lundi 1 juillet 2013

A l'Oeuvre Dwight Lyman Moody (1)

Numérisation Yves PETRAKIAN
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(première partie)

1 Les préjugés sur le réveil
2 Aimer pour servir
3 Foi et courage
4 La récompense de la foi
5 L'enthousiasme

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Chapitre 1 
LES PRÉJUGÉS sur les réveils

    L'évangéliste saint Jean nous raconte que, devant la tombe de Lazare, le Seigneur Jésus dit à ses disciples : « Enlevez la pierre. » Il voulait leur faire prendre une part active à la résurrection qu'il allait opérer. Cependant, il n'aurait eu qu'un mot à dire pour faire disparaître la pierre. S'il lui avait ordonné de s'écarter, elle aurait obéi à sa voix, comme le fit Lazare quand Jésus le rappela à la vie. Mais le Seigneur voulait apprendre à ses enfants qu'il leur revient une part de travail dans la résurrection de ceux qui sont morts spirituellement. Les disciples n'eurent pas seulement à enlever la pierre; après que Jésus-Christ eut ressuscité Lazare, ils eurent à le délier afin qu'il pût marcher.
    Dieu pourrait facilement convertir les hommes sans nous ; mais ce n'est pas ainsi qu'il agit ordinairement, et je doute qu'il y ait sur la terre un seul homme qui ait été converti sans le concours plus ou moins direct de quelque instrument humain.
    La pierre dont je désire parler aujourd'hui, et qui doit être enlevée avant que l’œuvre de Dieu puisse se faire, s'appelle les préjugés. Beaucoup de personnes ont un grand préjugé contre les réveils religieux ; le mot seul leur est antipathique. Malheureusement, ce sentiment ne se rencontre pas seulement chez les gens du monde ; un grand nombre de chrétiens ont autant de répugnance pour le nom que pour la chose.
    Que veut dire ce mot de réveil ? Il veut dire simplement le passage des ténèbres à la lumière; la découverte, la mise au jour, de quelque trésor caché. Nous sommes tous d'avis, je crois, que nous vivons dans un temps de grande disette spirituelle. Je doute fort que parmi les familles représentées aujourd'hui dans cette salle, il y en ait une seule qui ne compte au moins un membre qu'elle voudrait voir entrer dans le troupeau de Dieu, et accepter le salut.
    Dans le commerce et l'industrie, on désire un réveil. De tous côtés, en Europe comme de, l'autre côté de l'Atlantique, j'entends dire qu'il y a un calme plat dans les affaires. On désire beaucoup qu'il y ait bientôt un réveil. En politique, aussi, on aime les réveils de l'opinion publique. Dans toutes les branches de l'activité humaine, partout où les hommes ont des intérêts, on désire les réveils.
    Si ce désir est légitime, - et je ne prétends pas qu'il ne soit parfaitement légitime à sa place, - pourquoi les enfants de Dieu ne désireraient-ils pas, ne demanderaient-ils pas à présent un réveil de piété dans le monde? N'avons-nous pas besoin d'un réveil de droiture, de vérité, de sincérité, de tempérance? N'y a-t-il pas beaucoup d'hommes qui s'écartent de l'Eglise de Dieu pour fréquenter le cabaret? Nos fils ne s'éloignent-ils pas par centaines et par milliers, de telle sorte que souvent, le dimanche, nos églises restent vides tandis que les cabarets se remplissent.
    Je suis sûr que les marchands de vin sont très contents quand il y a un réveil dans leurs affaires. Ils ne sont pas fâchés de vendre plus de vins et de liqueurs. Eh bien! Est-ce que tout vrai chrétien ne devrait pas désirer que les hommes qui sont en danger de périr éternellement fussent sauvés et rachetés ?
    Beaucoup de personnes ont l'air de croire que les réveils sont une invention moderne, - qu'ils ne sont connus que depuis quelques années. C'est une erreur. Les réveils ne sont pas une nouveauté. S'ils n'ont pas pour eux l'autorité de l'Écriture Sainte, alors j'avoue que je ne comprends pas ma Bible.
Pendant les premiers deux mille ans de l'histoire du monde, il n'y a pas eu de réveil, à notre connaissance. S'il y en avait eu, il est probable que le déluge n'aurait pas été nécessaire. Le premier véritable réveil dont il soit fait mention dans l'Ancien Testament, eut lieu quand Moïse alla en Egypte pour faire sortir ses frères de la maison de servitude. Il dut y avoir une grande émotion dans la terre de Goscen quand Moïse y arriva. On fit alors beaucoup de choses qu'on n'avait pas l'habitude de faire.
    Lorsque trois millions d'Hébreux furent protégés contre l'ange exterminateur par le sang de l'agneau pascal, qu'était-ce autre chose qu'un réveil de l’œuvre de Dieu parmi son peuple ?
    Sous Josué, il y eut un grand réveil ; et encore sous les Juges. Dans ces temps anciens, Dieu réveillait souvent le peuple d'Israël. Samuel convoqua le peuple à Mizpah et lui ordonna de détruire ses idoles. Alors les Israélites sortirent et battirent les Philistins qui ne revinrent plus pendant la vie de Samuel. Qui sait, dit le Dr Bonar, si David et Jonathan ne furent pas convertis pendant ce réveil du temps de Samuel ?
    N'est-ce pas aussi un réveil qui signala les jours d'Elie ? Le peuple s'était de nouveau adonné à l'idolâtrie, et le prophète l'avait convoqué sur le mont Carmel. Pendant que la multitude était assemblée sur la montagne, Dieu répondit par le feu ; alors le peuple se prosterna la face contre terre, en s'écriant : « C'est l'Éternel qui est Dieu ! C'est l'Éternel qui est Dieu! » La nation tout entière retournait à son Dieu. Il se trouva, probablement, bien des gens pour critiquer cet élan de repentir et pour dire qu'il n'aurait pas de suites durables. C'est ce qu'on n'a cessé de répéter depuis 4000 ans, c'est ce qu'on répète encore aujourd'hui. Je crois entendre quelque témoin de la scène du Carmel dire en hochant la tête, tout comme les sages d'aujourd'hui: « Cet enthousiasme s'éteindra bientôt. »
    Si nous arrivons aux jours du Nouveau Testament, nous trouvons le grand réveil provoqué par la prédication de Jean-Baptiste. Y a-t-il jamais eu un homme, excepté le Sauveur lui-même, qui ait accompli tant de choses en si peu de temps? Cette prédication fut comme un souffle de printemps après un long et triste hiver. Depuis quatre cents ans, aucun prophète n'avait paru en Israël, et les ténèbres enveloppaient la nation. La venue de Jean fut comme l'apparition d'un brillant météore annonçant le lever du jour. Ce n'était ni dans le temple de Jérusalem, ni dans aucune synagogue, qu'il faisait entendre ses appels, mais sur les bords du Jourdain. Hommes, femmes, enfants accouraient en foule pour l'entendre. Il est relativement facile de réunir un auditoire dans une grande ville, mais ceci se passait dans le désert. Une grande agitation régnait évidemment dans les esprits. Presque toute la population sortait des villes et des villages pour entendre la prédication de Jean.
    C'est étonnant comme on redoute toute espèce d'agitation religieuse. Il y a quelques années, on me demanda d'aller prêcher sur le champ de courses de Derby. J'ai vu là, en un seul jour, plus d'agitation que je n'en avais vu pendant toute ma vie dans toutes les assemblées religieuses auxquelles j'avais assisté: Et pourtant, personne ne se plaignait qu'il y eût trop d'agitation.
    Voyez ce qui s'est passé à la Pentecôte. Les apôtres annoncèrent l'Evangile, et vous savez quel en fut le résultat. Les gens du monde dirent sans doute que cette grande ferveur ne tarderait pas à s'éteindre. Malgré le martyre de saint Etienne et de saint Jacques, de nouveaux défenseurs surgirent de tous côtés. Saul de Tarse, l'un des persécuteurs d'Etienne, reprit lui-même l’œuvre qu'il avait cherché à anéantir, et cette oeuvre progresse encore.
    Je connais beaucoup d'hommes qui font profession d'être chrétiens et qui passent leur temps à tout critiquer. Ils trouvent à redire au chant, à la prédication; les prières étaient trop longues ou trop courtes, le chapitre de la Bible n'était pas bien choisi. Le prédicateur n'échappe pas à ces critiques. «Je n'aime pas son genre,» dit-on. Si vous doutez de ce que je dis, écoutez les conversations au sortir de ces réunions ou de toute autre assemblée religieuse :
- « Que pensez-vous du prédicateur?» demandera l'un.
- « Eh bien! j'avoue  que j'ai  été désappointé. Je n'aime pas son  genre.  Ses  gestes         manquent    d'à propos. »
- Un autre dira. « Son raisonnement n'était pas assez serré; moi, j'aime la logique. »
- Un troisième: « Je trouve qu'il n'a pas assez parlé de la repentance. »
    Je vous ferai observer que si un prédicateur ne fait pas dans chacun de ses sermons un exposé complet de la doctrine chrétienne, il s'élèvera des plaintes contre lui. Les uns diront: « Il a beaucoup trop insisté sur la repentance; et n'a pas assez parlé de la grâce ;» tandis que d'autres diront : « Il n'a parlé que de la grâce, et pas assez de la repentance ; » ou bien encore: « Il a beaucoup parlé de la justification, mais il n'a rien dit de la sanctification. » De sorte que si le prédicateur ne traite pas dans le même sermon toutes les doctrines contenues dans la Bible, depuis la Genèse jusqu'à l'Apocalypse, il s'expose aux critiques et au blâme. - « Ce qu'il y a de sûr, dira l'un de ces auditeurs, c'est qu'il ne m'a pas ému du tout. » Un autre, au contraire, dira : « Il ne fait appel qu'à la sensibilité ; j'aime qu'on s'adresse à mon intelligence. » Ou bien : « Il s'adresse trop à la volonté, et ne donne pas assez d'importance à la doctrine de l'élection. » Ou bien encore : - « Il n'y a pas de force dans son enseignement ; il n'insiste pas assez sur le dogme. » Ou encore « Il n'est pas éloquent. » Et ainsi de suite.
    Vous trouverez des centaines de critiques de ce genre parmi les chrétiens de profession ; mais toutes ces observations n'amèneront pas une seule âme à Christ. Je n'ai pas encore prêché un seul sermon que je ne pusse moi-même critiquer d'un bout à l'autre. Je sens que Jésus-Christ devrait avoir un représentant bien plus digne de lui; mais j'ai vécu assez longtemps pour savoir qu'il n'y a rien de parfait en ce monde. Si, pour vous convertir, vous attendez d'avoir trouvé un prédicateur parfait ou des réunions religieuses idéales, je crains bien que vous ne soyez obligés d'attendre jusqu'au millénium. Ce qu'il nous faut, c'est de tenir les yeux fixés sur le Sauveur. Renonçons à notre esprit de critique. Quand j'entends faire des remarques comme celles que j'ai citées, je dis à ces critiques : «Venez faire mieux vous-mêmes. Montez dans cette chaire, et montrez-nous ce que vous savez faire. » Mes amis, il est si facile de trouver à redire. Il ne faut pour cela ni beaucoup de tête, ni beaucoup de cœur.
    Il y a quelques années, le pasteur d'une petite Eglise dans un village d'Amérique tomba dans un grand découragement. A force de broyer du noir, il prit l'habitude de murmurer et de se plaindre de tout. Il se plaignait même de ses collègues, s'imaginant qu'ils manquaient d'égards pour lui. Un de ses amis vint passer quelque temps chez lui afin de lui prêter son concours pour des services spéciaux. 
    Le Dimanche matin, à l'issue du service, les deux pasteurs se trouvant seuls, celui qui était si malheureux dit à son confrère : « Vous ne pouvez pas vous figurer tout ce que j'ai à souffrir, surtout de la part de mes collègues ; ils me traitent vraiment bien mal. » Son ami répondit en lui posant quelques questions.
- « Vous ont-ils jamais craché au visage?»
- « Non, ils n'en sont pas encore venus là. »
- « Vous ont-ils jamais frappé ? »
- «Non. »
- « Vous ont-ils jamais couronné d'épines? »
    A cette dernière question, il courba la tête en silence. Son ami poursuivit: « Votre Maître et le mien fut traité ainsi ; tous ses disciples s'enfuirent, et l'abandonnèrent aux mains des méchants. Pourtant, il n'ouvrit point la bouche. » L'effet de cette conversation fut remarquable. Les deux ministres s'agenouillèrent, et implorèrent avec ferveur une nouvelle mesure de l'esprit qui était en Jésus-Christ.
    Pendant les réunions qui suivirent, un grand changement se fit chez le pasteur du village. Il travailla, il pria avec son ami, et beaucoup d'âmes furent amenées à Christ. Quelques semaines plus tard, un des diacres de l'Église écrivait au pasteur étranger :
« Votre visite, vos conversations avec notre pasteur, ont exercé une merveilleuse influence sur lui. Jamais nous ne l'entendons se plaindre, et il travaille avec zèle et entrain. »
    Une autre accusation que j'entends porter contre les réveils, c'est qu'ils s'écartent de l'ordre régulier des choses. C'est évident, mais cela ne suffit pas pour prouver qu'ils soient mauvais. Eldad et Médad, quand ils se mirent à prophétiser dans le désert, s'écartaient aussi de l'ordre habituel. Josué voulait que Moïse les reprit, mais au lieu de les blâmer, que dit celui-ci? « Plût à Dieu que tout le peuple de l'Éternel fût prophète ! » Elie et Elisée ne faisaient pas partie de l'école régulière des prophètes, et pourtant ils exercèrent une puissante influence sur leurs contemporains. Jean-Baptiste ne reçut pas non plus une éducation régulière. Ce fut dans le désert et la solitude qu'il apprit la théologie. Et Jésus-Christ lui-même, ne s'écartait-il pas de l'ordre régulier ? Quand Philippe dit à Nathanaël qu'il avait trouvé le Messie, Nathanaël répondit : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? »
    Quand nous lisons l'histoire des derniers siècles, nous voyons que Dieu s'est souvent servi d'hommes qui sortaient de la routine, pour ainsi dire. Martin Luther eut à faire beaucoup de choses extraordinaires avant de pouvoir accomplir la grande Réforme du XVIe siècle. - Et aujourd'hui il y a dans le monde environ soixante millions d'hommes qui adhèrent à la foi évangélique. Wesley et Whitefield, en Angleterre, se sont aussi écartés de l'ordre établi, et pourtant ils ont accompli de grandes choses.
    Mes amis, toutes les fois que Dieu agit, il faut s'attendre à voir des choses qui ne s'accordent pas avec les idées reçues. J'avoue que cela me paraît fort heureux. Il y a un grand nombre d'hommes que l'on ne peut pas atteindre, semble-t-il, par les moyens ordinaires, et qui viendront à des réunions du genre de celles-ci. Vous avez des églises et des chapelles, il est vrai, mais nous voulons faire un effort pour atteindre ces masses nombreuses qui refusent d'y entrer. Les uns viendront à ces réunions, uniquement parce qu'elles ne doivent durer que peu de jours. Dans ce cas, on fera bien de se hâter, sinon il ne sera plus temps. Les autres viennent par pure curiosité, pour savoir comment les choses se passent ; et souvent, dès la première réunion, ils sont touchés par quelque parole, quelque chant. Ils entendent, au moins, la bonne nouvelle du salut, et peut-être deviendront ils de vrais chrétiens, des membres utiles de la société.
    Vous entendrez dire quelquefois : « Nous avons nos églises et nos chapelles ; si l'on ne veut pas y entrer, nous n'y pouvons rien. » Ce n'est pas là l'Esprit de notre Maître. Quand la guerre civile éclata en Amérique, les Etats-Unis n'avaient qu'une très petite armée. Le gouvernement fit appel aux volontaires.
    Des centaines de milliers d'hommes répondirent à cet appel, et allèrent grossir les rangs de l'armée régulière. Il y avait de la besogne pour tout le monde. Ces volontaires n'étaient pas aussi instruits, pas aussi bien exercés que les soldats plus anciens, mais on utilisa les troupes irrégulières aussi bien que les troupes régulières. Ces volontaires devinrent d'excellents soldats, et rendirent de grands services à leur patrie. Si nous voulons atteindre les masses, il faut avoir recours aux corps francs, aussi bien qu'aux troupes de ligne.
    Je connais une école du Dimanche, aux Etats-Unis, qui était tombée dans la plus complète routine. Il arriva que le directeur s'étant retiré, il fut remplacé par un homme beaucoup plus jeune Celui-ci eut envie de changer les bancs de place, mais un des plus anciens membres du comité lui dit que les bancs étaient arrangés de cette façon depuis un grand nombre d'années, et qu'il ne fallait pas y toucher. Il y a encore beaucoup de cet esprit parmi nous. Il me semble, pour ma part, que si un système ne réussit pas, il faut y renoncer, et en essayer un autre. Si les hommes ne veulent pas avoir recours aux moyens de grâce ordinaires, tâchons de les atteindre autrement, et de les amener à Dieu.
    Ne critiquons pas tout ce qui se fait de nouveau par cela seul que cela ne s'est pas encore fait, ou que nous aimerions mieux que cela se fît autrement. Je suis las d'entendre les gens se plaindre perpétuellement. Ne les écoutons pas, et marchons en avant pour accomplir l’œuvre que Dieu nous a
donnée à faire. On porte contre les réveils une autre accusation, plus grave encore que celle-ci.   

    L’œuvre ne durera pas, dit-on. A cela je réponds que cette objection a dû être faite dès le jour de la Pentecôte. Quand Etienne fut lapidé, quand Jacques, le frère du Seigneur, fut décapité, quand tous les apôtres furent mis à mort, on dut certainement dire que la Pentecôte avait été un immense échec. Avait-elle vraiment été un échec? Les fruits de ce réveil ne subsistent-ils pas encore aujourd'hui?
    Aux yeux du monde, la mission de Jean-Baptiste dut paraître un échec le jour où il fut décapité par ordre du roi Hérode. Mais aux yeux de Dieu, sa mission n'avait pas été inutile. L'Église de nos jours subit encore l'influence du prophète du désert. En voyant Jésus mourir sur la croix, le monde a pu croire qu'il avait échoué dans son oeuvre ; mais aux yeux de Dieu, il n'en était pas ainsi. La colère des hommes fit éclater la gloire et la bonté de Dieu.
    J'éprouve peu de sympathie pour les pasteurs qui, lorsque Dieu ranime les Eglises, se mettent à prêcher contre les réveils. Il n'existe pourtant pas, dans toute la chrétienté, une seule Eglise qui ne soit sortie d'un réveil. L'Église catholique, l'Église épiscopale d'Angleterre se disent, l'une et l'autre, d'origine apostolique ; dans ce cas, elles sont issues du réveil de la Pentecôte. L'Église méthodiste est issue des réveils qui ont eu lieu sous John Wesley et George Whitefield. L'Église luthérienne ne doit-elle pas son existence au grand réveil qui ébranla l'Allemagne au temps de Luther? L'Écosse ne fut-elle pas tirée de son engourdissement par la prédication de John Knox? Et l'origine des quakers ne remonte-t-elle pas à l’œuvre que Dieu a accomplie par le moyen de George Fox? Malgré cela, on prend peur dès qu'il se fait quelque tentative pour sortir de la routine. Demandons à Dieu de susciter beaucoup d'hommes capables de réveiller aujourd'hui son Eglise. Je crois qu'il en est besoin.
    Dans un des endroits que nous avons visités, il y avait une Eglise tout à fait opposée aux réveils. On fit comprendre au pasteur que s'il prenait part au mouvement, il s'aliénerait une partie de sa congrégation. Il consulta les archives de l'Église, et vit que les quatre cinquièmes de ses membres avaient été convertis pendant des réveils, entre autres le directeur de l'École du Dimanche, tout le conseil de l'Église, et presque tous les membres actifs. Le Dimanche suivant, le pasteur monta en chaire et prêcha un sermon sur les réveils, en ayant soin de rappeler ce qui s'était passé autrefois. Il arrive souvent que des personnes qui s'opposent maintenant aux réveils ont elles-mêmes été converties dans un temps de réveil.
    Il y a quelque temps, un pasteur éminent prêcha un sermon contre ces réveils ; il n'y croyait pas, disait-il. Quelques-uns des membres de son Eglise consultèrent les archives pour voir combien de membres avaient été admis dans l'Église sur la profession de leur foi, pendant les douze dernières années ; il n'y en avait pas un seul. Et pourtant le pasteur parlait contre les réveils !
    Mon expérience m'a appris que les chrétiens qui ont été convertis en un temps de grande ferveur religieuse sont même plus forts, plus fermes que ceux qui sont entrés dans l'Église en des temps ordinaires. Les jeunes convertis s'entr'aident mutuellement, et plus ils sont nombreux, plus leurs débuts dans la vie chrétienne sont sérieux.
    On prétend que tous les convertis ne persévèrent pas. Hélas ! tous ceux qui écoutèrent la prédication de Jésus-Christ ne persévérèrent pas non plus. « Plusieurs de ses disciples se retirèrent et n'allèrent plus avec lui. »
    Saint Paul était dans la douleur de voir que plusieurs de ceux qui avaient fait profession de croire se conduisaient comme des ennemis de la croix de Christ. Le Maître nous enseigne dans la parabole du Semeur qu'il y a différentes espèces d'auditeurs ; il les représente par le bord du chemin, par le terrain pierreux, par les épines et par la bonne terre. Ces différentes catégories d'auditeurs se retrouveront jusqu'à la fin des siècles. J'ai dans mon jardin un pommier qui se couvre de fleurs tous les printemps. Si toutes ces fleurs se transformaient en fruits, l'arbre se romprait. Les neuf dixièmes des fleurs, environ, tomberont à terre, et pourtant j'ai une belle récolte de pommes.
    De même, beaucoup de ceux qui font profession de croire à l'Évangile retournent au monde. Ce sont peut-être ceux qui avaient donné les plus belles promesses qui se lassent le plus vite ; tandis que ceux dont on avait espéré moins, deviennent les chrétiens les plus sérieux et les plus fermes. Tout ce que nous avons à faire maintenant, c'est de jeter la semence. C'est à Dieu à préparer le terrain et à donner l'accroissement. J'ai souvent dit que si j'avais été chargé de convaincre les hommes de péché, j'aurais renoncé à la tâche depuis longtemps. C'est là l’œuvre du Saint-Esprit. Ce que nous avons à faire, c'est de répandre la bonne semence de la Parole de Dieu, avec la confiance que Dieu la bénira pour le salut des âmes.
    Il est évident que nous ne devons pas compter beaucoup sur le concours de ceux qui parlent sans cesse contre les réveils. Je crois que beaucoup de nouveaux convertis sont refroidis par ceux qui condamnent ces efforts spéciaux. Si nous en voyons quelquefois retourner au monde, ce n'est pas toujours de leur faute.
    Dans une ville des États-Unis où je prêchais récemment, un ministre me dit . « J'espère que nous aurons de meilleurs résultats que lors du mouvement religieux qui s'est fait ici il y a cinq ans. A cette époque-là, une centaine de nouveaux convertis se sont joints à mon Eglise, et aujourd'hui, à une ou deux exceptions près, je ne sais ce qu'ils sont devenus.» C'était fort décourageant. J'en parlai à un autre pasteur de la même ville, disant que j'aimerais beaucoup mieux renoncer à l'évangélisation et me remettre aux affaires si les résultats ne devaient pas être plus durables. Il me répondit : « Moi aussi, j'ai reçu dans mon Eglise une centaine de nouveaux convertis, mais il en reste encore quatre-vingt-dix-huit.
    Je les ai suivis et observés depuis cinq ans, et deux seulement nous ont quittés.» Il me demanda ensuite si son collègue m'avait raconté ce qui s'était passé dans son troupeau après la réception de ces nouveaux membres. Quelques-uns d'entre eux s'étaient figuré qu'il fallait tout réorganiser ; il y eut des divisions entre eux, et peu à peu, ils quittèrent l'Église où ils venaient d'entrer. Soyez sûrs que quiconque se mettra de tout cœur à l’œuvre ne manquera pas d'encouragement.
    Il est très facile de critiquer une oeuvre comme celle-ci ; mais, généralement, ceux qui critiquent le plus, non seulement ne font rien du tout eux-mêmes, mais ne savent pas de quoi ils parlent. Il faut convenir qu'il n'est pas juste de condamner une oeuvre que nous ne nous sommes pas donné la peine d'examiner et de connaître personnellement. Si, au lieu de rester tranquillement à leurs places et de regarder autour d'eux, nos critiques voulaient se donner la peine d'entrer en rapport avec ceux qui fréquentent nos réunions et leur parler de leurs âmes, ils sauraient bientôt si l’œuvre est sérieuse ou non.
    On m'a raconté l'histoire d'un officier qui revenait des Indes. Pendant un dîner où il se trouvait chez un de ses amis, on lui fit quelques questions sur les missions, et il répondit qu'il n'avait pas vu un seul indigène converti pendant tout le temps qu'il avait passé aux Indes. Un missionnaire, qui se trouvait parmi les convives, ne releva pas directement cette assertion; il se contenta de demander au sceptique Anglais s'il avait jamais vu des tigres dans les Indes. L'officier se frotta les mains comme si cette question évoquait des souvenirs charmants « Des tigres ! s'écria-t-il. Je crois bien que j'en ai vu ; j'en ai tué un bon nombre. » - « Eh bien, répondit le missionnaire, j'ai passé bien des années aux Indes, et je n'ai jamais vu de tigres. » Pendant que l'un des deux voyageurs avait cherché des tigres, l'autre avait cherché des convertis, et chacun avait trouvé ce qu'il cherchait.
    Si nous nous mettons à la recherche de ceux qui ont réellement accepté l'Évangile, nous en trouverons ; c'est hors de doute. Mais il est non moins certain que dans presque tous les cas, ceux qui parlent contre les réveils n'en savent absolument rien par expérience. Vous imaginez vous que les nouveaux convertis vont aller frapper à votre porte pour vous annoncer le changement qui s'est fait dans leur vie ? Si vous voulez savoir la vérité, allez chez eux, et entrez en conversation avec eux.
    J'espère que personne n'aura peur des entretiens particuliers qui suivent ces réunions. Je connais des gens qui y sont très opposés, mais je maintiens que c'est une excellente chose, tout à fait sensée.
    Quand un écolier ne peut pas résoudre un problème d'algèbre, par exemple, il cherche quelqu'un qui connaisse l'algèbre, et le prie de lui aider. - Or, le problème qui se pose maintenant devant nous, c'est le problème de la vie éternelle, et il faut qu'il soit résolu par chacun de nous. Pourquoi ne demanderions-nous pas à ceux qui ont plus d'expérience que nous de nous aider de leurs conseils ? Si nous nous trouvons en présence de quelque difficulté qui nous paraisse insurmontable, il est probable que nous rencontrerons quelque personne vraiment pieuse qui aura éprouvé la même difficulté il y a vingt ans; elle sera heureuse de nous aider, et de nous dire comment elle est venue à bout de la vaincre. Ne craignez donc pas de lui demander conseil.
    Parmi toutes les personnes qui composent cette assemblée ou qui assisteront à nos réunions, il n'y en a pas une seule, j'en suis sûr, qui ne puisse trouver dans la Parole de Dieu la réponse aux questions qui la troublent. Mais si vous ne nous communiquez pas vos pensées et vos difficultés, comment pourrons-nous vous être utiles? Je pourrais parler du haut de cette chaire pendant trente jours consécutifs et ne pas toucher le point spécial qui vous préoccupe, tandis que vingt minutes de conversation particulière pourraient suffire pour dissiper tous vos doutes et toutes vos difficultés.
    J'ai revu dernièrement une dame qui avait eu beaucoup d'entretiens particuliers, il y a neuf ans, avec des personnes qui fréquentaient nos réunions. Elle m'a dit qu'elle était encore en relation avec toutes ces personnes, au nombre d'environ trente-cinq, et qu'elle avait tout lieu de croire qu'elles étaient sincèrement chrétiennes. Elle leur avait écrit des lettres, elle leur avait envoyé de petits souvenirs à Noël, et autant qu'elle pouvait en juger, aucune d'elles ne s'était écartée du bon chemin. Elle s'est mêlée à leur vie, elle a pris part à tout ce qui les touchait, et elle leur a été en bénédiction.
    Si nous avions un millier de collaborateurs de ce genre, nous ne tarderions pas, avec l'aide de Dieu, à voir des merveilles et des prodiges. Il n'y a pas de catégorie d'êtres humains, quelque dégradés et quelque coupables qu'ils soient qu'on ne puisse atteindre, pourvu qu'on veuille s'en donner la peine.
    Bien des chrétiens sont assoupis ; il faut les réveiller, afin qu'ils prennent à cœur les intérêts éternels de ceux qui vivent dans l'insouciance et le péché. Mettons de côté nos préjugés. Si le Seigneur est à l’œuvre, qu'importe si la manière dont l’œuvre se fait est en accord ou non avec nos idées préconçues ou avec les anciens usages.
    Qu'un seul cri s'élève de tous nos cœurs pour demander à Dieu de faire revivre son oeuvre au milieu de nous ! Que cette oeuvre de réveil commence tout d'abord pour nous, qui nous réclamons du nom de notre Sauveur. Ecartons tous les obstacles qui pourraient venir de nous-mêmes. Alors, avec le secours de l'Esprit de Dieu, nous pourrons atteindre ces milliers de gens qui ne mettent jamais le pied dans aucune église, et des multitudes d'âmes entreront dans le royaume de Dieu.


Chapitre 2
AIMER POUR SERVIR

    Je désire attirer votre attention sur le treizième chapitre de la première Epitre de saint Paul aux Corinthiens, en remplaçant le mot de charité, par celui d'amour; « Quand même je parlerais toutes les langues des hommes, et même des anges, si je n'ai point l'amour, je ne suis que comme l'airain qui résonne, ou comme une cymbale qui retentit. Et quand même j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères de la science de toutes choses; et quand même j'aurais toute la foi, jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai point l'amour; je ne suis rien. Et quand même je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres et que même je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point l'amour, cela ne me sert de rien. »
    C'est une grande chose que d'être un prophète comme Daniel, ou Esaïe, ou Elie, ou Elisée mais saint Paul nous apprend ici que l'esprit d'amour est une chose plus grande encore que l'esprit de prophétie. Marie de Béthanie, qui savait si bien aimer, était supérieure à ces grands prophètes. «L'amour est patient, il est plein de bonté; l'amour n'est point envieux; l'amour n'est point insolent; il ne s'enfle point d'orgueil ; il n'est point malhonnête; il ne cherche point son intérêt ; il ne s'aigrit point ; il ne soupçonne point le mal ; il ne se réjouit point de l'injustice, mais il se réjouit de la vérité ; il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. L'amour ne périt jamais. Pour ce qui est des prophéties, elles seront abolies, et le don des langues cessera, et la connaissance sera anéantie. Maintenant donc, ces trois choses demeurent : la foi, l'espérance et l'amour ; mais la plus grande, c'est l'amour. »
    L'ennemi s'était introduit dans la petite Eglise fondée à Corinthe par l'apôtre Paul, et il y avait des divisions parmi les disciples. L'un disait: « Pour moi, je suis d'Apollos ; » - un autre disait: « Pour moi, je suis de Céphas ; » et un troisième : « Pour moi, je suis de Paul. » - Paul vit tout de suite que ces divisions, que ce manque d'amour des enfants de Dieu les uns pour les autres auraient des conséquences désastreuses pour l'Église, et alors il écrivit cette lettre. Je suis convaincu que si tous les vrais croyants pouvaient se pénétrer de l'esprit de ce chapitre et le mettre en pratique pendant un an, l'Église de Dieu verrait se doubler le nombre de ses enfants. L'un des plus grands obstacles au développement de l’œuvre de Dieu aujourd'hui est bien certainement ce manque d'amour parmi les disciples de Jésus-Christ.
    Quand nous aimons quelqu'un, nous ne cherchons pas sans cesse à attirer l'attention sur ses défauts. On a dit avec raison : Il ne manque pas de traités sur l'éloquence ; mais, chose curieuse, il n'en est pas un seul qui indique le véritable secret de toute vraie éloquence; ce secret, c'est l'amour. Pour atteindre les hommes, il faut les aimer beaucoup. Quel que soit leur degré de culpabilité, ou d'indifférence, ou d'ingratitude; quelque bas qu'ils soient tombés, il faut surtout et avant tout les aimer. L'amour, c'est la sève de l'Évangile, c'est le secret de toute prédication forte et vivante, c'est l'inspiration la plus puissante de l'éloquence. Le but de toute prédication est de ramener à Dieu les cœurs des hommes, et l'amour seul sait découvrir les sentiers mystérieux qui conduisent au cœur. Si, donc, vous ne possédez pas un fervent amour et une profonde compassion pour l'humanité, soyez sûr que nous n'avez pas reçu le don de l'éloquence chrétienne. Vous ne réussirez pas à gagner des âmes, vous n'acquerrez jamais cette domination, excellente entre toutes, la domination qu'on exerce sur le cœur de l'homme. Un proverbe arabe dit: « L'épée fait courber le cou; mais le cœur seul fait courber le cœur. » On ne résiste pas à l'amour.
    Ecoutez ces paroles: « L'amour est patient ; il est plein de bonté ; l'amour n'est point envieux.» Que de fois n'arrive-t-il pas que si l'un de nos frères nous éclipse, nous éprouvons de l'envie au fond de notre cœur. Il faut beaucoup de grâce divine pour détruire ce sentiment-là. « L'amour n'est point insolent; il ne s'enfle point d'orgueil. » Les chrétiens ont peu d'ennemis plus redoutables que cet esprit de rivalité gui demande sans cesse : « Lequel sera le plus grand? »
   Il y a quelques années, j'ai lu un livre qui m'a fait beaucoup de bien. Il était intitulé « L'éducation des Douze. » L'auteur disait que Jésus avait passé la plus grande partie de son temps, pendant les trois ans et demi de son ministère, à former douze hommes. L'éducation qu'il leur donna était bien différente de celle qu'on donne aujourd'hui dans nos collèges et dans nos écoles. Tandis que le monde encourage l'ambition, Jésus enseigne à ses disciples l'humilité. Il les exhorte à se prévenir les uns les autres par honneur; à n'être point enflés d'orgueil, à n'être point envieux, mais plutôt, à être doux et humbles de cœur.
    Un peintre de l'antiquité, ayant été chargé de faire un portrait très ressemblant d'Alexandre le Grand, se trouva dans un grave embarras. Pendant une de ses guerres, Alexandre avait reçu au front un coup d'épée, et en avait conservé une longue cicatrice. L'artiste se dit: Si je représente la cicatrice, j'offenserai les admirateurs du monarque ; et si je l'omets, la ressemblance ne sera pas exacte. Que faut-il faire? Il imagina un heureux expédient , et représenta le grand roi, le front appuyé dans sa main, cachant ainsi la cicatrice.
    Ne pourrions-nous pas nous représenter de même les uns les autres, en posant la main de la charité sur la cicatrice, au lieu d'en faire ressortir toute la profondeur ? Les païens mêmes peuvent donner aux chrétiens une leçon de charité, de bonté et d'amour.
    Ce désir d'occuper le premier rang a failli perdre l'Eglise plus d'une fois pendant le cours de son histoire. Si l'Eglise n'avait pas été d'origine divine, elle serait tombée en ruines depuis longtemps. De nos jours encore, on pourrait citer à peine un seul mouvement de réforme qui n'ait couru le danger d'être entravé ou anéanti par ce misérable esprit d'ambition et de personnalité. Que Dieu nous aide à détruire cet esprit, à jeter loin de nous notre vanité et notre orgueil, et à accepter Christ pour notre Maître, afin qu'il nous montre dans quel esprit il faut travailler pour lui.
    Une des choses qui durent le plus attrister la vie de Jésus, ce fut la manifestation de cet esprit parmi ses disciples, même pendant les dernières heures de son séjour au milieu d'eux, et jusqu'au moment où il fut emmené pour être crucifié. Nous lisons dans l'Évangile de saint Luc : « Jésus dit à ses apôtres: Voici la main de celui qui me trahit est à table avec moi. Pour ce qui est du Fils de l'homme, il s'en va, selon qu'il a été déterminé; mais malheur à cet l'homme par qui il est trahi! Alors ils commencèrent à se demander les uns aux autres qui était celui d'entre eux qui ferait cela. Il arriva aussi une contestation entre eux, pour savoir lequel d'entre eux devait être regardé comme le plus grand.
    « Mais il leur dit: Les rois des nations les maîtrisent, et ceux qui usent d'autorité sur elles sont nommés bienfaiteurs. Il n'en doit pas être de même entre vous; mais que celui qui est le plus grand parmi vous soit comme le moindre, et celui qui gouverne comme celui qui sert ; car qui est le plus grand, celui qui est à table, ou celui qui sert? N'est-ce pas celui qui est à table? Et cependant je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »
    Même en un moment aussi solennel, pendant cette nuit mémorable où le Seigneur venait d'instituer la Sainte-Cène avec ses disciples, après avoir mangé la pâque avec eux, et où il s'avançait vers la croix, - même alors, cette pensée remplit leurs cœurs : Lequel sera le plus grand?
    Il existe une charmante tradition sur la fondation du temple de Salomon. Le terrain sur lequel il fut construit appartenait en commun à deux frères, dont l'un avait des enfants, et l'autre n'en avait pas. Ils y avaient semé du blé. Le lendemain de la moisson, deux meules ayant été élevées, l'aîné des deux frères dit à sa femme : « Mon jeune frère n'a pas la force de supporter la fatigue et la chaleur du jour, je vais prendre une partie de mes gerbes et les ajouter à sa meule sans qu'il le sache. » Le frère cadet, animé de sentiments semblables, se dit en lui-même : « Mon frère a des enfants, et moi je n'en ai pas. Je vais prendre une partie de mes gerbes et les ajouter à sa meule.
    Quel ne fut pas leur étonnement le lendemain, en trouvant leurs meules respectives aussi grandes que la veille. La même aventure se renouvela plusieurs nuits de suite. Chacun d'eux résolut enfin de veiller toute la nuit afin d'éclaircir le mystère. C'est ce qu'ils firent, et la nuit suivante, ils se rencontrèrent à mi-chemin entre leurs deux meules, les bras chargés de gerbes. Ce fut sur un terrain sanctifié par un tel souvenir que s'éleva le magnifique temple de Salomon, la merveille et l'admiration du monde. Hélas ! de nos jours, combien de frères seraient disposés à dérober toute la meule de leur frère plutôt qu'à y ajouter une seule gerbe !
    Si nous voulons apprendre à gagner les âmes, si nous voulons être utiles au service de notre Maître, il faut nous débarrasser de ce maudit esprit de rivalité et d'amour-propre. C'est là le fond de la pensée de saint Paul dans ce passage de son épître aux Corinthiens. Il leur dit qu'on a beau avoir beaucoup de foi et de zèle, et distribuer beaucoup d'aumônes, si l'on n'a pas d'amour, on est comme l'airain qui résonne ou une cymbale qui retentit. Si ce n'est pas l'amour qui inspire et remplit tous nos discours, nous ferions tout autant de bien aux âmes en sonnant de la trompette du haut de la chaire qu'en prêchant des sermons. On peut annoncer la vérité ; on peut enseigner la doctrine évangélique dans toute sa pureté ; si le cœur n'est pas rempli d'amour pour ceux auxquels on s'adresse, si on prêche par métier, l'apôtre le déclare, on n'est qu'une cymbale retentissante.
    Ce qu'il nous faut, ce n'est pas tant de travailler davantage que de travailler pour un meilleur motif. Dieu tient compte du mobile qui nous fait agir, bien plus que de notre activité extérieure. Le seul arbre sur la terre qui puisse produire des fruits agréables à Dieu c'est l'arbre de l'amour.
    En écrivant à son disciple Tite, saint Paul dit : «Enseigne les choses qui conviennent à la saine doctrine : que les vieillards soient sobres, graves, prudents, purs dans la foi, dans la charité (ou dans l'amour), dans la patience.» A quoi servirait-il d'enseigner une saine doctrine, si l'on négligeait l'amour et la patience ? De quelle valeur nos prières peuvent-elles être si elles ne sont pas inspirées par l'amour ? On s'étonne parfois de voir tant de prédications irréprochables rester sans résultats. Ne croyez-vous pas que cela tienne à ce qu'on prêche si souvent par métier? Les paroles brillent comme le givre au soleil, mais ne réchauffent pas davantage. Elles n'ont pas une seule étincelle d'amour. - S'il en est ainsi, vous n'aurez que très peu de force. Quand même vous multiplieriez vos réunions d'appel, vos réunions de prières, vos réunions d'actions de grâces, si l'amour ne les inspire pas, vous parlerez en vain. Dieu lui-même vous dit que vous êtes semblables à l'airain qui résonne et aux cymbales qui retentissent.
    On peut être très bon médecin sans aimer ses malades. On peut être très bon avocat sans aimer ses clients. Un négociant peut faire d'excellentes affaires sans se soucier le moins du monde de ses pratiques. Un savant peut nous expliquer les merveilles de la science ou de la théologie sans éprouver le moindre amour pour nous; mais sans amour, il est impossible de travailler sérieusement pour Dieu et de gagner les âmes. On peut passer au yeux du monde pour être un grand prédicateur, on peut attirer la foule par de brillants discours ; si un sincère amour pour Dieu et pour les âmes n'est pas la force motrice de toute cette éloquence, elle s'évanouira comme une vapeur et comme la rosée du matin.
    On raconte que toutes les fois que les Athéniens entendaient Démosthène, ils étaient émus au point de se sentir prêts à partir pour combattre Philippe de Macédoine. Ils entendaient aussi avec plaisir un autre orateur qui les charmait par son éloquence ; mais à peine le discours était-il fini, que le charme se rompait, les belles paroles avaient été creuses. Il ne suffit donc pas de prononcer de brillants discours qui peuvent entraîner la multitude au moment même; s'ils ne reposent pas sur un sentiment profond, leur influence ne sera pas durable. Ce qui faisait la force de Démosthène, c'était son amour pour sa patrie, et cet amour, il le communiquait à tout le peuple.
    Lorsque nous aimerons davantage, il nous sera facile de travailler pour le Seigneur. Rien ne nous paraîtra trop insignifiant. Dieu ne bénit point les travaux les plus importants si l'amour est étranger ; mais il prend plaisir aux petites choses faites par amour. Un verre d'eau froide donné à l'un de ses enfants par amour pour lui, a plus de valeur à ses yeux que la conquête d'un royaume, inspirée par l'ambition et la vaine gloire.
    Je suis fatigué d'entendre toujours répéter le mot de devoir comme si c'était l'unique mobile du chrétien. De tous côtés, j'entends dire: Je fais ceci, ou cela, parce que c'est mon devoir. L'expérience m'a prouvé que les chrétiens qui parlent ainsi sont ceux qui réussissent le moins bien dans leur travail. N'avons-nous pas un mobile plus puissant que le simple devoir? Ne pouvons-nous pas nous mettre au service de Christ parce que nous l'aimons ? Quand c'est l'amour qui nous pousse, le travail nous paraît toujours facile. Une mère n'a pas de peine à soigner son enfant malade. Elle ne regarde pas cela comme une corvée. Saint Paul ne nous parle jamais de la peine que le service de son maître lui a coûtée. Il était pressé de travailler parce qu'il aimait son Sauveur et qu'il se sentait aimé par lui. Lutter, souffrir même pour son Maître bien-aimé, c'était une joie pour lui.
    Vous me répondez peut-être que j'ai tort de parler contre le devoir; beaucoup de choses ne se feraient jamais sans le sentiment du devoir. C'est vrai, mais je voudrais vous faire sentir que ce n'est pas un mobile suffisant, et que vous pouvez en avoir un autre bien plus puissant.
    Je vais bientôt retourner dans ma patrie, de l'autre côté de l'Atlantique. Je pense en ce moment à une mère aux cheveux blancs qui habite, sur les bords du Connecticut, la même petite ville depuis quatre-vingts ans. Supposons que je lui apporte un présent à mon retour, et qu'en le lui donnant, je dise : « Vous avez été si bonne pour moi autrefois que j'ai cru de mon devoir de vous apporter un cadeau. » Que penserait-elle de moi si je lui parlais ainsi ? Mais si au contraire je le lui apporte comme un témoignage de mon grand amour pour elle, quel prix n'attachera-t-elle pas à mon souvenir! De même, Dieu désire que ses enfants ne le servent pas seulement par devoir. Il n'aime pas que ce soit une chose pénible pour nous de faire sa volonté.
    Voyez les soldats. S'ils ne se battent que parce qu'ils y sont forcés, ils ne remporteront pas beaucoup de victoires. Si, au contraire, ils se battent par amour pour leur pays et pour leurs chefs, rien ne pourra leur résister. Si ce n'est pas l'amour qui vous pousse à travailler pour Christ, ne vous attendez pas à être béni dans votre oeuvre.
    Napoléon essaya de fonder un empire par la force des armes. Alexandre le Grand, César, d'autres conquérants encore, l'avaient essayé avant lui, mais tous, ils ont échoué. Jésus-Christ a fondé son royaume sur l'amour, et ce royaume durera éternellement.
    Quand nous aurons appris à aimer véritablement, tous les mobiles égoïstes et bas disparaîtront, et notre ouvrage pourra supporter l'épreuve du feu.
    Je voudrais vous rappeler encore une chose. L'amour ne songe jamais à ce qu'il recevra en retour de ce qu'il donne. Vous avez tous lu dans l'Evangile selon saint Mathieu la parabole du père de famille qui avait loué des ouvriers pour travailler dans sa vigne. Après en avoir loué plusieurs dès le matin, il en trouva d'autres à différentes heures du jour, et les envoya aussi à sa vigne. Quand le soir fut venu, ceux qui avaient travaillé depuis le matin s'attendaient à recevoir un salaire plus élevé que les autres; aussi se mirent-ils à murmurer et à se plaindre lorsqu'ils virent qu'ils recevaient tous la même chose. Mais quelle fut la réponse du père de famille : « Mon ami, je ne te fais point de tort ; n'as-tu pas accordé avec moi à un denier par jour? Prends ce qui est à toi et t'en va. Je veux donner à ce dernier autant qu'à toi.
    Ne m'est-il pas permis de faire ce que je veux de ce qui est à moi? Ton oeil est-il mauvais de ce que je suis bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers.» J'ai presque toujours vu que les chrétiens qui se demandent sans cesse quelle bénédiction le Seigneur leur donnera en récompense de leur travail ne sont jamais contents. L'amour vrai travaille de tout son cœur sans poser de conditions. Ne marchandons pas avec le Seigneur, mais soyons heureux de faire tout ce qu'il nous demande.
    Je suis certain que si nous nous mettons à l’œuvre avec un cœur plein d'amour pour ceux que nous désirons atteindre, nous verrons toutes les barrières s'abaisser devant nous. L'amour fait naître l'amour, de même que la haine fait naître la haine. L'amour est la clef du cœur humain. Quelqu'un a dit: « La lumière est faite pour l'intelligence, et l'amour est fait pour le cœur. » Commencez par gagner l'affection de ceux que vous cherchez à atteindre; il vous sera facile ensuite de les amener à Christ.
    Je vois des enfants parmi ceux qui m'écoutent. Permettez-moi de leur raconter une histoire. Il y avait une fois un petit garçon qui demeurait sur la lisière d'un bois. Un jour, se croyant seul, il s'amusait à chanter quand il lui sembla entendre la voix d'un autre enfant assez près de lui. - « Hé ! là-bas ! » s'écria-t-il. - «Hé ! là-bas ! » répondit la voix. Il ne savait pas que c'était l'écho de sa voix, et se mit à crier: « Tu es un méchant garçon ! » Naturellement, la voix répondit: « Tu es un méchant garçon.» Après quelques autres paroles du même genre, il rentra à la maison, et dit à sa mère qu'il y avait un vilain enfant dans le bois. La mère, qui comprit ce dont il s'agissait, lui dit: « Oh ! non, il n'est pas méchant. Parle-lui gentiment, et tu verras s'il ne te répond pas de même.» Le petit garçon retourna dans le bois et cria: « Hé ! là-bas. » - « Hé ! là-bas. » - Tu es un bon garçon. » - Inutile de dire que la voix répondit : « Tu es un bon garçon.» - « Je t'aime bien. » Et la voix, toujours fidèle, répondit : « Je t'aime bien. »
    Je vous vois sourire ; et pourtant cette petite histoire vous donne le mot de l'énigme. Plusieurs d'entre vous, peut-être, sont convaincus qu'ils ont des voisins fort désagréables et qu'il est impossible d'avoir de bons rapports avec eux ; il est bien possible que les torts soient tout autant de votre côté que du leur.
    Si vous aimez ceux qui vivent près de vous, ils vous aimeront aussi. Comme je le disais tout à l'heure : l'amour est la clef qui ouvre tous les cœurs. Il n'y a pas au monde un seul être humain tombé si bas qu'on ne puisse l'atteindre avec de l'amour, de la douceur et de la bonté. Il faudra peut-être des années pour en venir à bout, mais la chose est possible. L'amour ne peut pas rester inactif.
    On a dit avec raison : « On peut dissimuler sa fortune, enfouir ses talents ; il y a une chose qu'on ne peut ni dissimuler ni enfouir, c'est l'amour. » Il ne se nourrit pas de lui-même, il lui faut un aliment. Il y a quelques années, la fièvre jaune éclata dans l'une des villes de nos Etats du Sud. Les décès étaient si nombreux que les autorités de la ville ordonnèrent qu'on enterrât les morts rapidement, sans prendre le temps de faire de funérailles. Une charrette allait de maison en maison prendre les morts et les porter au cimetière. Une famille étrangère était venue depuis peu s'établir dans cette ville. Le père fut bientôt atteint par l'épidémie, et mourut. Les voisins avaient peur de la contagion, et personne n'osa aller dans la maison des pauvres affligés. La mère ne tarda pas à être frappée à son tour. Avant de mourir, elle appela son petit garçon et lui dit : « Je vais bientôt partir ; mais quand je serai morte, le Seigneur Jésus viendra prendre soin de toi. » Elle n'avait personne sur la terre à qui confier son fils. Peu de temps après, elle mourut, en effet, et son corps fut porté au cimetière. Le petit garçon suivit la charrette jusqu'au bord de la tombe, et vit la place où l'on déposa le corps de sa mère, puis il retourna à la maison.
    Mais il se sentit bien seul, et quand il commença à faire nuit, il eut peur et ne voulut plus rester dans la maison. Il alla s'asseoir sur le seuil de la porte et se mit à pleurer. Enfin il retourna au cimetière, il se coucha sur la tombe de sa mère et s'endormit en pleurant.
    Le lendemain matin, un monsieur qui traversait le cimetière vit l'enfant qui pleurait. « Que fais-tu là, mon enfant? » lui dit-il. « J'attends le Seigneur Jésus. » Le monsieur désira savoir ce que l'enfant voulait dire, et se fit raconter son histoire. Il en fut ému, et dit au petit garçon : « Eh bien, mon enfant, c'est moi que le Seigneur Jésus a envoyé pour prendre soin de toi. » L'enfant leva les yeux vers lui, et répondit : «Vous avez été bien longtemps à venir.»
     Qui oserait prétendre que si nous aimions véritablement notre Maître, nous ne réussirions pas à atteindre les masses, qui semblent maintenant hors de notre portée ? Il n'y a pas d'ivrogne, il n'y a pas de créature coupable, il n'y a pas d'athée à qui nous ne puissions faire du bien. Les athées ne peuvent pas résister à la puissance de l'amour. C'est lui, et non le raisonnement, qui renversera l'athéisme ainsi que tous les autres faux systèmes. C'est l'amour de Christ qui brisera le cœur le plus endurci.
    Je suis sûr d'une chose : quand ces cœurs endurcis qui rejettent maintenant le Sauveur seront parfaitement convaincus que notre amour pour eux est l'unique mobile de nos efforts, leur dureté commencera à s'adoucir, leur volonté rebelle commencera à céder. Cette clef de l'amour les ouvrira.
    Avec l'aide de Dieu, nous pourrons les faire sortir des ténèbres de ce monde et les amener à la lumière de l'Evangile. Jésus-Christ a donné à ses disciples un signe de ralliement. Les membres d'une même association portent, tantôt un ruban bleu, tantôt un ruban rouge pour se reconnaître les uns les autres; le signe que Jésus-Christ a donné à ses disciples, c'est l'amour: «C'est à ce signe que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres. » De l'amour, pas seulement pour les chrétiens, mais pour ceux qui sont tombés. Le bon Samaritain eut de l'amour pour le pauvre voyageur qui était tombé entre les mains des voleurs. Si nous savions aimer comme lui, le monde découvrirait bien vite que nous sommes les disciples du Seigneur Jésus-Christ.   Ce genre d'argument aurait plus de puissance que tout autre pour vaincre l'incrédulité et la révolte.
    Ce que je viens de dire me rappelle ce que j'ai vu cet hiver à Londres dans une des familles où j'ai reçu l'hospitalité. Une des jeunes filles de cette famille sentait qu'elle ne travaillait pas pour Christ autant qu'elle l'aurait voulu, et elle eut l'idée de faire un groupe dans une école du Dimanche. Elle a réuni maintenant une vingtaine de jeunes garçons de treize à seize ans, l'âge le plus difficile. Cette jeune fille chrétienne s'est dit qu'elle commencerait par se faire aimer de tous ces jeunes garçons afin de les amener ensuite au Sauveur. Il est touchant de voir comme elle a su gagner leurs jeunes cœurs, et je crois qu'elle les amènera tous à une vie pure et sainte.
    Si nous sommes prêts à travailler dans ce même esprit, nous sauverons la jeunesse de notre pays; au lieu de remplir nos prisons et nos refuges, nos jeunes gens et nos jeunes filles deviendront des membres utiles de l'Eglise de Dieu, et seront une bénédiction pour la société.
    Un de mes amis en Amérique a fondé une grande école du dimanche. Il pensait que les enfants qui reçoivent de mauvais exemples chez eux n'ont pas d'autre chance, de devenir meilleurs que de suivre l'école du dimanche; aussi prit-il la résolution de ne jamais renvoyer un élève si ce n’est à la dernière extrémité.
    Parmi les enfants qui suivaient cette école, il se trouva un jeune garçon dont personne ne pouvait venir à bout. Tous les moniteurs à qui il était confié venaient l'un après l'autre trouver le directeur et lui dire : « Retirez cet enfant de mon groupe ; il fait du mal aux autres ; il dit de vilaines choses, et il détruit tout le bien que je pourrais faire. » Enfin mon ami crut qu'il serait obligé de prononcer publiquement l'expulsion de cet enfant insubordonné, et dans la réunion des moniteurs, il annonça son intention. Une jeune fille qui ne l'avait pas encore eu dans son groupe, demanda alors la permission d'en faire l'essai :
     « Je ferai tout ce que je pourrai, dit-elle, pour me faire aimer de lui. » - Le Directeur était convaincu qu'elle perdrait bientôt patience; néanmoins il mit l'enfant dans son groupe, selon son désir. Le petit garçon ne tarda pas à enfreindre les règlements, et la jeune fille fut obligée de le punir. Il en fut tellement irrité, qu'il se mit en colère, et lui cracha au visage. Elle prit tranquillement son mouchoir et s'essuya la figure. Après l'école, elle lui demanda de l'accompagner jusque chez elle.
    « Non, répondit-il, je ne veux plus vous parler, et je ne reviendrai plus jamais dans cette affreuse école.» Elle lui demanda, alors, s'il voulait bien qu'elle le reconduisit chez lui. Il refusa encore. « Eh bien ! lui dit-elle, je suis très fâchée que vous partiez, mais si vous voulez passer chez moi mardi matin, vous trouverez un petit paquet à votre adresse. Je n'y serai pas moi-même, mais le domestique vous le remettra de ma part. » L'enfant répondit grossièrement « Je n'ai pas besoin de votre paquet : vous pouvez le garder. » Cependant la jeune fille était convaincue qu'il viendrait le chercher.
    En effet, quand vint le mardi matin, le petit garçon était tout à fait remis de son accès de colère. Il se rendit à la maison de la jeune fille, et dès qu'il eut sonné, un domestique lui apporta le paquet. Lorsqu'il l'ouvrit, il y trouva une petite jaquette, une cravate, et ce qui valait encore mieux, une lettre écrite par sa monitrice. Elle lui disait dans cette lettre, combien elle avait prié pour lui, soir et matin, depuis qu'il était dans son groupe. Maintenant qu'il allait la quitter, elle lui demandait de se rappeler que, tant qu'elle vivrait, elle ne cesserait pas de prier pour lui et qu'elle espérait qu'il deviendrait un homme de bien.
    Le lendemain matin de bonne heure, le petit garçon sonnait de nouveau à la porte de la jeune fille. On le fit entrer dans le salon, et quand sa monitrice vint le rejoindre, elle le trouva en sanglots. Elle lui demanda avec bonté la cause de son chagrin. « Oh ! répondit-il, je n'ai pas été heureux un seul instant depuis que j'ai reçu votre lettre. Vous avez été si bonne pour moi, et j'ai été si méchant. Je vous en prie, pardonnez moi. »
    En finissant ce récit, mon ami, le directeur de l'école, ajouta: « Il y a environ dix-huit cents enfants dans l'école, et il n'y a pas de meilleur élève que ce garçon-là. »
    Pourquoi ne suivrions-nous pas l'exemple de cette jeune fille ? Ah ! que chacun de nous se consacre aujourd'hui, tout de nouveau, à Dieu et à son service.


Chapitre 3
FOI ET COURAGE

    Dans tout ce que nous cherchons à faire pour Dieu, c'est la foi qui doit donner le ton. Je n'ai encore jamais rencontré une seule personne qui n'eût pas été exaucée dans ses prières quand elle était pleine de foi, et que cette foi reposait sur des bases solides. Il va sans dire que notre foi ne peut s'appuyer que sur les promesses et les déclarations de l'Ecriture Sainte. Aussi , quand nous nous réunissons pour appeler la bénédiction de Dieu sur nos amis et sur cette ville, sommes-nous bien certains d'être exaucés.
    Si l'incrédulité est un obstacle redoutable pour l'homme inconverti, elle ne l'est pas moins pour le chrétien. Elle le privera de bénédiction, tout autant qu'aux jours de Jésus-Christ. L'un des évangélistes nous dit que, dans une certaine ville, le Seigneur ne fit que peu de miracles, à cause de l'incrédulité de ceux qui l'entouraient. S'il en était ainsi pour Jésus, comment pouvons-nous nous attendre à accomplir de grandes choses, quand les enfants de Dieu manquent de foi ? J'affirme que les enfants de Dieu sont seuls capables d'entraver l’œuvre de Dieu. Les incrédules, les athées, les sceptiques ne peuvent y parvenir. Partout où une étroite union, une forte foi et une ferme espérance se rencontrent chez les chrétiens, il se fait de grandes choses.
    Nous lisons dans l'épître aux Hébreux « qu'il est impossible d'être agréable à Dieu sans la foi ; car il faut que celui qui s'approche de Dieu croie que Dieu est, et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. » Ces paroles s'adressent à nous autres chrétiens tout autant qu'à ceux qui cherchent Dieu pour la première fois. Nous sommes réunis aujourd'hui pour demander à Dieu de bénir ceux que nous aimons, et de nous donner une vie nouvelle, afin que nous puissions atteindre les masses qui sont encore en dehors de l'Evangile. Nous venons de l'entendre, Dieu est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. Cherchons-le donc, en cet instant même. Ayons une grande foi, et que notre espérance soit en Dieu.
    Quand j'étais enfant, lorsque le soleil du printemps avait fait fondre les neiges sur les collines de la Nouvelle-Angleterre où je demeurais, j'aimais à prendre une lentille de cristal, et à y concentrer les rayons du soleil. Puis je m'amusais à les diriger sur du bois, pour l'allumer. La foi est le cristal qui fait descendre le feu du ciel. C'est la foi d'Elie qui attira ce feu sur l'holocauste que le prophète avait préparé d'après l'ordre de Dieu, sur le mont Carmel. Nous possédons aujourd'hui le même Dieu et la même foi. Il y a des personnes qui prétendent que la foi chrétienne a vieilli, que la Bible est usée. Mais le Seigneur va donner une vigueur nouvelle à ses enfants, et nous remuerons le monde pourvu que notre foi soit simple et inébranlable.
    Dans le onzième chapitre de l'épître aux Hébreux, l'auteur cite les uns après les autres tous les héros fameux de l'histoire d'Israël; tous, ils avaient été des hommes de foi, et avaient laissé le monde meilleur qu'il ne l'avaient trouvé. Ecoutez cette description des grandes choses qu'ils avaient accomplies : « C'est par la foi qu'ils ont conquis des royaumes, ont exercé la justice, ont obtenu l'effet des promesses, ont fermé la gueule des lions, ont éteint la force du feu, ont échappé au tranchant des épées, ont été guéris de leurs maladies, ont été vaillants dans la guerre, ont mis en fuite les armées des étrangers. Des femmes ont recouvré par la résurrection leurs enfants morts ; d'autres ont été cruellement tourmentés, refusant d'être délivrés, afin d'obtenir une meilleure résurrection ; d'autres ont été éprouvés par les moqueries et les fouets; d'autres par les liens et par la prison; ils ont été lapidés, ils ont été sciés, ils ont été mis à l'épreuve, ils sont morts par le tranchant de l'épée, ils ont été errants çà et là, vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvre, dénués de tout, affligés, maltraités, - eux dont le monde n'était pas digne, - ils ont erré dans les déserts et dans les montagnes, dans les cavernes et les antres de la terre. Et tous ceux là, ayant obtenu un bon témoignage par leur foi, n'ont point reçu ce qui leur avait été promis; Dieu ayant pourvu quelque chose de meilleur pour nous, afin qu'ils ne parvinssent pas à la perfection sans nous. »
    Aucun enfant de Dieu, assurément, ne peut lire ces paroles sans émotion. Il est dit que «des femmes ont recouvré par la résurrection leurs enfants morts. » Parmi ceux qui m'écoutent, il y a beaucoup de mères dont les enfants se sont égarés, et sont devenus les esclaves du vice et des mauvaises passions. Vous êtes profondément découragées à leur sujet; mais si vous avez foi en Dieu, ils peuvent vous être rendus par une espèce de résurrection.. Les enfants prodigues peuvent rentrer à la maison paternelle; les ivrognes et les femmes de mauvaise vie peuvent être sauvés. Dans toute cette grande ville, il n'y a pas un seul être humain, homme ou femme, quelque bas qu'il soit tombé, qu'on ne puisse atteindre.
     De nos jours, nous devrions avoir beaucoup plus de foi qu'Abel, Enoch ou Abraham . Ils vivaient si longtemps avant Jésus-Christ. Nous parlons de la foi des patriarches et des prophètes, mais ils ne voyaient qu'une faible lueur, tandis que nous contemplons la lumière resplendissante qui rayonne du Calvaire et du tombeau vide de Jésus-Christ. Quand nous retardons en arrière, et que nous pensons à tout ce qu'a fait Jésus-Christ; quand nous pensons à son sang répandu pour le salut du monde, nous devrions nous mettre à l’œuvre, forts de sa force, et lui conquérir tous les cœurs. Notre Dieu peut faire des choses grandes et merveilleuses.
    Vous vous rappelez que le centenier romain fit prier Jésus, de venir guérir son serviteur. Quand le Seigneur s'approcha, le centenier lui fit dire de ne pas prendre la peine d'entrer dans sa maison ; tout ce qu'il lui demandait était de dire une parole, afin que le serviteur fût guéri.
    L'évangéliste ajoute que lorsque Jésus reçut le message du soldat romain, il admira sa foi. Chers amis, croyons aujourd'hui que Dieu va faire de grandes choses au milieu de nous.
    Caleb et Josué étaient des hommes de foi. Ils furent plus utiles aux enfants d'Israël que le camp tout entier, composé d'incrédules, et que les dix autres espions. Moïse avait envoyé douze espions pour reconnaître le pays. Je dirai ici en passant que la foi n'a jamais besoin d'espions. Vous me répondrez peut-être que c'était Dieu qui avait commandé à Moïse de les envoyer; mais il nous est dit, dans le premier chapitre du Deutéronome, que, malgré les promesses formelles de Dieu, les Israélites eurent peur, et demandèrent à Moïse d'envoyer des espions. S'ils avaient cru en Dieu, ils seraient entrés en possession de la Terre promise dès leur arrivée à Kadès-Barné. Je suppose que ces douze hommes furent choisis en raison du rang qu'ils occupaient ou de l'influence qu'ils exerçaient au milieu des douze tribus.
    A leur retour, au bout d'un mois environ, ils firent un double rapport, - ce que nous pourrions appeler le rapport de la majorité et celui de la minorité. Tous les douze s'accordaient à dire que le pays était bon, mais dix d'entre eux ajoutaient : « Nous ne saurions monter contre ce peuple, car il est plus fort que nous. Nous y avons vu aussi des géants, des descendants de Hanak» On croit voir ces dix espions le soir qui suivit leur arrivée : on fait cercle autour d'eux dans le camp, on écoute leurs récits. Il est probable qu'il y avait très peu de personnes autour de Caleb et Josué. Il semble vraiment parfois que les hommes sont plus disposés à croire un mensonge que la vérité. Voyez ces Israélites incrédules ; ils écoutent avidement ce que raconte un des dix espions : - « Croiriez-vous, dit celui-ci, que j'étais obligé de lever la tête pour regarder ces hommes en face ; ils font trembler la terre en marchant. Auprès de ces géants, nous ne paraissions que comme des sauterelles, les villes sont fortifiées de murs qui vont jusqu'au ciel. Nous ne saurions prendre ce pays. »
    Mais Caleb et Josué tenaient un tout autre langage. A leurs yeux, c'étaient les géants qui n'étaient que comme des sauterelles. Ces hommes de foi se rappelaient comment Dieu les avait délivrés de la main de Pharaon et leur avait fait traverser la mer Rouge ; comment il les avait nourris dans le désert avec le pain du ciel, leur donnant à boire de l'eau du rocher. Pourvu que Dieu marchât avec eux, ils n'avaient qu'à monter hardiment et à prendre possession de ce pays-là. C'est pourquoi ils disaient au peuple : « Certainement nous serons les plus forts. » Que voyons-nous aujourd'hui dans l'Eglise de Dieu ? Dix personnes environ sur douze, parmi celles qui font profession de croire en Jésus-Christ, s'arrêtent à considérer les géants, les murs, les difficultés de tout genre qui se trouvent sur le chemin. « Nous ne saurions accomplir une oeuvre pareille, disent-elles ; peut-être pourrions-nous en venir à bout s'il n'y avait pas tant de cabarets, tant d'ivrognerie, tant de matérialisme, tant d'opposition de toute sorte. »
    Ne nous laissons pas décourager par ces hommes de petite foi. Si nous croyons en Dieu, nous saurons bien monter hardiment, et prendre possession du pays au nom de Jésus-Christ. Dieu prend toujours plaisir à honorer la foi de ses enfants.
    Cette bénédiction que nous attendons, nous sera peut-être accordée en réponse aux prières de quelque malade, de quelque infirme, incapable de jamais assister à l'une de nos réunions. Au jour où l’œuvre de chacun sera manifestée, nous apprendrons peut-être que nous devons nos plus grandes bénédictions à la foi simple et confiante de quelque chrétien ignoré.
    L'histoire de Caleb et de Josué nous apprend aussi que la foi est toujours accompagnée de courage. A toutes les époques, ceux qui ont fait de grandes choses pour Dieu, ont été des hommes de courage. Si nous sommes remplis de foi, il n'y aura plus place dans notre cœur pour des sentiments de crainte. Les chrétiens d'aujourd'hui s'attendent si peu à ce que Dieu se serve d'eux, qu'ils ont peur de tout. Ce qu'il nous faut, c'est le courage qui nous pousse en avant. Il est vrai que nous attirerons peut-être ainsi sur nous le blâme des chrétiens tièdes. Il ne manque pas de gens qui semblent n'avoir rien d'autre à faire qu'à critiquer tout ce que font les autres.- « Vous ne vous y prenez pas comme il faut, disent-ils. » Dès qu'ils entendent parler d'un nouveau projet, ils soulèvent des masses d'objections. S'ils voient qu'on veut marcher en avant, ils s'empressent de jeter un seau d'eau froide sur cet excès de zèle, - ils ne songent qu'aux difficultés qui peuvent surgir sur la route. Ce qu'il nous faut, c'est assez de foi, assez de courage pour aller résolument en avant sans nous laisser attarder par ces timides incrédules.
    Quand Asa, roi de Juda, monta sur le trône, il voulut faire, nous dit le livre des Chroniques, «ce qui est bon et droit devant l’Éternel  son Dieu ; » mais ce n'était pas facile, et il lui fallut pour cela un grand courage. Il dut résister à sa mère et lui ôter la régence parce qu'elle avait encouragé l'idolâtrie. Il mit en pièces l'idole qu'elle avait faite et la brûla. Il y a des jours où nous sommes obligés de résister à ceux qui devraient être nos meilleurs amis.
    L'heure n'est-elle pas venue pour nous de nous avancer en pleine eau? Il ne m'est jamais arrivé de voir quelqu'un s'en aller par les rues et par les chemins, et le long des haies, afin de presser d'entrer dans la maison du Père céleste tous ceux qu'il trouverait, sans que le Seigneur ait béni ces efforts. Si vous avez le courage d'aller droit à votre voisin et de lui parler de son âme, Dieu bénira vos paroles. Peut-être que la personne à qui vous parlerez commencera-t-elle à se fâcher, mais ce n'est pas toujours un mauvais signe. Qui sait si dès le lendemain elle ne vous écrira pas pour vous faire ses excuses ! En tout cas, il vaut mieux la réveiller ainsi que de la laisser sommeiller jusqu'au jour de la mort.
    Remarquez la manière dont Dieu s'y prit quand il voulut délivrer Israël de la main des Madianites par l'entremise de Gédéon. Gédéon avait réuni autour de lui une armée de trente-deux mille hommes. Il les avait sans doute comptés, et quand il sut que l'armée des Madianites était forte de cent trente-cinq mille hommes, il dut se dire : « Mon armée est trop petite ; j'ai peur de ne pas réussir. » Tout autre fut la pensée du Seigneur. « Le peuple qui est avec toi, lui dit-il, est en trop grand nombre. » Puis il lui ordonna de permettre à tous ceux qui étaient timides ou qui avaient peur, de retourner chez eux auprès de leurs femmes et de leurs mères. Dès que Gédéon eut fait connaître cet ordre de l’Éternel  vingt-deux mille hommes quittèrent l'armée. Il est probable qu'à cette vue Gédéon dut se dire que l’Éternel s'était trompé. Si tout à coup les deux tiers de cette assemblée se levaient pour sortir, vous seriez portés à croire qu'il ne resterait bientôt plus personne dans la salle.
    Mais que dit l’Éternel à Gédéon ? - « Il y a encore trop de peuple; fais-les descendre vers l'eau et je te les choisirai là. Tous ceux qui prendront de l'eau dans leur main pour se désaltérer resteront avec toi ; ceux au contraire qui se courberont pour boire l'eau du torrent, s'en iront chez eux. » Cette fois, neuf mille sept cents hommes retournèrent chez eux, et Gédéon resta seul avec trois cents hommes; mais cette poignée d'hommes, dont le cœur battait loyalement pour le Dieu des cieux et qui étaient prêts à marcher en avant en son nom, valaient plus que tous les autres qui semaient autour d'eux les germes du mécontentement et prédisaient la défaite. Rien n'est mieux fait pour décourager une armée, rien n'est mieux fait pour décourager une Eglise que d'avoir dans son sein des gens qui s'attendent toujours à des désastres et répètent sans cesse : Vous vous donnez une peine inutile ; nous n'approuvons pas ces efforts.
    Il serait heureux pour l'Eglise de Dieu si tous les esprits timorés, si tous ceux qui manquent de foi retournaient chez eux, afin de permettre à ceux qui sont pleins de foi et de courage de marcher en avant contre l'ennemi. Cette petite troupe de trois cents hommes qui resta avec Gédéon mit en déroute les Madianites ; mais ce ne fut pas par sa propre force, ce fut par « l'épée de l’Éternel et de Gédéon. » Si nous marchons en avant, au nom du Seigneur et nous confiant en sa force, nous réussirons certainement.
    Avant de quitter la terre, Moïse fit tout ce qu'il put pour encourager Josué, pour le fortifier et pour le réjouir. Il n'y avait pas trace de jalousie dans le cœur de Moïse quoiqu'il ne lui fût pas permis d'entrer dans la Terre promise. Il savait que c'était un bon pays, et il fit tous ses efforts pour encourager Josué à en prendre possession. Après la mort de Moïse, Dieu parla à Josué, et trois fois, dans ce premier entretien, il lui dit : «Fortifie-toi et prends courage. » Dieu voulait encourager son serviteur. « Nul ne pourra subsister devant toi pendant tous les jours de ta vie, lui dit-il; je serai avec toi comme j'ai été avec Moïse. Je ne te laisserai point, et je ne t'abandonnerai point. »
    Or, il arriva quelque temps après que Josué se trouvait près des murs de Jéricho, et il vit un homme qui se tenait debout devant lui, son épée nue à la main. Josué n'eut pas peur, mais il alla vers lui et lui dit : « Es-tu des nôtres, ou de nos ennemis ? » Il fut récompensé de son courage, car l'homme lui répondit : «Je suis le chef de l'armée de l’Éternel  » Il avait été envoyé à Josué pour l'encourager et le mener à la victoire.
    C'est ainsi qu'on voit, d'un bout à l'autre des Écritures  que Dieu aime à se servir des hommes courageux, et non pas de ceux qui s'attendent à la défaite. Une autre chose encore : jamais, à ma connaissance, rien de grand n'a été fait pour le service de Dieu par un homme découragé. Qu'un pasteur monte en chaire accablé par le découragement, son état d'esprit se communiquera à son auditoire. De même pour un moniteur de l'Ecole du Dimanche. Quelle que soit notre sphère d'activité, il nous sera impossible de réussir si nous nous laissons aller au découragement. Dieu ne se servira pas de nous.
    Un pasteur m'a raconté qu'il avait prêché pendant bien des années sans obtenir aucun résultat. Chaque fois qu'il partait pour l'Eglise, il disait à sa femme: « Je suis sûr que personne ne croira ce que je dis ; » et en effet, sa parole restait stérile. Enfin il reconnut son erreur; il demanda à Dieu de lui aider, il reprit courage, et la bénédiction lui fut accordée. « Il vous sera fait selon votre foi. » Ce pasteur s'était attendu à ne rien recevoir, et il n'avait pas été trompé dans son attente. Chers amis, attendons-nous à ce que Dieu nous emploie à son service. Prenons courage et marchons en avant, comptant sur Dieu pour accomplir de grandes choses.
    Elie sur le Mont Carmel était un homme bien différent de ce qu'il fut au désert quand, en proie au découragement, il se laissa tomber sous un genêt. Dans le premier cas, c'était un géant, et rien ne pouvait lui résister. Dans le second, il avait perdu toute force morale, et tremblait en pensant au message de la reine Jésabel. Il désirait que Dieu reprit son âme, et il ne pouvait plus rien faire pour Dieu. Il fallut que le Seigneur eût pitié de lui, et lui parlât : « Que fais-tu ici, Elie? » lui dit-il. Je voudrais que Dieu parlât ainsi à tant de gens qui ne sont chrétiens que de nom, qui ne vivent jamais en communion avec lui, et qui ne font rien pour sa cause.
    Pierre aussi, lorsqu'il renia son maître, était un tout autre homme que le jour de la Pentecôte. Sa communion avec son Maître avait été troublée, et la parole d'une servante fut suffisante pour le remplir de terreur. Il renia son maître, avec des serments et des imprécations. Jusqu'où un homme ne peut-il pas tomber quand il perd sa foi et son courage !
    Mais Pierre fut réhabilité. Voyez-le le jour de la Pentecôte. Si la servante dont la question l'avait fait trembler, s'est trouvée dans la foule, et l'a entendu prêcher le merveilleux sermon qui nous a été rapporté dans le livre des Actes, je me figure qu'elle a dû être la personne la plus étonnée de tout Jérusalem. « Comment! se dit-elle. Je l'ai vu il y a quelques semaines, et il tremblait de peur quand on disait qu'il était un des disciples du Galiléen; Maintenant, il prend hardiment le parti de cet homme et dit que c'est le Messie. Il n'a pas honte de lui à présent. »
    Dieu se servit puissamment de Pierre le jour de la Pentecôte lorsqu'il parla à cette immense assemblée, parmi laquelle se trouvaient les meurtriers de son Maître et de son Sauveur. Mais Dieu ne se serait pas servi de lui si Pierre ne s'était pas d'abord repenti de sa lâcheté et s'il n'avait pas recouvré sa foi et son courage. Il en est de même aujourd'hui. Si un homme qui a mis son activité au service de Jésus-Christ vient à perdre courage et se met à douter, le Seigneur le met de côté.
    Il y a quelques années, j'ai traversé une période de découragement qui dura plusieurs semaines. Un certain Dimanche, entre autres, il me sembla, après avoir prêché, que mes efforts resteraient sans résultat. Le lendemain, j'étais très abattu, et je passai la matinée dans mon cabinet, plongé dans de tristes réflexions et méditant sur mon manque de succès. Une visite vint interrompre le cours de mes pensées. C'était celle d'un jeune homme qui faisait une classe biblique pour une centaine d'adultes, dans l'école du Dimanche que je dirigeais. Dès qu'il entra, je vis sur sa physionomie comme un reflet céleste, tandis que moi, je me traînais dans les bas-fonds de la terre.
- « Eh bien ! Me dit-il, avez-vous été content de votre journée d'hier ? »
- « Pas du tout, répondis-je ; je sens que je n'ai pas obtenu le moindre résultat, et je suis tout à fait abattu. Et vous, êtes-vous content de votre journée? »
- « Je crois bien ! Je n'ai jamais eu un meilleur Dimanche.»
- « Quel sujet aviez-vous pris? » - « J'avais à étudier la vie et le caractère de Noé. Avez-vous jamais prêché sur Noé ? Avez vous étudié à fond son histoire ? »
- « Mais non ; je ne crois pas en avoir jamais fait une étude particulière. » Il me semblait que je savais assez bien tout ce qui est dit de lui dans la Bible. Son histoire n'est pas très longue.
-« Eh bien, si vous n'avez jamais étudié cette vie, je vous conseille de le faire à présent. Cela vous fera du bien. Quel homme merveilleux que Noé ! »
    Quand le jeune homme fut parti, je pris ma Bible et quelques autres livres, et je me mis à lire tout ce que je pus trouver sur Noé. Il n'y avait pas longtemps que je lisais quand la pensée me vint: Voici un homme qui avait travaillé pendant cent vingt ans, sans obtenir une seule conversion en dehors de sa famille. Et cependant, il ne s'est pas découragé. Je fermai ma Bible ; le nuage s'était dissipé, et je sortis pour me rendre à une réunion de prières qui avait lieu à midi. A peine étais-je entré qu'un pasteur se leva pour nous dire qu'il arrivait d'une petite ville de l'Illinois, et que la veille il avait admis cent nouveaux membres dans l'Eglise. En l'écoutant, je me disais : Noé n'a jamais vu de résultats comparables à ceux-là. Que n'aurait-il pas donné pour entendre une nouvelle semblable ?
    Quelques instants après, un homme qui était assis immédiatement derrière moi se leva à son tour. Il s'appuyait sur mon banc et je le sentais trembler. Je devinai son émotion. « Je voudrais, dit-il, qu'on priât pour moi. Je voudrais devenir chrétien. » Cette fois encore, je rentrai en moi-même et je me dis : Que n'eût pas donné Noé pour entendre une parole de repentir comme celle-là ! Jamais il n'entendit un seul pécheur implorer la miséricorde de Dieu, et pourtant il ne perdit pas courage. Depuis ce jour, je ne me suis plus laissé aller au découragement. Demandons à Dieu de dissiper les sombres nuages de l'incrédulité et du doute, et avançons-nous pleins de courage, au nom de notre Dieu, en comptant sur un résultat certain.
    Admettant même, que vous ne puissiez vous occuper activement d'aucune oeuvre, vous pouvez du moins vous rendre très utile en encourageant les autres. Il ne manque pas de gens qui, non contents de ne rien faire eux-mêmes, cherchent à décourager les autres à chaque pas qu'ils font. Si vous les rencontrez, ils vous glacent de part en part. Je crois que j'aimerais autant m'exposer au vent glacial du mois de mars, dans les rues d'Édimbourg, que d'entrer en rapport avec ces soi-disant chrétiens.  
    Ecoutez-les parler de quelque nouvel effort qu'on vient de faire : « Oui, sans doute, on a dû faire du bien, mais on n'a pas atteint les masses. » On aurait dû faire telle eu telle chose de telle ou telle manière, et que sais-je encore? Ces sévères critiques ne veulent voir que le mauvais côté des choses.
    Ne faisons pas attention à ces sombres pronostics et à ces remarques décourageantes. Au nom de notre grand Commandant, marchons au combat et à la victoire. Il y a des généraux dont le nom seul vaut plus qu'une armée de dix mille hommes. Pendant la grande guerre civile d'Amérique, il y avait des officiers dont la présence, faisait éclater des hourrahs enthousiastes sur toute la ligne. Les soldats savaient bien qui allait les conduire, et ils étaient sûrs de la victoire. Ils aimaient à combattre sous de tels généraux.
    Fortifions-nous dans le Seigneur, encourageons-nous les uns les autres, et notre travail sera abondamment béni.
    Le livre des Chroniques nous raconte que Joab, général de l'armée de David, encourageait beaucoup son frère qui lui aidait à faire la guerre. « Sois vaillant, lui disait-il, et combattons vaillamment pour notre peuple et peur les villes de notre Dieu; et que l'Éternel fasse ce qu'il lui semblera bon. » Soyons animés du même esprit, et le Seigneur nous fera triompher de nos ennemis.    
   Si nous ne pouvons pas être dans la mêlée nous-mêmes, du moins ne décourageons pas les autres. Un chef écossais du clan Mac Gregor tomba grièvement blessé à la bataille de Sheriff-Muir. A cette vue, le clan faiblit, et l'ennemi prit de l'avantage sur lui. Le vieux chef s'en aperçut. Se soulevant sur son coude, tandis que le sang coulait à flots de ses blessures, il s'écria: Je ne suis pas encore mort, mes enfants. Je vous regarde faire votre devoir. Cette parole ranima leur courage, et ils se précipitèrent en avant avec une énergie presque surhumaine. De même, quand notre foi faiblit et que notre cœur se sent prêt à défaillir, écoutons la voix du Capitaine de notre salut: « Voici, je suis tous les jours avec vous jusqu'à la fin du monde, nous dit-il; je ne te laisserai point et ne t'abandonnerai point. Sois fidèle jusqu'à la mort et je te donnerai la couronne de vie. »
    Un de mes amis d'Amérique m'a raconté dernièrement qu'un évangéliste était venu le trouver pour lui confier sa peine. Tout allait de travers et il était tout à fait découragé. - « Le résultat final de toutes choses vous cause-t-il aucun doute? lui demanda mon ami. Croyez-vous que Jésus-Christ réussisse à fonder son royaume, et à établir sa puissance d'un bout de la terre à l'autre, ou croyez-vous qu'il échouera dans cette entreprise ? » L'évangéliste répondit naturellement que le triomphe de Christ était certain, mais il n'avait jamais envisagé la question sous cet aspect. Le meilleur remède contre le découragement, c'est de regarder l'avenir en se rappelant les promesses de Dieu. Mes chers amis, Jésus-Christ régnera certainement. Hâtons-nous de faire l’œuvre qu'il nous a confiée. Si nous sommes enveloppés par les nuages, rappelons-nous que le soleil brille ailleurs. Si nous ne réussissons pas aussi bien que nous le voudrions, d'autres, peut-être, sont plus heureux que nous.
    Voyez comme notre tâche est plus facile que celle des premiers chrétiens. Songez à tous les obstacles qui se dressaient devant eux. Que de fois ils eurent à sceller de leur sang leur témoignage ! Le jour de la Pentecôte, Pierre avait à lutter contre le mépris de ceux qui l'écoutaient; on le croyait ivre. Ses premiers disciples n'étaient pas entourés, comme nous le sommes aujourd'hui, d'amis sympathiques qui leur préparaient de vastes salles comme celle-ci, qui priaient pour eux et les encourageaient de toute manière. Voyez pourtant les merveilleux résultats de la prédication de Pierre le jour de la Pentecôte.
    Songez aux épaisses ténèbres qui entouraient Luther en Allemagne, - aux difficultés qui assaillaient John Knox en Ecosse. Cependant, ces deux hommes ont travaillé pour Dieu au milieu de leurs contemporains et ils ont accompli une oeuvre grande et durable ; aujourd'hui encore nous récoltons les fruits de leur travail fidèle. Songez à l'obscurité qui enveloppait l'Angleterre au temps de Wesley et de Whitefield, et voyez comme Dieu a béni leurs efforts. Pourtant ils avaient à lutter contre des obstacles qui n'existent plus aujourd'hui. Ils ont marché résolument en avant leur grand cœur plein de courage, et Dieu leur a donné le succès.
    Je crois que si nos pères, qui vivaient au siècle dernier, pouvaient revenir sur la terre, ils seraient étonnés de voir toutes les facilités qui nous sont accordées aujourd'hui. Nous avons beaucoup de privilèges qu'ils ne possédaient pas, et dont ils n'avaient probablement aucune idée. Nous vivons à une grande et glorieuse époque. John Wesley mit des mois à traverser l'Atlantique; nous faisons maintenant cette traversée en quelques jours. Pensez aussi à la puissance que donne de nos jours l'imprimerie.
    Nous pouvons imprimer nos écrits et les répandre jusqu'aux extrémités du monde. Puis nous avons le télégraphe électrique, et les chemins de fer qui nous transportent rapidement dans les endroits où nous désirons prêcher l'Évangile. N'ai-je pas raison de dire que nous vivons à une glorieuse époque? Ne nous décourageons donc pas, mais mettons à profit tous ces privilèges, et honorons notre Dieu en comptant sur de grands résultats. Si nous y comptons, nous ne serons pas désappointés. Dieu est tout prêt, tout disposé à agir en nous et par nous, si de notre côté, nous sommes disposés à le laisser faire, et à lui servir d'instruments.
    Peut-être quelques-uns d'entre nous sont-ils faibles et âgés, et vous vous dites en m'écoutant: «Comme je voudrais redevenir jeune ! J'aimerais à me lancer au plus fort de la mêlée.» Mais il y a des choses que les personnes âgées peuvent faire aussi bien que les jeunes. Vous pouvez aller de maison en maison afin d'inviter à ces réunions toutes les personnes que vous rencontrerez. Il y a beaucoup de place dans cette grande salle. L'Évangile y sera prêché, et bien des hommes, qui ne mettent jamais les pieds dans un lieu de culte, consentiraient à venir ici.
    Et si vous ne pouvez même pas faire ces invitations, vous pouvez tout au moins encourager par de bonnes paroles ceux qui travaillent, et demander à Dieu de les bénir. Il m'est arrivé bien des fois, en descendant de chaire, de voir un vieillard, arrivé aux confins mêmes de l'éternité, s'approcher de moi, me serrer la main, et me dire d'une voix émue : « Que le Seigneur vous bénisse! » - Comme ces paroles m'ont fait du bien et m'ont encouragé ! Vous qui êtes trop faibles maintenant pour travailler vous-mêmes, ne négligez pas d'encourager les jeunes.
    Une autre chose que vous pouvez faire, c'est de demander à Dieu de bénir toutes les paroles qui seront prononcées, tous les efforts qui seront faits. Il devient facile de prêcher quand on sent qu'il y a des âmes qui prient pour vous et sympathisent avec vous au lieu de critiquer et de trouver à redire.
    Vous connaissez, je pense, l'histoire de cet enfant qui fut sauvé d'un incendie. Il était au quatrième étage d'une maison, les flammes l'enveloppaient et il courut à la fenêtre en criant au secours. Un pompier s'élança aussitôt sur l'échelle pour essayer de le sauver. Malheureusement, le vent soufflait et chassait les flammes de son côté, tellement que la chaleur devint intolérable; il parut hésiter, et l'on put craindre qu'il revint sans l'enfant. Des milliers de spectateurs le regardaient, et leur cœur frémissait à la pensée que l'enfant allait périr dans les flammes si le pompier n'arrivait pas jusqu'à lui. Tout à coup, quelqu'un dans la foule s'écria « Encouragez-le ! » Aussitôt un « hourrah » formidable, suivi de plusieurs autres, s'échappa de toutes les poitrines. « Courage ! En avant ! » Électrisé par ces cris, le brave pompier reprit courage ; il affronta les flammes et la fumée, et il revint avec l'enfant dans ses bras.
    Si vous ne pouvez pas aller vous-même à la recherche de ceux qui périssent, priez du moins pour ceux qui y vont, et encouragez-les. Si vous le faites, le Seigneur vous exaucera et bénira efforts. Chacun a aidé à son prochain, et a dit à son frère : Fortifie-toi!

Chapitre 4
LA RÉCOMPENSE DE LA FOI

    « Or, un jour que Jésus enseignait, et que des Pharisiens et des docteurs de la loi, qui étaient venus de tous les bourgs de la Galilée, et de la Judée, et de Jérusalem, étaient là assis, la puissance du Seigneur agissait pour guérir les malades. Alors il survint des gens qui portaient sur un lit un homme perclus ; et ils cherchaient à le faire entrer dans la maison, et à le mettre devant Jésus. Et ne sachant par où le faire entrer, à cause de la foule, ils montèrent sur la maison, et le descendirent par une ouverture avec son lit, au milieu de l'assemblée, devant Jésus, qui ayant vu leur foi, lui dit : Ô homme ! tes péchés te sont pardonnés. »
    Les trois évangélistes, Mathieu, Marc et Luc, nous racontent cette histoire. J'ai remarqué que quand le même miracle est rapporté par deux ou trois des auteurs évangéliques, c'est toujours pour faire ressortir quelque vérité importante. Il me semble que ce que le Seigneur veut nous enseigner ici, c'est la manière dont il honore la foi des quatre hommes qui lui avaient amené ce paralytique pour qu'il le guérit. On ne nous parle pas de la foi du paralytique lui-même. Ce fut en voyant leur foi que Jésus exerça sa puissance et guérit le malade.

(Plusieurs commentateurs sont d'avis qu'en parlant de « leur foi,» l'évangéliste n'a pas entendu exclure celle du paralytique lui-même. Calvin, par exemple s'exprime ainsi « Christ n'a pas tellement regardé ceux qui portoyent le paralytique qu'il n'ait aussi eu esgard à la foy d'iceluy. » Trad.)

    Je voudrais dire maintenant à tous ceux qui travaillent pour Christ que si le Seigneur voit que nous comptons sur sa bénédiction, il honorera notre foi, et sauvera ceux que nous lui amènerons. Il n'a encore jamais trompé l'attente de ses enfants. Vous ne trouverez pas dans la Bible un seul exemple d'un homme ou d'une femme dont la foi sincère n'ait pas été honorée par Dieu. Pendant que le Seigneur Jésus était sur cette terre, maudite à cause du péché, rien ne le réjouissait autant que de voir la foi de ses disciples ; rien ne fortifiait autant son cœur.
    L’Évangile nous raconte qu'il régnait à ce moment-là une grande agitation dans la ville de Capernaüm. Quelques semaines auparavant, le Sauveur avait été chassé de la ville de Nazareth, où il avait été élevé. Il était descendu à Capernaüm, et tout le peuple avait été étonné de sa doctrine. Son étoile se levait à l'Orient, et sa réputation commençait à se répandre dans tout le pays d'alentour. La belle-mère de Pierre avait été guérie par une simple parole. Le serviteur d'un officier de l'armée romaine avait été relevé d'un lit de maladie, et le Sauveur avait accompli plusieurs autres miracles remarquables. On venait à Capernaüm de toutes les villes de la Galilée, de la Judée, et de Jérusalem. On se rassemblait pour s'enquérir plus exactement des faits merveilleux qui se passaient.
    La voix de Jean-Baptiste, proclamant la venue d'un prophète dont il n'était pas digne de délier la courroie des souliers, avait retenti d'une extrémité à l'autre du pays. Jean-Baptiste l'annonçait encore, que déjà le prophète lui-même apparaissait dans le nord de la Galilée, et que de nombreux prodiges signalaient sa venue.
    Les Pharisiens et les docteurs de la loi étaient venus à Capernaüm pour examiner de plus près les récits qui circulaient. Ils entouraient le jeune docteur afin d'entendre ses enseignements, et la foule envahissait la maison où ils étaient réunis. Il est probable que la plupart de ces sages croyaient à peine un mot de ce que disait Jésus ; mais il y en avait peut-être aussi quelques-uns dont le cœur s'ouvrait à sa parole. Qui sait si Nicodème et Joseph d'Arimathée n'étaient pas là. En tout cas, ils ne s'étaient pas encore déclarés publiquement disciples de Jésus.
    « La puissance du Seigneur, nous dit l'évangéliste, agissait pour guérir les malades;» il n'ajoute pas, cependant, que tous les malades fussent guéris. Il en est de même très souvent aujourd'hui.
    La puissance du Seigneur peut agir dans ces assemblées pour guérir ceux qui souffrent ; cependant, bien des âmes s'en iront, se demandant ce que tout cela veut dire, et sans avoir été guéris de leurs maladies spirituelles. Ce qu'il nous faut, c'est de sentir la puissance du Seigneur au milieu de nous.
    Il y a quelque temps, un individu entra dans une de nos réunions à Londres. Il se trouva placé dans une partie de la salle d'où il ne pouvait rien entendre distinctement. Il n'entendit même pas le chapitre de la Bible qui fut lu, ni le texte du sermon. Il resta pourtant à sa place pendant tout le service, renfermé en lui-même pour ainsi dire. Il a raconté plus tard que ce fut alors que Dieu se révéla à lui, et parla de paix à son âme. Je crois à l'action de l'Esprit de Dieu, même sans l'intermédiaire d'aucune voix humaine.
    Ces quatre porteurs se rendirent plus utiles que tous ces Pharisiens et tous ces docteurs de la loi, qui étaient venus uniquement pour regarder et pour critiquer. Je ne sais pas qui ils étaient, mais je les ai toujours beaucoup admirés.
    Peut-être l'un d'eux avait-il été aveugle, et le Seigneur lui avait-il rendu la vue. Peut-être un autre avait-il été infirme dès sa naissance, et quand Jésus lui eut rendu l'usage de ses membres, il se sentit pressé de les employer à amener au Seigneur quelque autre malade pour qu'il le guérit. Le troisième avait peut-être été lépreux; il connaissait le pauvre paralytique, et voulait qu'il eût part, lui aussi, aux grâces du Seigneur. Quant au quatrième, il avait peut-être été sourd-muet, et il voulait maintenant mettre ses nouvelles facultés au service des autres. Après avoir été ainsi les objets de la miséricorde du Seigneur, ces quatre hommes s'étaient dit: « Il faut amener à Jésus notre pauvre voisin paralysé. » Le paralytique leur avait peut-être répondu qu'il ne croyait pas que Jésus pût le guérir ; mais ces quatre amis lui avaient raconté comment il les avait délivrés de leurs infirmités. S'il avait pu les guérir, pourquoi ne guérirait-il pas aussi un paralytique ?
    Il me semble que rien ne doit être plus propre à réveiller la conscience d'un homme que de voir plusieurs personnes s'intéresser à lui. Les missionnaires ou les évangélistes ont souvent peur d'aller sur les brisées les uns des autres. Pour ma part, je serais très heureux que chaque famille du quartier reçût une quarantaine d'invitations pour chacune de nos réunions.
    On m'a parlé dernièrement d'un homme qui ne croit ni à Dieu, ni à la Bible, et qui ne va jamais à l'église. Un des jeunes gens qui distribuent les billets d'invitation lui demanda s'il n'aimerait pas à assister à l'une de nos réunions. Non certes, répondit-il en colère; je ne crois pas à ces sortes de choses ; on ne me verra jamais dans une foule de ce genre. Un peu plus tard, un second jeune homme, ne sachant pas qu'on avait déjà parlé à ce monsieur, vint lui offrir un billet d'invitation. Notre homme était encore irrité; il lui dit carrément sa façon de penser, et refusa le billet.
    La journée n'était pas achevée qu'un troisième billet lui fut offert. Cette fois, il ne se fâcha pas, sa conscience commençait à s'éveiller, il se contenta de refuser le billet. Enfin, il sortit pour faire une emplette. Le marchand glissa un des billets d'invitation dans le paquet, et quand l'acheteur fut rentré chez lui, quelle ne fut pas sa surprise en trouvant le malencontreux papier. C'en était trop. Frappé d'une telle persistance, il alla, non à notre réunion, mais dans une église voisine, et je crois qu'il est maintenant sur la voie du salut.
    Si une première tentative ne réussit pas auprès de la personne que vous désirez amener au Sauveur, faites-en une autre, et encore une autre; recommencez, jour après jour. C'est une grande chose que de sauver un homme, de lui aider à sortir de l'abîme où il s'enfonce, et à poser ses pieds sur le roc, de lui apprendre à chanter le cantique de la délivrance. Rien ne contribuera plus à réveiller la conscience d'un homme que de voir l'intérêt sincère que lui portent ses amis. Si vous n'y parvenez pas tout seul, faites-vous aider par d'autres.
    Ces quatre hommes rencontrèrent un obstacle sur leur route. L'entrée de la maison était encombrée par la foule, et il était impossible de pénétrer jusqu'au Maître. Peut-être demandèrent-ils à quelques personnes de s'écarter ; mais non, personne ne voulait bouger. On ne se souciait pas de se déranger pour un malade. - Il ne manque pas de gens qui ne veulent pas entrer eux-mêmes dans le royaume de Dieu, et qui jettent des obstacles devant ceux qui voudraient y parvenir. Après avoir fait de vains efforts pour franchir la porte, les quatre porteurs se mirent sans doute à la recherche d'un autre moyen. Si certains d'entre nous avaient été à leur place, il est probable que nous aurions été tout à fait découragés, et que nous aurions ramené le paralytique chez lui.
    Ces hommes avaient non seulement une grande foi, mais une grande persévérance. Ils sont résolus à amener leur ami à Jésus. S'ils ne peuvent pas passer par la porte, eh bien, ils trouveront moyen de passer par le toit ! « Vous avez du zèle sans connaissance, » dit-on souvent d'un ton de reproche.
    J'avoue que j'aime bien mieux cela que de la connaissance sans zèle. Voyez les efforts de ces quatre porteurs pour hisser leur fardeau jusque sur le toit. Si vous avez jamais essayé de porter un blessé dans un escalier, vous comprendrez que la besogne n'était pas facile ; mais ces quatre hommes n'étaient pas d'humeur à reculer ; les voilà enfin sur le toit.
    Il s'agit maintenant de faire descendre le paralytique dans l'intérieur de la maison. Ils commencent à enlever quelques tuiles. Je crois voir tous ces savants et tous ces docteurs lever la tête, et se dire les uns aux autres : Quelle étrange manière de faire ! Nous n'avons jamais vu entrer dans une maison par le toit. Ce n'est pas dans l'ordre. Ces hommes se laissent emporter par le fanatisme. Voyez quel trou ils ont fait !
    Mais la résolution de ces hommes est bien ferme; rien ne saurait les en détourner. Ils font descendre, au milieu de la chambre, la couverture sur laquelle était étendu le paralytique, et déposent leur ami aux pieds de Jésus. Quelle bonne place ils avaient choisie, n'est-il pas vrai ! Si vous avez un fils incrédule, un mari sceptique, ou tout autre membre de votre famille, qui se moque de la Bible et se raille du christianisme, portez-le aux pieds de Jésus, et le Seigneur honorera votre foi.
    « Quand Jésus vit leur foi, » dit le récit de l'Évangile. Je pense que ces hommes se penchaient sur le bord de l'ouverture du toit pour voir ce qui allait se passer; Jésus-Christ les regarda, et quand il vit leur foi il dit au paralytique : « Prends courage, mon fils, tes péchés te sont pardonnés. » C'était plus qu'ils n'avaient demandé ; ils n'avaient pensé qu'à la guérison de son corps. Amenons aussi nos amis à Jésus, et nous recevrons plus que nous n'aurons demandé. Le Seigneur a commencé à accorder au paralytique le don qui lui était l’essentiel. Il est très possible que sa paralysie eût été occasionnée par ses péchés, et que pour ce motif, le Seigneur ait commencé par lui pardonner ses péchés.
    Les Pharisiens se mettent à raisonner en eux-mêmes. « Qui est celui-ci qui pardonne les péchés ?» Le Maître pouvait lire leurs pensées aussi facilement que nous pouvons lire un livre. - « Lequel est le plus aisé, leur répond-il, de dire : Tes péchés te sont pardonnés ; ou de dire : Lève-toi et marche? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre l'autorité de pardonner les péchés: Lève-toi, dit-il au paralytique, je te le dis, emporte ton lit et t'en va à ta maison. » Aussitôt le paralytique s'élança sur ses pieds, tout à fait guéri. Il roula sa couverture, la jeta par-dessus ses épaules, et s'en alla chez lui.
    Soyez sûrs que tous les sages et tous les philosophes qui n'avaient pas voulu se déranger pour le laisser entrer, se dépêchèrent de lui faire place pour le laisser sortir. Il n'eut pas besoin de s'en aller par le toit ; il passa par la porte.
    Mes chers amis, ayons confiance pour ceux que nous amenons à Christ. Croyons pour eux s'ils ne veulent pas croire pour eux-mêmes. Parmi ceux qui m'écoutent, il y en a peut-être qui ne croient ni à la Bible ni à l'Évangile du Fils de Dieu. Amenons-les à Christ dans les bras de la foi. Il ne change jamais ; « il est le même hier, aujourd'hui et éternellement.» Comptons sur de grandes bénédictions. Attendons-nous à voir les morts ressusciter, les pécheurs se convertir et le diable perdre sa puissance. De nos jours, aussi bien que du temps de Jésus-Christ, il y a des hommes qui sont possédés de l'esprit du mal.
    Amenons-les aux pieds de Jésus-Christ afin qu'il puisse les guérir et les sauver. Arrachons de notre cœur cette maudite incrédulité, et venons à Dieu tous ensemble, avec la certitude que nous verrons des signes et des merveilles s'accomplir au nom de Jésus. Notre Sauveur a conservé la puissance d'opérer des miracles, et il en fera, si nous lui demandons de tenir sa promesse. « Il peut toujours sauver ceux qui s'approchent de Dieu par lui. »
    S'il se trouve parmi nous un homme inconverti, Dieu a la puissance de le sauver de ses péchés aujourd'hui même. Si vous avez le désir d'être converti, venez droit au Maître, comme le lépreux d'autrefois. « Seigneur, lui dit-il, si tu le veux, tu peux me nettoyer. » Jésus honora sa foi, et lui dit : « Je le veux, sois nettoyé. » Remarquez bien, - cet homme avait mis le si où il fallait: « Si tu le veux. » Il ne doutait pas de la puissance du Fils de Dieu. Le père qui avait amené son fils à Jésus, avait dit: « Si tu y peux quelque chose, aie compassion de nous. » Le Seigneur le plaça immédiatement sur le terrain de la vérité, en lui disant , « Si tu le peux croire, toutes choses sont possibles à celui qui croit. » Ô mère ! peux-tu croire que Dieu sauvera ton fils ? Si tu le peux, le Seigneur prononcera la parole de délivrance ; il te sera fait selon ta foi.
    Il nous est bon de nous placer aux pieds du Maître, et d'y rester. Quand la pauvre femme, chez qui avait logé le prophète Élisée  vint lui demander de rendre la vie à son fils, le prophète dit à son serviteur de partir aussitôt et d'aller mettre son bâton sur le visage de l'enfant. Mais la mère ne voulait pas quitter le prophète; ce n'était pas assez qu'il envoyât son serviteur ni qu'il fit mettre son bâton sur le visage de l'enfant; il lui fallait le maître lui-même. Alors Élisée partit avec elle, et ce fut très heureux, car le serviteur n'avait pas pu ressusciter l'enfant.
    A nous aussi, il faut plus que le bâton du prophète, plus que le serviteur. Nous avons besoin d'aller au-delà, jusqu'au cœur du Maître lui-même. Amenons-lui nos amis paralysés. Il est dit de Jésus que, dans une certaine ville, il ne put faire que peu de miracles à cause de leur incrédulité. Demandons-lui de nous délivrer de cette malheureuse incrédulité, qui empêche la bénédiction de Dieu de descendre sur nous et qui empêche aussi d'être sauvés ceux qui souffrent de la paralysie du péché.


Chapitre 5
L'ENTHOUSIASME

    « Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts, et Christ t'éclairera.» Je désire appliquer ces paroles aux enfants de Dieu. Le monde se perd, et il ne sera sauvé par l’Évangile du Fils de Dieu que si les chrétiens se donnent plus de peine pour le lui porter. Quand, secouant notre torpeur, nous irons travailler dans la vigne de notre Père céleste, alors ceux qui vivent dans le mal tout autour de nous, entendront parler du salut, mais pas autrement. C'est très bien de former des comités et de rechercher le meilleure manière d'atteindre les masses, mais quand vous aurez fini de discuter, il faudra recourir de nouveau aux efforts personnels. Quiconque aime le Seigneur Jésus-Christ doit se rendre compte de ce fait qu'il a une mission à remplir dans le monde, qu'il a une part dans cette grande oeuvre du salut.
    On peut parler en dormant, et il me semble que nous en voyons souvent des exemples parmi les ouvriers du Seigneur. On peut même prêcher en dormant. Un de mes amis a prononcé une fois tout un sermon pendant son sommeil. Sa femme lui raconta le lendemain tout ce qu'il avait dit, et le Dimanche suivant, dans son église, il prêcha le même sermon d'un bout à l'autre. Il l'a fait imprimer, et c'est un très bon sermon. On peut donc, non seulement parler, mais prêcher, pendant son sommeil. Il y a bien des prédicateurs aujourd'hui qui sont profondément endormis.
    Mais il est une chose, cependant, qu'il faut se garder d'oublier : on ne peut pas travailler en dormant. Il n'y a pas de meilleur moyen de réveiller une Église que de la mettre à l’œuvre. En se réveillant soi-même, on réveille les autres. Il va sans dire que dès que nous déclarerons la guerre au monde, au péché, au diable, les sages du siècle hocheront la tête, et s'écrieront: «Votre zèle est sans connaissance.»
    Depuis que je suis entré dans la vie chrétienne, je n'ai pas cessé d'entendre cette objection. L'autre jour, on parlait devant moi d'un nouveau projet d'évangélisation, et quelqu'un exprima l'espoir que le zèle serait accompagné de modération. Un autre ami répondit avec beaucoup de sagesse qu'il espérait que la modération serait accompagnée de zèle. S'il en était ainsi, le christianisme serait comme une flamme s'étendant sur toute la surface de la terre. Il n'y a pas de puissance au monde qui puisse résister à la marche en avant des enfants de Dieu quand ils sont résolus à vaincre.
    Dans tous les siècles, Dieu s'est servi de ceux dont le cœur était tout entier dans leur oeuvre. Satan appelle toujours à son service les gens paresseux. Dieu, au contraire, n'accepte que les hommes actifs et courageux. Quand nous serons bien réveillés et prêts au travail, alors Dieu se servira de nous. Vous vous rappelez où Elie trouva Élisée : dans un champ qu'il labourait. Quand Dieu l'appela, Gédéon était occupé à battre son blé. Moïse gardait les troupeaux dans la montagne d'Horeb. Aucun de ces grands serviteurs de Dieu n'était paresseux; ce qu'ils faisaient, ils le faisaient de toute leur force. Nous avons besoin aujourd'hui d'hommes et de femmes de cette trempe. Si nous ne pouvons pas mettre au service de Dieu autant de talents, autant de connaissances, que nous le voudrions, apportons-y au moins tout le zèle qu'il nous a donné.
    M. Taylor dit quelque part: «Voici comment le zèle des apôtres s'est manifesté: ils annonçaient l’Évangile en public et en particulier ; ils priaient pour tous les hommes ; ils suppliaient Dieu avec larmes de fondre les cœurs endurcis des hommes ; ils se faisaient tout à tous afin d'en sauver au moins quelques-uns ; ils parcouraient les terres et les mers ; ils s'exposaient aux ardeurs du soleil de Syrie et à la violence du vent Euroclydon ; ils ne craignaient ni les tempêtes, ni la prison, ni la moquerie, ni la persécution, ni le jeûne, ni la pauvreté, ni les travaux, ni les veilles ; ils supportaient tout, et ne faisaient de tort à personne. Rien ne leur coûtait, ni effort à faire, ni souffrance à endurer, s'ils pouvaient espérer de gagner une âme ; ils persuadaient les hommes avec douceur, ils les pressaient avec humilité, ils leur déclaraient le conseil de Dieu avec puissance ; ils veillaient sur leurs âmes, mais ne se mêlaient pas de leurs intérêts. C'est là le zèle chrétien, le zèle de la douceur, le zèle de l'amour, le zèle de la patience. »
    Beaucoup du gens ont peur du mot ENTHOUSIASME. Savez-vous ce que veut dire ce mot ? Il veut dire : en Dieu. L'homme qui est «en Dieu » sera certainement rempli d'enthousiasme. Quand on entreprend une affaire avec ardeur et zèle, on manque rarement de réussir. Un général d'armée qui est plein d'enthousiasme, enflammera ses hommes et accomplira de bien plus grandes choses que celui qui n'est pas animé du même esprit. On nous dit que si nous sommes si enthousiastes nous commettrons beaucoup d'erreurs. C'est probable. Avez-vous jamais vu un apprenti qui ne commit pas d'erreurs en apprenant son métier? Si vous ne vous mettez pas à l’œuvre par crainte de commettre des erreurs, il y a une grande erreur, au moins, que vous n'éviterez pas, la plus grande erreur de votre vie, celle de ne rien faire. Si chacun de vous fait ce qu'il peut, soyez sûrs qu'il y aura de bons résultats.
    Que de fois nous voyons des moniteurs de l'école du Dimanche se mettre à l’œuvre sans aucun enthousiasme. J'aimerais tout autant avoir des mannequins dans mon école que certains moniteurs que j'ai connus. Si j'étais charpentier, je pourrais en fabriquer autant que je voudrais. Regardez un de ces moniteurs qui n'ont ni cœur, ni feu, ni enthousiasme. Il arrive à l'école, plus souvent en retard qu'en avance. Il va se mettre à sa place ; puis, sans échanger aucune parole avec ses élèves, il commence à faire réciter la leçon, et tire de sa poche un petit livre avec questions et réponses. Il ne s'est pas donné la peine d'étudier lui-même la leçon du jour, et il est obligé d'avoir recours à ce que d'autres ont écrit sur le sujet.
    - Un moniteur de ce genre-là ouvre son questionnaire: - Jean, dis-moi qui fut le premier homme – jetant un regard sur son livre: Oui, c'est bien la question. Jean répond: Adam. - Nouveau regard du moniteur sur son livre. - Oui, c'est bien. Puis il passe à un autre élève, et toujours avec l'aide de son livre : - Charles, qui était Lot? - C'était le neveu d'Abraham. - Très bien, mon garçon. - Et ainsi de suite. Vous me direz que j'exagère. C'est évident, et je ne prétends pas que cette description soit rigoureusement exacte, mais elle n'est pas aussi fantaisiste que vous pourriez le croire. Vous imaginez-vous que c'est en s'y prenant de la sorte qu'on pourra faire grand bien à des enfants pleins de vie et d'ardeur?
    J'aime à voir un moniteur arriver de bonne heure dans son groupe et donner des poignées de main à tous ses élèves : - Bonjour, Jean ; comment cela va-t-il? - Ah ! te voilà, Charles ! Cela me fait plaisir de te voir. Comment va le bébé? Et ta mère? J'espère que tout le monde se porte bien chez toi. Voilà le genre de moniteur que j'aime. Quand il commencera à expliquer la leçon, tous les élèves écouteront ce qu'il dira. Il saura fixer l'attention du groupe tout entier, et il pourra diriger leurs cœurs vers le ciel et vers Dieu. Citez-moi une seule personne qui ait fait de grandes choses pour Dieu et qui n'ait pas été remplie d'enthousiasme. Si c'est là l'esprit dans lequel nous travaillons, Dieu nous bénira et nous donnera le succès.
    Avant mon départ d'Amérique, en 1867, un de mes amis vint me dire : « J'espère que vous irez à Édimbourg et que vous assisterez à l'assemblée générale de l'Eglise d'Ecosse. J'y étais l'année dernière, et j'y ai reçu une impression qui ne s'effacera jamais. Le Dr Duff prononça un discours qui nous électrisa tous. Jamais je n'oublierai l'heure que j'ai passée dans cette assemblée. »
    Je suivis le conseil de mon ami, j'allai passer huit jours à Edimbourg dans l'espoir d'entendre le Dr Duff. Je me procurai le discours dont on m'avait parlé, et j'en fus profondément ému. Le Dr Duff avait été missionnaire aux Indes. Au bout de vingt-cinq années passées à annoncer l'Évangile et à fonder des écoles, il avait complètement perdu la santé, et était revenu en Ecosse. Il avait demandé la permission de parler à une des séances de l'assemblée générale, afin d'adresser un appel en faveur des Missions. -
    Après avoir parlé pendant un certain temps, il fut si épuisé qu'il perdit connaissance. On l'emporta de la salle. Dès qu'il revint à lui, il voulut y retourner : « Je n'ai pas fini mon discours, dit-il ; je veux le finir.» On lui dit qu'il ne pourrait le faire qu'au péril de sa vie. « N'importe, répondit-il. Dussé-je en mourir, je finirai mon discours. » On dut le laisser retourner dans la salle, et mon ami me dit que ce fut un des spectacles les plus solennels qu'il avait jamais vus.
    Quand le vieillard aux cheveux blancs parut à la porte de la salle, tous les membres de l'Assemblée se levèrent, et bien des yeux devinrent humides à la vue de cet imposant vétéran. D'une voix tremblante d'émotion : « Pères et mères de l'Écosse, leur dit-il, est-il vrai que vous n'ayez plus de fils à envoyer aux Indes au service du Seigneur Jésus-Christ? La voix de ceux qui demandent du secours s'élève de plus en plus, mais personne n'y répond. Vous avez dans vos banques les fonds nécessaires, mais où sont les travailleurs qui iront cultiver la vigne du Seigneur? Quand la reine Victoria demande des volontaires pour son armée des Indes, vous donnez vos fils en grand nombre. Vous ne parlez pas alors de la perte de leur santé ou du climat dangereux. Mais quand le Seigneur Jésus-Christ demande des travailleurs, l'Écosse lui répond: « Nous n'avons plus de fils à donner. »
    Se tournant alors vers le président de l'Assemblée : « Monsieur le Président, dit-il, s'il est vrai que l'Ecosse n'a plus de fils à donner pour le service de Jésus-Christ aux Indes ; si personne ne veut aller porter à ces païens la bonne nouvelle du salut, bien que j'aie perdu ma santé dans ce pays, je repartirai demain, et ils sauront qu'il reste encore sur la terre un vieil Écossais prêt à mourir pour eux. Je retournerai sur les bords du Gange et j'y sacrifierai ma vie en témoignage pour le Fils de Dieu. »
    Bénissons Dieu de nous avoir donné un homme comme celui-là ! Il nous faut aujourd'hui des hommes prêts, s'il le faut, à déposer leur vie pour le Fils de Dieu. Quand nous les aurons, nous ferons une impression profonde sur le monde. Quand les hommes verront que nous sommes absolument sincères, leurs cœurs seront touchés, et nous pourrons les conduire à Jésus-Christ.
    Je n'approuvais pas Garibaldi en toutes choses, mais j'avoue que j'admirais son enthousiasme. Jamais je ne voyais son nom dans les journaux ou dans un livre sans lire tout ce que je trouvais sur son compte. Il y avait quelque chose en lui qui m'enthousiasmait à mon tour. Je me rappelle entre autres une lettre qu'il écrivait, en 1867,à ses compagnons d'armes. Il avait été arrêté pendant sa marche sur Rome. « Quand même cinquante Garibaldi seraient jetés en prison, écrivait-il, il faut que Rome soit libre !» - Peu lui importait son propre bien-être, pourvu que la liberté de l'Italie fût assurée. Si notre amour pour notre Maître et pour sa cause est assez profond pour nous porter à faire n'importe quel sacrifice, soyez-en sûrs, le Seigneur se servira de nous pour établir son royaume.
    J'ai lu l'histoire d'un chef barbare du neuvième siècle qui vint attaquer un roi. Ce roi avait une armée de trente mille hommes, et quand il apprit que le chef n'avait que cinq cents hommes avec lui, il lui fit dire que, s'il consentait à se rendre, il le traiterait avec miséricorde, ainsi que ses soldats.
    Dès que le chef barbare eut entendu cette proposition, il se tourna vers un des hommes de sa suite, et lui dit: « Prends ce poignard, et enfonce-le toi dans le cœur. » Le soldat obéit immédiatement et tomba mort aux pieds de son chef. Puis se tournant vers un autre : « Jette-toi dans ce précipice, » lui dit le barbare. Sans hésiter, le second soldat s'élança dans le vide, et l'on vit son corps rebondir et se briser sur les pierres. Le chef barbare s'adressa alors au messager du roi : « Retourne vers ton maître, et dis-lui que j'ai cinq cents hommes tels que ceux-ci. Nous pourrons mourir, mais nous ne nous rendrons jamais.
    Dis à ton roi que dans quarante-huit heures je le ferai enchaîner à côté de mes chiens. » Lorsque le roi sut de quelle trempe étaient les hommes qui marchaient contre lui, il eut peur. Son armée fut tellement démoralisée qu'elle fut bientôt dispersée comme de la paille devant le vent. Selon la prédiction du chef, avant que les quarante-huit heures fussent écoulées, le roi fut fait prisonnier et enchaîné à côté des chiens de son vainqueur.
    Quand on verra que nous n'avons d'autre but au monde que de travailler pour Dieu, on se sentira ému, et l'on viendra nous demander ce qu'il faut faire pour être sauvé.
    La tempête était à son comble quand un cri retentit: « Un homme à la mer ! » On put voir distinctement une forme humaine luttant courageusement contre les éléments en furie et se dirigeant vers le rivage ; mais les vagues l'entraînaient au large, et avant qu'on eût pu descendre les embarcations, une effroyable distance séparait déjà le nageur du secours qu'on voulait lui porter. Il poussa un cri qui domina le bruit de la tempête. Ce fut un moment d'inexprimable angoisse. Tous les regards étaient tendus vers le malheureux naufragé. Les braves rameurs raidissaient leurs muscles et se courbaient sur leurs rames avec toute l'énergie dont ils étaient capables ; mais tous leurs efforts furent inutiles. Encore un cri de désespoir, et la victime disparut sous les flots. Alors on entendit un autre cri, non moins perçant : Sauvez-le ! Sauvez-le ! et l'on vit un homme se précipiter sur le bord du navire, levant les bras au ciel dans sa détresse «J'offre vingt mille francs à celui qui le sauvera ! » mais son œil hagard n'eut rien d'autre à contempler que la place où les vagues s'agitaient sans remords au-dessus de l'homme qu'elles avaient englouti. Celui dont le cri perçant avait ému tous les cœurs était le capitaine du navire, et le noyé était son propre frère. Ce désir passionné de sauver son frère doit se retrouver chez quiconque s'est enrôlé sous la bannière du grand Capitaine de notre salut. « Sauvez-le ! c'est mon frère ! »
    Le fait est que beaucoup d'hommes rejettent le christianisme parce qu'ils trouvent que nous ne sommes pas suffisamment convaincus, que nous ne nous prenons pas nous-mêmes assez au sérieux. Dans cette même épître aux Ephésiens, où j'ai pris mon texte, l'Apôtre dit «que nous devons être des épîtres vivantes, lues et connues de tous les hommes. » Jamais, à ma connaissance, les chrétiens ne se sont mis résolument à l’œuvre dans le champ du Seigneur sans que Dieu leur ait accordé une abondante moisson. Hier soir, je suis venu à la réunion qu'on avait convoquée dans cette salle pour les hommes qui sont adonnés à la boisson, et je vous assure que nous avons eu de quoi nous occuper jusqu'à minuit.
    Il y avait là des hommes qui avaient été les esclaves de la boisson, et qui étaient venus dans l'espoir d'obtenir la victoire sur leur terrible penchant. De quelque côté que vous mettiez la faucille, vous verrez que la moisson est blanche, toute prête à être moissonnée.
    Ce que Dieu demande, ce sont des hommes et des femmes de bonne volonté. C'est infiniment plus précieux que les plus excellentes institutions. Si un homme ou une femme sont tout à fait résolus à travailler pour Dieu, ils n'attendront pas de faire partie de quelque comité. Si je vois un homme tomber à la rivière et en danger de se noyer, je n'attends pas de faire partie d'un comité pour essayer de le sauver. Bien des personnes me disent qu'elles ne peuvent rien faire en fait d'évangélisation parce que personne ne les en a chargées. La semaine dernière, j'ai demandé à quelqu'un de nous aider dans nos réunions intimes. « Je n'appartiens pas à ce quartier de Londres, » m'a-t-il répondu, Habituons-nous à regarder le monde entier comme notre paroisse, comme notre champ de travail. Si Dieu a placé quelqu'un à portée de notre influence, n'hésitons pas à lui parler de Christ et du ciel. Peut-être le monde se lèvera-t-il contre nous et nous traitera-t-il d'insensés. Je suis porté à croire que nul n'est propre pour le service de Dieu s'il n'est disposé à passer pour fou aux yeux du monde.
    On a bien dit que Paul était fou. Plût à Dieu qu'il y eût parmi nous un grand nombre d'hommes atteints de la même folie ! Comme quelqu'un l'a dit: Si nous sommes des fous, nous avons un bon gardien pendant que nous sommes en route, et un bon asile au terme de notre voyage.
    Ce qui me fait beaucoup de peine c'est qu'après être venu à des réunions comme celles-ci et avoir été ému, on reste plein de zèle pendant deux ou trois semaines, peut-être ; puis tout cela s'éteint. Cela me fait penser à un tas de copeaux sur lequel on a versé de l'essence de térébenthine. Vous y mettez le feu, une flamme brillante s'élève, mais bientôt il ne reste plus rien. Notre zèle ne doit jamais se ralentir, ni jour ni nuit. J'ai entendu parler, en Amérique, d'un certain puits qu'on disait très bon ; il n'avait que deux défauts : il gelait en hiver et il se desséchait en été. C'était un puits bien extraordinaire, n'est-ce pas? mais je crains qu'il ne soit pas le seul. Il y a beaucoup de personnes qui sont pleines de zèle et de dévouement par moments. Cela ne suffit pas ; il faut que notre ardeur ne se refroidisse jamais.
    N'attendez pas qu'on vienne vous demander votre collaboration., On dit souvent qu'il faut battre le fer pendant qu'il est chaud ; et c'est Cromwell, je crois, qui a dit que lorsque le fer n'est pas chaud, il faut le battre jusqu'à ce qu'il s'échauffe. Restons à notre poste, et notre zèle ne tardera pas à s'enflammer au service du Seigneur.
    Je voudrais, en terminant, m'adresser particulièrement aux moniteurs des Ecoles du Dimanche. Ne vous contentez pas, je vous en supplie, d'indiquer aux enfants la croix du Seigneur Jésus-Christ. Tant de moniteurs sèment le bon grain Dimanche après Dimanche, avec le vague espoir d'une moisson lointaine; ils ne comptent pas sur une moisson immédiate. J'ai fait comme eux, autrefois, et il s'est passé des années sans que je visse aucune conversion. Je crois que l'intention de Dieu est que nous semions d'une main et moissonnions de l'autre. Les deux opérations doivent marcher ensemble. Croire que les enfants ne peuvent être amenés à Christ que quand ils seront devenus des hommes ou des femmes est une idée fausse. On peut les amener à Christ dès leur enfance, et Christ les gardera, de telle sorte qu'ils deviendront des membres utiles de la société. Ils seront en bénédiction à leurs parents, à l'Église et au monde. Si vous les laissez grandir, au contraire, sans devenir chrétiens, beaucoup d'entre eux seront entraînés par les mauvais exemples ; et au lieu d'être une bénédiction, ils seront un fléau pour la société.
    Quelle est aujourd'hui la grande préoccupation de tous ceux qui s'occupent des écoles du Dimanche ? C'est le sort des jeunes gens et des jeunes filles qui quittent l'école du Dimanche. Vers l'âge de quinze ou seize ans, ils disparaissent tout-à-coup, et nous n'en entendons plus parler. Il y a en ce moment même dans vos prisons beaucoup de jeunes gens qui ont été élèves des écoles du Dimanche. Ce lamentable état de choses tient à ce que si peu de moniteurs croient à la conversion des enfants. On ne s'efforce pas de les amener à une connaissance personnelle de Jésus-Christ ; on se contente de répandre la bonne semence. Je voudrais que chaque moniteur prit la ferme résolution, avec l'aide de Dieu, de ne s'accorder ni trêve ni repos jusqu'à ce que son groupe tout entier soit entré dans le royaume de Dieu.
    Celui qui prendra une telle résolution verra des signes et des prodiges d'ici un mois. Jamais je n'oublierai la circonstance qui vint réveiller ma conscience sur ce point. Je dirigeais une grande école du Dimanche, contenant un millier d'enfants. Ce chiffre élevé me faisait le plus grand plaisir. S'il se maintenait ou s'il était dépassé, j'étais ravi. Si, au contraire, il diminuait, je m'attristais beaucoup. Je ne pensais toujours qu'au nombre des enfants. Parmi les groupes, il y en avait un qui donnait plus de peine que tous les autres. Il était composé de jeunes filles et se tenait dans un des coins de la grande salle. Il n'y avait dans toute l'école qu'un seul moniteur qui pût le diriger et y maintenir le bon ordre et la discipline. C'était tout ce qu'on pouvait espérer, pensais-je, et l'idée qu'aucune de ces jeunes filles pût être convertie ne me venait pas même à l'esprit.
    Un certain Dimanche, ce moniteur était absent, et ce fut à grand'peine que son remplaçant put maintenir l'ordre dans le groupe. Dans le courant de la semaine, le moniteur vint me voir à mon bureau. Je le trouvai très pâle, et m'informai aussitôt de sa santé : « Je viens d'avoir un crachement de sang, me dit-il; le médecin m'a prévenu que les poumons sont pris et que je n'ai plus pour longtemps à vivre. Je vais retourner chez ma mère dans l'état de New-York, et il faut que je renonce à mon groupe. »
    Il était convaincu, évidemment, que ses jours étaient comptés, et pendant qu'il parlait ses lèvres tremblaient, ses yeux se remplissaient de larmes. - J'en fus frappé, et lui dis. « Vous n'avez pas peur de mourir, n'est-ce pas ? » - «Oh! non, je n'ai pas peur de mourir, me répondit-il, mais je vais paraître
devant Dieu, et il n'y a pas une seule de mes élèves de l'école du Dimanche qui soit convertie. Que lui dirai-je ? » Comme il envisageait toutes choses sous un nouvel aspect, maintenant qu'il sentait qu'il allait rendre compte de son administration !
    Je gardai le silence. C'était une chose absolument nouvelle pour moi d'entendre parler de la sorte. Je lui dis enfin: « Voulez-vous que nous allions voir vos élèves et leur parler de Christ? » - « Je suis bien faible, me répondit-il, trop faible pour marcher. » - « Eh bien, nous irons en voiture. » Nous commençâmes notre tournée. Il avait à peine la force d'entrer dans chaque maison, tout en s'appuyant sur mon bras; mais il rassemblait toute son énergie pour parler à son élève; pour prier avec elle, pour la supplier de se donner à Christ. C'était une grande leçon pour moi. J'apprenais à voir les choses sous un jour tout à fait nouveau. Quand il fut à bout de forces, je le ramenai chez lui. Le lendemain, et les jours suivants, il continua ses visites. Parfois, il allait seul; parfois, je l'accompagnais.  
    Enfin, au bout de dix jours, il revint me trouver à mon bureau. Sa figure était rayonnante. « La dernière de mes élèves, dit-il, a donné son cœur à Christ. Je puis partir maintenant; j'ai fait tout ce que j'ai pu; mon oeuvre est terminée. »
    Je lui demandai quel jour il comptait partir. « Demain soir,» répondit-il. « Seriez-vous content, lui dis-je alors, si j'invitais ces jeunes filles, à se réunir chez moi pour vous revoir encore une fois avant votre départ? » Il accepta avec empressement, et je me hâtai de faire mes invitations. Pas une des jeunes filles ne manqua au rendez-vous. Jamais je n'avais passé de soirée comparable à celle-là; jamais je ne m'étais trouvé avec autant de personnes récemment amenées à Christ par ses efforts et les miens. Nous priâmes pour chacune des élèves du groupe, pour le moniteur, pour le directeur. Chacune des jeunes filles pria à son tour. Quel changement s'était opéré en elles dans ce court espace de temps. Nous essayâmes de chanter, mais nous ne pûmes pas très bien y réussir. Tout le monde prit congé du moniteur à la fin de la soirée; mais j'avais besoin de le revoir encore une fois. Le lendemain soir, j'allai à la gare, et à ma grande surprise, toutes les élèves de son groupé s'y trouvaient déjà ; sans s'être concertées, chacune avait voulu lui dire adieu une dernière fois. Nous étions tous sur le quai; quelques personnes se réunirent autour de nous: des ouvriers du chemin de fer, des voyageurs. C'était une belle soirée d'été ; le soleil se couchait derrière les prairies de l'Ouest.
    Enfin le train se mit en marche ; notre ami alla se placer sur la plate-forme extérieure - les wagons, en Amérique, sont faits autrement que les vôtres, - et montrant le ciel du doigt : « Au revoir là-haut, » nous dit-il, et il disparut.
    Quelle oeuvre avait été accomplie pendant ces dix jours ! Quelques-unes des élèves de ce groupe ont été pendant des années parmi les monitrices les plus dévouées de l'école. Plusieurs d'entre elles y travaillent encore aujourd'hui. Il y a quelques années, j'ai rencontré une autre de ces anciennes élèves travaillant avec zèle pour le Seigneur, sur les côtes de l'Océan Pacifique. L'été qui suivit le départ de notre ami, il se fit dans notre école un réveil religieux; sous cette influence bénie, je renonçai aux affaires pour me consacrer tout entier à l’œuvre du Seigneur. Sans les événements de ces dix jours, il est probable que je ne serais pas ici aujourd'hui.
    Moniteurs des écoles du Dimanche, permettez moi de vous supplier encore une fois de chercher le salut de vos élèves. Prenez la résolution de ne rien négliger, pendant les dix jours qui vont suivre, pour amener à Christ chacun des enfants de votre groupe. Pères et mères, n'ayez pas de repos avant que tous vos enfants soient entrés dans le royaume de Dieu. Oseriez-vous dire qu'il ne bénira pas de pareils efforts ! Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est un esprit de consécration et de concentration. Dieu veuille répandre son Esprit sur chacun de nous, et nous remplir d'un saint enthousiasme !

(fin de la première partie)