 7 : 13,14.)

                    Notre Seigneur nous ayant avertis des dangers intérieurs qui nous assiègent facilement à nos premiers pas dans la vraie religion, des obstacles qui naissent naturellement de la perversité de nos propres cœurs, nous fait connaître maintenant les empêchements du dehors, particulièrement ceux qui proviennent des mauvais exemples et des mauvais conseils. Par l'une ou l'autre de ces deux influences, des milliers d'âmes qui « couraient bien » se sont retirées, pour marcher à la perdition, des âmes mêmes qui n'étaient plus novices dans la piété, mais qui avaient fait des progrès dans la justice. C'est pourquoi il nous donne, à ces deux égards, l'avertissement le plus pressant et le plus sérieux, et le répète sous plusieurs formes pour qu'en aucune manière nous ne le laissions écouler. Ainsi, pour nous garder contre le premier danger, il nous dit : « Entrez par la porte étroite, car la porte est large et le chemin est spacieux qui mène à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent, mais la porte est étroite et le chemin est étroit qui mène à la vie, et il y en a peu qui le trouvent ». Et pour nous prémunir contre le second danger : « Gardez-vous des faux prophètes », etc. Pour aujourd'hui nous nous en tiendrons au premier point.

« Entrez, dit le Seigneur, par la porte étroite, car la porte est large et le chemin spacieux qui mène à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent, mais la porte est étroite et le chemin étroit qui mène à la vie, et il y en a peu qui le trouvent ».


                    Nous considèrerons ici trois choses : 
1° les caractères propres et inséparables du chemin de l'enfer « La porte est large et le chemin spacieux qui mène à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent ». 
2° Les caractères propres et inséparables du chemin du ciel : « La porte est étroite et le chemin étroit qui mène à la vie, et il y en a peu qui le trouvent ». 
3° L'exhortation sérieuse qui en est la conséquence « Entrez par la porte étroite ».

                                                                     I

                     Et d'abord, quant au premier point, combien est large la porte, combien est spacieux le chemin qui mène à la perdition ! car la porte de l'enfer, c'est le péché, et le chemin de la perdition, c'est la méchanceté ! Le « commandement de Dieu est d'une grande étendue », puisqu'il s'étend non seulement à toutes nos actions, mais à toute parole qui sort de nos lèvres, à toute pensée même qui s'élève de nos cœurs. Or, l'étendue du péché est tout aussi grande, puisque toute violation du commandement est péché. Que dis-je ? elle est mille fois plus grande ; car il n'y a qu'une manière d'observer le commandement, puisque nous ne l'observons en réalité que si dans la chose même que nous faisons, dans la manière de la faire et dans tout ce qui s'y rattache, nous sommes irréprochables, tandis qu'il y a mille manières de violer chaque commandement. Cette porte est donc vraiment large !

                     Mais considérons ceci d'un peu plus près ; quelle n'est pas l'étendue de ces péchés fondamentaux d'où naissent tous les autres ; de cet « amour du monde qui est inimitié contre Dieu, de l'esprit charnel, de l'orgueil, de la volonté propre ! Pouvons-nous leur assigner des limites ? Ne se répandent-ils pas à travers nos pensées, ne se mêlent-ils pas à tous nos sentiments ? Ne sont-ils pas comme un levain qui fait lever, plus ou moins, toute la masse de nos affections ? Et ne pouvons-nous pas, par une observation attentive et fidèle de nous-mêmes, voir ces « racines d'amertume bourgeonnant continuellement en haut », infectant toutes nos paroles, souillant toutes nos actions ? Et que leurs rejetons sont innombrables de siècle en siècle ! assez pour couvrir la terre entière de ténèbres et « de demeures de violence ! »

                     Oh ! qui fera l'énumération de leurs fruits maudits ! Qui comptera tous les péchés qui se commettent, soit contre Dieu, soit contre le prochain ? Ce n'est point un rêve de notre imagination, mais on peut les constater par une triste et journalière expérience. Et pour les trouver nous n'avons pas besoin de courir le monde. Observez un seul royaume, une seule province, une seule ville, et vous ferez, en ce genre, une riche moisson ! Et ne prenez pas une contrée mahométane ou païenne, prenez une de celles qui se nomment du nom de Christ et qui se glorifient de la lumière de son Evangile. Arrêtez-vous dans notre pays même et dans la ville que nous habitons. Nous nous disons chrétiens et même des chrétiens par excellence, des chrétiens réformés ! Mais, hélas ! qui fera pénétrer dans nos cœurs et dans notre vie la réformation de nos opinions ? Car combien sont innombrables nos péchés, nos péchés les plus criants ! Les abominations les plus grossières n'abondent-elles pas parmi nous chaque jour ? Nos péchés, de toute sorte, ne couvrent-ils pas le pays comme le fond de la mer est couvert par les eaux ? Qui pourrait les compter ? Allez plutôt compter les gouttes de pluie, ou le sable des bords de la mer ! Tant est large la porte, tant est « spacieux le chemin qui mène à la perdition ! »

                     Et « il y en a beaucoup qui entrent » par cette porte, beaucoup qui vont par ce chemin, autant presque qu'il y en a qui entrent par la porte de la mort et qui descendent dans le sépulcre. Car on ne peut nier (quoiqu'on ne puisse non plus le reconnaître sans honte et sans douleur) que, même dans ce pays chrétien, les masses de tout âge, de tout sexe, de tout état, de tout rang, grands et petits, riches et pauvres, suivent le chemin de la perdition. Et, dans cette ville, les habitants, en grande majorité, vivent, jusqu'à ce jour, dans le péché, dans quelque transgression palpable, habituelle, consciente de la loi divine qu'ils font profession d'observer, et même dans quelque forme grossière d'impiété ou d'injustice, dans quelque violation ouverte de leurs devoirs, soit envers Dieu, soit envers les hommes. Ceux-là donc, évidemment, marchent tous dans le chemin de la perdition. Joignez-y ceux qui ont, il est vrai, « le bruit de vivre », mais qui ne connaissent pas la vie de Dieu ; ceux qui, au dehors, paraissent beaux aux yeux des hommes, mais qui sont, au dedans, pleins de corruption, pleins d'orgueil et de vanité, de colère et de rancune, d'ambition et de convoitises, amateurs d'eux-mêmes, amateurs du monde et des plaisirs plutôt que de Dieu. Ceux-là peuvent être, sans doute, fort estimés des hommes, mais ils sont abominables aux yeux du Seigneur. Et combien ces saints du monde n'enfleront-ils pas le nombre des enfants de perdition ! Ajoutez encore ; quels qu'ils puissent être à d'autres égards, tous ceux qui ne connaissant pas la justice de Dieu et voulant établir leur propre justice, ne se soumettent point à la justice qui vient de Dieu par la foi. Tout cela joint ensemble, de quelle terrible vérité vous paraîtra cette assertion du Seigneur : « La porte est large et le chemin spacieux qui mène à la perdition, et il y en a beaucoup qui y entrent ! »

                     Encore ceci ne regarde-t-il pas uniquement le vulgaire, — le pauvre, stupide et vil troupeau de l'humanité. Des hommes éminents dans le monde, des hommes qui ont beaucoup de terres et de couples de boeufs, n'ont garde, en ceci, de se faire excuser. Au contraire, il y en a ici « beaucoup d'appelés » d'entre les sages selon la chair, d'entre les puissants, les courageux, les riches, les nobles au jugement des hommes, appelés dans la voie large par le monde, la chair et le diable, et qui obéissent avec empressement à cet appel. Que dis-je ? plus ils sont élevés en fortune et en puissance, plus ils se dégradent en perversité. Plus ils ont reçu de bénédictions de Dieu, plus ils l'offensent, employant leurs honneurs, leurs richesses, leur sagesse, leur science, non comme moyens de travailler à leur salut, mais plutôt comme moyens d'exceller dans le vice et de rendre leur perdition plus certaine.

II

                     Au reste, c'est précisément parce qu'il est large, que plusieurs suivent ce chemin avec tant de sécurité, ne considérant pas que c'est le caractère inséparable du chemin de la perdition. Ils y marchent par la raison même qui devrait le leur faire éviter, parce qu'il est large et parce que « le chemin de la vie est étroit et qu'il y en a peu qui le trouvent ».

                     « La porte de la vie est étroite, le chemin de la vie est étroit  » ; si étroit qu'il ne peut y entrer « rien d'impur ni de souillé ». C'est un caractère inséparable du chemin du ciel. Nul pécheur ne peut passer par cette porte avant d'être sauvé de tous ses péchés. Non pas seulement de ses grossiers péchés, « de la vaine manière de vivre qu'il a apprise de ses pères ». Il ne suffit pas qu'il ait « cessé de mal faire, appris à bien faire », ni qu'il soit sauvé de  toute action impure, de toute parole inutile et mauvaise. Il faut encore qu'il soit changé intérieurement et complètement renouvelé dans l'esprit de son entendement ; sans quoi il ne peut passer, par la porte de la vie, ni entrer dans la gloire.

                     Car le chemin qui conduit à la vie, — le chemin de la parfaite sainteté est étroit. — Il est étroit, le chemin de la pauvreté d'esprit, le chemin de la sainte tristesse, le chemin de l'humilité, le chemin de la faim et de la soif de la justice. Il est étroit le chemin de la miséricorde, de la charité sans hypocrisie, de la pureté du cœur, de la bienfaisance envers tous les hommes, de la patience et de la joie lorsqu'on souffre le mal, toute sorte de mal pour la cause de la justice.

                     « Et il y en a peu qui le trouvent ». Hélas ! qu'il y en a peu qui trouvent même l'honnêteté païenne ! qu'il y en a peu qui s'abstiennent de faire à autrui ce qu'ils ne veulent pas qu'on leur fasse à eux-mêmes ! qui soient innocents devant Dieu d'actes injustes ou malveillants ! qui ne pèchent pas par leur langue, qui ne prononcent aucune méchanceté, aucun mensonge ! Qu'il est petit le nombre de ceux qui sont exempts des transgressions du dehors ! A plus forte raison sont-ils peu nombreux ceux dont le cœur est droit, pur et saint devant Dieu ! Où sont ceux que son oeil scrutateur trouve vraiment humbles, s'abaissant et s'abhorrant eux-mêmes dans la poudre et la cendre, devant Dieu leur Sauveur, ceux qu'il voit profondément et constamment sérieux, sentant leurs besoins et se conduisant avec crainte durant le temps de leur séjour sur la terre ; ceux qu'il voit débonnaires et doux, n'étant jamais surmontés par le mal, mais surmontant le mal par le bien, toujours altérés de Dieu et soupirant pour le renouvellement à sa ressemblance ! Qu'ils sont clairsemés sur la terre ceux dont l'âme est élargie pour aimer tous les hommes, et qui aiment Dieu de toute leur force, qui lui ont donné leur cœur et qui ne souhaitent que lui dans le ciel et sur la terre ; ceux qui par amour pour Dieu et pour les hommes se dépensent entièrement à faire du bien aux hommes, et qui sont prêts à souffrir tout, même la mort, pour sauver une seule âme de la perdition !

                     Mais puisqu'il y en a si peu dans le chemin de la vie et tant dans le chemin de la perdition, il est fort à craindre que nous ne soyons entraînés avec ces derniers par le torrent de l'exemple. Quelle impression un exemple même isolé ne peut-il pas faire sur nous, s'il est continuellement sous nos yeux, surtout s'il a pour lui la nature, s'il s'accorde avec nos inclinations ! Combien grande sera donc la force d'exemples si nombreux et toujours placés devant nous, et tous conspirant avec nos propres cœurs à nous faire descendre le courant de la corruption ! Qu'il est difficile d'aller contre vent et marée et de nous conserver purs des souillures du monde !

                     Mais voici qui aggrave encore la difficulté : ce n'est pas la foule ignorante et sans entendement, ce n'est point elle seule du moins qui nous donne l'exemple, qui nous pousse dans le chemin de l'abîme ; mais ce sont les gens sages, polis, bien nés, les gens capables, instruits, éloquents, les gens de goût et de science, les gens raisonnables et qui ont la connaissance du monde ! Tous ceux-là, ou presque tous, sont contre nous. Et comment leur résister ? Leurs lèvres ne distillent-elles pas le miel et n'entendent-ils pas à fond la douce persuasion ? Ne sont-ils pas maîtres en fait de raisonnement, de controverse, de disputes de mots ? Ce n'est que jeu pour eux de prouver que le chemin est le droit chemin puisqu'il est large, qu'on ne peut faire le mal en suivant la multitude mais en refusant de la suivre, que votre chemin est le mauvais chemin puisqu'il est étroit et puisqu'il y en a si peu qui le trouvent. Ils prouveront jusqu'à l'évidence que le mal est bien et le bien mal, que la voie de la sainteté est la voie de la perdition, et que le chemin du monde est le seul chemin qui mène au ciel.

                     Comment de pauvres ignorants pourraient-ils se défendre contre de tels opposants ? Et pourtant il faut encore qu'ils soutiennent contre d'autres adversaires une lutte non moins inégale. Car il y a encore dans le chemin qui mène à la perdition, « beaucoup de puissants et de nobles », qui ont pour convaincre une voie plus courte que celle de la discussion et du raisonnement. Ce n'est point à l'intelligence qu'ils ont coutume de s'adresser, mais à la timidité de ceux qui leur résistent, et, là même où l'argumentation ne sert de rien, cette méthode d'intimidation manque rarement son effet, étant au niveau de la capacité de tous les hommes ; car tous sont accessibles à la peur, qu'ils sachent ou non raisonner. Et comment, sans une ferme confiance en Dieu, en sa puissance et en son amour, ne pas craindre de déplaire à ceux qui ont entre les mains la puissance de ce monde ? Il n'est donc pas étonnant que leur exemple soit une loi pour tous ceux qui ne connaissent point Dieu.

                     Il y a aussi, dans la voie large, « beaucoup de riches », Et ceux-ci font appel aux espérances et aux vaines convoitises des gens avec non moins de force et de succès que les puissants et les nobles à leurs craintes. En sorte qu'il vous est difficile de persévérer dans le chemin du royaume, à moins que vous ne soyez morts à tout ce qui est d'ici-bas, que Dieu seul soit votre désir, que le monde soit crucifié à votre égard et que vous soyez crucifié au monde.

                   Car voyez comme tout, dans la voie opposée, paraît obscur, incommode, rebutant ! Une porte étroite ; un chemin étroit ! et peu de gens seulement qui trouvent cette porte ! peu qui suivent ce chemin ! Encore si ce peu de gens étaient des sages, des hommes instruits, éloquents ! mais loin de là, ils ne savent mettre ni clarté, ni forces dans leurs raisonnements ; ils ne savent soutenir aucune discussion à leur avantage. Ils sont incapables de prouver ce qu'ils font profession de croire, ou même de rendre compte de ce qu'ils appellent leur expérience : Evidemment de tels avocats, bien loin de recommander la cause qu'ils ont embrassée, ne peuvent que jeter sur elle du discrédit.

                      Ajoutez à cela qu'ils ne sont ni nobles, ni honorés dans le monde. S'ils l'étaient, vous supporteriez peut-être leur folie. Ce sont des gens sans crédit, sans autorité, des gens du commun, des gens de rien, et qui, lors même qu'ils le voudraient, n'auraient  pas le pouvoir de vous nuire. Il n'y a donc rien à craindre d'eux, ni rien à espérer, car ils peuvent dire pour la plupart : « Je n'ai ni argent, ni or », ou au moins ils en ont bien peu ; quelques-uns même ont à peine de quoi manger ou de quoi se vêtir. C'est pour cela aussi bien que pour la singularité de leurs voies, que partout on parle contre eux, on les méprise, on rejette leur nom comme mauvais, on les persécute, on les traite comme l'ordure et la balayure du monde. En sorte que soit vos craintes, soit vos espérances, soit vos désirs (excepté ceux qui vous viennent directement de Dieu), tout, en un mot, dans vos sentiments et dans vos passions naturelles vous pousse continuellement à retourner dans le chemin large et spacieux !

                                                                    III

                   C'est pour cela que le Seigneur nous dit avec tant d'insistance : « Entrez », ou, suivant l'expression d'un autre Evangile : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite  » ; l'expression du texte indique même un combat et comme une agonie. « Car plusieurs », dit le Seigneur, « chercheront (il ne dit pas s'efforceront) d'y entrer, mais ils ne le pourront ».


                     Il est vrai que le verset suivant semble indiquer pour leur réjection une autre raison que leur tiédeur à chercher. Après avoir dit : « Plusieurs chercheront à y entrer, mais ils ne le pourront », il ajoute immédiatement : « Quand le père de famille sera entré et qu'il aura fermé la porte ; et que vous, étant dehors, vous vous mettrez à heurter et à dire : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous ! il vous répondra : Je ne sais d'où vous êtes ! retirez-vous de moi, vous tous qui faites métier de l'iniquité ! (Lu 13 : 24-27) »

                     Il paraîtrait de là, au premier abord, que s'ils ne peuvent entrer, c'est pour avoir différé de chercher plutôt que pour avoir cherché négligemment. Mais, au fond, cela revient au même. Ils reçoivent donc l'ordre de se retirer, pour avoir fait métier de l'iniquité, pour avoir marché dans la voie large, ou, en d'autres termes, pour ne pas s'être efforcés d'entrer. Quand la porte était ouverte, ils auront, sans doute, cherché, mais négligemment et sans succès ; et quand elle sera fermée, ils commenceront, mais trop tard, à s'efforcer.

                   Vous donc, efforcez-vous maintenant, dans ce jour qui vous est donné, efforcez-vous d'entrer par la porte étroite ! Et, pour cela, mettez-vous bien dans l'esprit et ne cessez de considérer que, si vous êtes dans la voie large, vous êtes dans le chemin de la perdition. Si vous marchez en grande compagnie, croyez, aussi sûr que Dieu est véritable, croyez que c'est vers l'enfer que tous ensemble vous marchez. Si vous faites comme fait la généralité des hommes, vous allez vers l'abîme sans fond. Vous avez pour compagnons de voyage beaucoup de sages, beaucoup de riches, beaucoup de puissants et de nobles ? C'est assez pour vous montrer, sans autre preuve, que vous ne suivez pas le chemin de la vie. Attachez-vous, sans autre indication, à cotte règle simple, courte et infaillible. Quelle que soit votre condition, il faut que vous paraissiez singulier ou que vous soyez damné ! Le chemin de l'enfer n'a rien de singulier, mais le chemin du ciel est singulier d'un bout à l'autre. Dès les premiers pas que vous faites sérieusement vers Dieu, vous n'êtes plus comme les autres hommes. Mais que vous importe ? Il vaut bien mieux être isolé que de tomber dans l'abîme ! « Poursuis donc patiemment la course qui t'est proposée », bien qu'ayant peu de compagnons. Il n'en sera pas toujours ainsi. Encore un peu de temps, et tu seras réuni « aux milliers d'anges, à l'assemblée et à l'Église des premiers-nés, et aux esprits dos justes parvenus à la perfection ».

                     Maintenant, « efforcez-vous d'entrer par la porte étroite », ayant un profond sentiment de l'inexprimable danger que court votre âme tant que vous êtes dans la voie large, tant que vous êtes sans cette pauvreté d'esprit, et, en général, sans cette religion intérieure que le grand nombre, que les riches, que les sages tiennent pour folie, « efforcez-vous d'entrer », plein de chagrin et de honte pour avoir si longtemps couru avec la foule insouciante, et négligé si ce n'est méprisé, cette « sainteté sans laquelle personne ne verra le Seigneur ». « Efforcez-vous », comme dans une sainte agonie, de peur que « la promesse vous étant faite d'entrer dans son repos, dans le repos qui reste pour le peuple de Dieu, vous n'en soyez pourtant exclu ». « Efforcez-vous » avec toute ardeur d'esprit et des « soupirs qui ne peuvent s'exprimer ». « Efforcez vous », en « priant sans cesse », partout et toujours, élevant vos cœurs à Dieu et ne lui laissant pas de repos jusqu'à ce que vous ressuscitiez à son image et que vous soyez « rassasié de sa ressemblance ! »

                     Un dernier mot : « efforce-toi d'entrer par la porte étroite  » ; mais que ce ne soit pas seulement par cette agonie de repentance, d'inquiétude, de honte, de désirs, de craintes, et par ces prières incessantes ; que ce soit aussi en réglant ta conduite, en marchant de toutes tes forces dans les voies de Dieu, dans l'innocence, la piété et la miséricorde. Abstiens-toi de toute apparence de mal, fais autant de bien que possible à tous les hommes, renonce en tout à toi-même, à ta propre volonté, et charge-toi, chaque jour, de ta croix. Sois prêt à te couper la main droite, à t'arracher l'oeil droit et à les jeter loin de toi, à souffrir la perte de tes biens, de tes amis, de ta santé, de tout sur la terre, pourvu que tu puisses entrer dans le royaume des cieux.